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07/07/2023 | FRANCE | N°21PA02348

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 07 juillet 2023, 21PA02348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Groupe B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1909444 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2021 et un mémoire en réplique, enregistré le 13 ao

t 2021, la SNC Groupe B... A..., représentée par Mes Philip et de Stefano, avocats, demande à la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Groupe B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1909444 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2021 et un mémoire en réplique, enregistré le 13 août 2021, la SNC Groupe B... A..., représentée par Mes Philip et de Stefano, avocats, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement entrepris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et d'une dénaturation des faits et pièces de la procédure ;

- le tribunal a omis de répondre à l'ensemble des arguments venant au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, entachant ainsi son jugement d'un défaut de réponse à conclusions ;

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors qu'elle n'a pas bénéficié de la garantie relative à l'abandon des redressements envisagés en cas d'absence de réponse de l'administration dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable, prévue à l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales ;

- en retenant que le seuil du chiffre d'affaires visé à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'entendait du montant rectifié par l'administration et non du montant déclaré par le contribuable, l'administration a entaché le rehaussement d'une erreur de droit ;

- l'administration fiscale a procédé à deux vérifications de comptabilité successives portant sur la même période et les mêmes impositions en méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a manqué à ses obligations tenant à l'organisation d'un débat oral et contradictoire en cours de vérification de comptabilité ; elle a méconnu sa propre doctrine ;

- les propositions de rectification des 19 décembre 2013 et 30 octobre 2014 sont insuffisamment motivées sur plusieurs chefs de redressements ;

- l'administration a manqué à ses obligations d'information et de communication résultant de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, portant ainsi atteinte au principe des droits de la défense ;

- les impositions sont dépourvues de bien-fondé, la SNC Groupe B... A... étant redevenue déficitaire par l'effet de l'annulation judiciaire de la sentence arbitrale dont elle avait bénéficié le 7 juillet 2008 et ses comptes bancaires ayant été saisis ;

- le manquement délibéré constituant le fondement de la majoration de 40 % qui lui est infligé en application de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas établi, faute pour l'administration d'apporter la preuve qui lui incombe.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 juillet 2021 et le 18 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance n° 21PA02348 du 21 octobre 2021, le président de la 9ème chambre de la Cour a conclu au non-lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour la SNC Groupe B... A... par Mes Philip et de Stefano par mémoire distinct, enregistré le 13 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Groupe B... A... (SNC GBT), qui est une société holding gérant les sociétés dirigées par M. B... A..., soumise à l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de l'exercice clos en 2011. A l'issue de cette procédure, l'administration fiscale a procédé à un rehaussement en base d'impôt sur les sociétés selon la procédure de rectification contradictoire. Ce rehaussement, notifié par deux propositions de rectification datées respectivement des 19 décembre 2013 et 30 octobre 2014, a été assorti de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts et de la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du même code. La SNC Groupe B... A... relève régulièrement appel du jugement du 3 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient commis une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et auraient dénaturé les faits et pièces soumis à leur appréciation dans le cadre de l'examen du caractère contradictoire de la procédure de vérification de comptabilité mise en œuvre par l'administration, qui ne sont pas susceptibles d'être utilement soulevés devant le juge d'appel mais seulement devant le juge de cassation, remettent en cause le bien-fondé du jugement, et non sa régularité. Il y sera donc statué à l'occasion de l'examen du bien-fondé du jugement.

3. En second lieu, d'une part, si la société Groupe B... A... reproche au tribunal un défaut de réponse à des conclusions, il résulte du dossier de première instance, transmis à sa demande à la Cour, que les premiers juges ont statué sur l'ensemble des conclusions qui leur étaient soumises par la société dans ses écritures de première instance. Le moyen tiré de l'omission à statuer sur des conclusions doit, par suite, être écarté comme non fondé. D'autre part, il ressort de la lecture du point 4 du jugement attaqué que les juges de première instance, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société, ont énoncé de manière suffisamment précise les éléments de faits pertinents au soutien de leur raisonnement et les motifs par lesquels ils ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales. Le jugement contesté répond à cet égard à l'obligation de motivation posée à l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales dans sa version alors en vigueur : " I.- En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 €, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable. (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées que le plafond de référence du chiffre d'affaires obligeant l'administration à répondre dans un délai de soixante jours à réception des observations du contribuable doit s'entendre non du chiffre d'affaires déclaré par le contribuable avant l'engagement d'un contrôle, mais du chiffre d'affaires rectifié par l'administration après une proposition de rectification. En l'espèce, il résulte de l'instruction que si la société a déclaré un chiffre d'affaires à hauteur de 450 000 euros au titre de l'exercice clos au 30 juin 2011, le chiffre d'affaires tel que rectifié par l'administration fiscale à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet s'élevait à la somme de 17 951 497 euros. Par suite, contrairement à ce que soutient la SNC Groupe B... A..., l'administration fiscale n'était pas tenue de répondre aux observations présentées par la société à l'appui d'un courrier du 12 février 2014 dans le délai de soixante jours visé par les dispositions de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales, inapplicables au cas d'espèce, ainsi que l'ont relevé à bon droit les juges de première instance et n'a pas davantage commis d'erreur de droit en retenant, pour l'application de ces dispositions, le chiffre d'affaires rectifié à la suite de la vérification opérée.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales dans sa version alors en vigueur : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. / Toutefois, il est fait exception à cette règle : / (...) 6° Dans les cas prévus à l'article L. 188 A après l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire ; (...) ". Aux termes de l'article L. 188 A du même livre : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. / Le présent article s'applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l'administration ".

