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05/07/2023 | FRANCE | N°22PA02636

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 22PA02636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hôtelière Régence a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à lui verser une somme totale de 302 255 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la réalisation des travaux publics de prolongement de la ligne 14 du métro parisien, assortie d'une somme de

10 234 euros au titre des intérêts de retard et d'enjoindre à la RATP de répondre de manière circonstanciée à sa demande d'indemnisation amiable

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Par un jugement n° 2002880/6-1 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hôtelière Régence a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à lui verser une somme totale de 302 255 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la réalisation des travaux publics de prolongement de la ligne 14 du métro parisien, assortie d'une somme de

10 234 euros au titre des intérêts de retard et d'enjoindre à la RATP de répondre de manière circonstanciée à sa demande d'indemnisation amiable.

Par un jugement n° 2002880/6-1 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la société Hôtelière Régence.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2022, la SARL Hôtelière Régence représentée par Me Rezgui, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la RATP à lui verser la somme de 202 255 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2017 ;

3°) de condamner la RATP à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires supplémentaires suite à la non-réponse à sa demande d'indemnisation amiable pour la période de janvier à août 2017, assortie des intérêts aux taux légal depuis le 14 décembre 2017 ;

4°) de condamner la RATP à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice résultant de l'absence de réponse à sa demande d'indemnisation présentée le

14 décembre 2017 ;

5°) de mettre à la charge de la RATP la somme de 10 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu qu'elle ne démontrait pas l'existence d'un préjudice grave et spécial pour la période allant du 1er janvier au 31 août 2017 ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas pris en compte le préjudice financier subi à la suite de l'absence de réponse de la RATP à sa demande d'indemnisation ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande d'injonction d'obtenir une réponse de la RATP ;

- la responsabilité sans faute de la RATP est engagée à son égard, dès lors qu'elle justifie d'un préjudice grave et spécial et qu'il existe un lien de causalité entre la réalisation des travaux litigieux et son préjudice ;

- son préjudice matériel, correspondant à sa perte de chiffre d'affaires au titre des mois de janvier à août 2017, s'élève à 202 255 euros ;

- elle doit en outre être indemnisée de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires supplémentaire, à hauteur de 100 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2022, la RATP, représentée par Me Grange, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Société Hôtelière Régence la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Condroyer, représentant la RATP.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hôtelière Régence exploite une activité d'hôtellerie au 33 rue Saint Pétersbourg à Paris 8ème. La RATP a réalisé, dans le cadre du prolongement de la ligne 14, à proximité de l'Hôtel Le Régence, un puits en béton armé permettant de relier le tunnel à la surface afin de permettre la ventilation du tunnel et l'accès des secours. Ces travaux se sont déroulés du 9 novembre 2015 au 31 août 2017. Les travaux de réfection de voirie ont été réalisés du 23 octobre 2017 au 24 novembre 2017. La Société Hôtelière Régence, qui a saisi la commission d'indemnisation amiable, a reçu deux indemnisations correspondant aux préjudices subis en raison des travaux pour la période comprise entre octobre 2015 et décembre 2015 puis pour la période comprise entre janvier et décembre 2016. Cependant, la RATP a refusé de lui verser l'indemnité qu'elle lui réclamait au titre de son préjudice pour la période du 1er janvier 2017 au 31 août 2017. La société Hôtelière Régence relève appel du jugement du 8 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que la RATP soit condamnée à lui verser la somme de 302 255 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait de la réalisation des travaux publics de prolongement de la ligne 14 du métro parisien, assortie d'une somme de 10 234 euros au titre des intérêts de retard et d'enjoindre à la RATP de répondre de manière circonstanciée à sa demande d'indemnisation amiable.

2. Les riverains des voies publiques ont la qualité de tiers par rapport aux travaux publics d'aménagement ou de réfection de ces voies. S'ils subissent un dommage à cette occasion, il incombe à la collectivité maîtresse d'ouvrage, même en l'absence de toute faute de sa part, d'en assurer l'indemnisation à la double condition pour le demandeur d'établir, d'une part, le lien de causalité présenté avec les travaux publics litigieux et, d'autre part, le caractère grave et spécial du préjudice qu'il invoque. En outre, ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics et, en particulier, à ceux des voies publiques.

3.La société Hôtelière Régence demande l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subi en raison des travaux de la RATP pour la période du 1er janvier 2017 au 31 août 2017. Elle soutient que la baisse de son chiffre d'affaires durant cette période est due aux nuisances occasionnées par les travaux litigieux, en raison du défaut total de visibilité de l'hôtel, du bruit permanent des machines affectées aux travaux, des coulées et projections de boues sur les fenêtres et de la fermeture provisoire de l'accès à l'hôtel. Toutefois, à l'appui de sa demande d'indemnisation, elle se borne à produire quelques photos des préjudices subis, qui comme l'a relevé le tribunal, ne sont pas datées ou bien datées de 2016, une liste non datée de clients qui auraient annulé leur réservation, des fiches de réservation pour 2016, des courriels et plaintes de clients datant de 2015 ou 2016 ou encore non datées ainsi qu'un tableau retraçant l'évolution de son chiffre d'affaires entre 2013 et 2015. Si en appel, elle produit trois nouvelles photos, datées de septembre 2017, celles-ci permettent de constater qu'à cette date, la façade et l'enseigne de l'établissement étaient visibles, qu'existait un passage pour accéder à l'hôtel et que le trottoir était libre de tous travaux. La RATP fait également valoir sans être sérieusement contestée qu'existait également à cette date une possibilité de stationner dans la rue à proximité de l'hôtel, les travaux s'exécutant dans un périmètre extrêmement limité. L'ensemble de ces éléments pas plus que les comptes annuels de la société de 2011 à 2017, ne permettent d'établir que la baisse du chiffre d'affaires de la société appelante serait la conséquence directe de la dernière phase du chantier qui a porté sur des travaux d'aménagements et d'étanchéité dans l'ouvrage enterré et non en voirie. Par conséquent, la société n'établit pas de lien de causalité entre les préjudices dont elle se prévaut et les travaux litigieux pour la période du 1er janvier 2017 au 31 août 2017.

4. En outre, la société Hôtelière Régence ne saurait se prévaloir de l'existence des indemnisations obtenues dans le cadre amiable au titre des périodes antérieures pour soutenir qu'il incomberait à la RATP de démontrer l'absence de nuisances des travaux au titre de la période de janvier à août 2017.

5. Enfin, la société appelante ne saurait solliciter l'indemnisation du préjudice de perte de chance résultant du défaut de réponse à sa demande préalable dès lors qu'une décision implicite de rejet est née du silence de l'administration et qu'en tout état de cause, le préjudice qui en aurait résulté selon elle n'est qu'éventuel.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hôtelière Régence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la RATP, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société Hôtelière Régence au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la RATP sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Hôtelière Régence est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la RATP présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Hôtelière Régence et à la Régie autonome des transports parisiens.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02636 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02636
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL GMR AVOCATS - GRANGE-MARTIN-RAMDENIE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;22pa02636 ?
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