7. D'une part, il résulte de ces dispositions que la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, qui permet à l'administration de solliciter des renseignements d'un autre Etat, ne constitue pas une modalité de la vérification sur place des livres ou documents comptables de la société vérifiée. Lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise.

8. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification sur place qui s'est terminée le 21 novembre 2013, l'administration fiscale a informé la société, par un courrier recommandé du 8 septembre 2014, réceptionné le lendemain, de la réponse des autorités luxembourgeoises à sa demande de renseignements reçue le 27 août précédent. Ces éléments d'information se rapportaient aux intérêts acquis par la société dans le cadre d'un contrat de capitalisation souscrit auprès de la compagnie luxembourgeoise SOGELIFE visé au § IV.4 de la proposition de rectification du 19 décembre 2013 relatif aux produits sur contrat de capitalisation. Ces éléments étaient nécessaires pour déterminer précisément le montant de redressement en cause. Compte tenu de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en était fait, ces informations impliquaient ainsi nécessairement la réouverture d'un débat oral et contradictoire dès lors qu'ils étaient recueillis postérieurement aux opérations de contrôle et allaient être utilisés pour compléter les rectifications envisagées. Le vérificateur a en conséquence proposé à la société, par un courriel du 15 octobre 2014, la tenue d'un nouveau rendez-vous organisé le 29 octobre 2014. En soumettant au débat contradictoire, dans le cadre d'une nouvelle réunion de synthèse, les pièces obtenues à la suite d'une mesure d'assistance administrative internationale et qui ont servi à fonder une partie des rehaussements en litige notifiés par la proposition de rectification du 30 octobre 2014, l'administration fiscale a poursuivi le débat sur la base d'éléments obtenus postérieurement à la fin des opérations de vérification pour compléter ce même contrôle, sans procéder irrégulièrement à une nouvelle vérification de comptabilité. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

9. D'autre part, si, s'agissant du chef de redressement portant sur l'insuffisance d'actif résultant d'un prêt accordé par la SNC Groupe B... A... à M. C... A..., non visé par la proposition de rectification du 19 décembre 2013, la proposition de rectification complémentaire du 30 octobre 2014 doit être regardée comme résultant, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, d'une deuxième vérification portant sur le même impôt et le même exercice, cette irrégularité, en l'espèce, est sans incidence sur les impositions en litige, aucune imposition n'ayant été établie à raison de ce chef de redressement.

10. En troisième lieu, la SNC Groupe B... A... a accusé réception le 9 septembre 2014 du courrier de l'administration fiscale l'informant de la réception de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises à sa demande de renseignements. La circonstance que le courriel du 15 octobre 2014 proposant la tenue d'un nouvel entretien ne fasse pas référence à la réponse obtenue des autorités luxembourgeoises ne permet pas de révéler l'absence d'échange contradictoire sur les éléments d'information obtenus dans le cadre de cette demande d'assistance internationale et discutés à l'occasion de la dernière réunion de synthèse du 29 octobre 2014. Par ailleurs, cette réunion, qui n'a pas eu pour objet de procéder à un nouvel examen de la comptabilité de la société, n'impliquait pas l'envoi préalable d'un avis de vérification ou la communication des documents obtenus devant l'administration fiscale luxembourgeoise. Par suite, la SNC Groupe B... A..., à laquelle incombe la charge d'établir l'existence d'un manquement au débat oral et contradictoire, dès lors que la vérification de sa comptabilité a été effectuée, comme il est de règle, dans ses locaux, ou, à sa demande, au cabinet de son conseil, n'établit pas le manquement allégué au principe du débat oral et contradictoire. En outre, si la SNC Groupe B... A... soutient que l'administration a méconnu les énonciations de sa propre doctrine, la documentation citée (BOI-CF-PGR-10-60 n° 170 du 16 janvier 2019 et BOI-CF-PGR-20-40 n° 210 et 220 du 4 octobre 2017), au demeurant postérieure aux impositions en litige, a trait à la procédure d'imposition et ne peut être utilement invoquée sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".

12. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire à son obligation de motivation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un précédent contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition de rectification ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

13. D'une part, la proposition de rectification du 19 décembre 2013 précise, s'agissant des avances de trésorerie consenties par la SNC Groupe B... A... à ses filiales, l'ensemble des comptes courants d'associés qui présentent des soldes débiteurs ainsi que les noms des filiales. Elle précise que ces avances de trésorerie consenties sans intérêts, sans échéance et sans condition de remboursement sont constitutives d'un acte anormal de gestion et indique, le taux d'intérêt appliqué pour déterminer le montant des intérêts non réclamés constitutifs du rehaussement, correspondant au taux moyen mensuel sur les encours des dépôts auprès des institutions financières monétaires pour les titres d'OPCVM monétaires. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la société, la proposition de rectification était suffisamment motivée pour lui permettre de formuler utilement ses observations ou de faire connaître son acceptation de la rectification qui lui était proposée.

14. D'autre part, et contrairement à ce que soutient la SNC Groupe B... A..., l'administration n'a pas motivé les propositions de rectifications des 19 décembre 2013 et 30 octobre 2014 par référence à onze documents dont la copie n'a pas été jointe, mais a uniquement mentionné les documents comptables et juridiques, obtenus de la société dans le cadre de la vérification de comptabilité, sur lesquels elle s'est fondée pour établir les rehaussements, tels que des factures d'honoraires, des contrats de capitalisation ou des relevés de comptes bancaires, ainsi que, s'agissant du redressement relatif au produit de contrats de capitalisation, la réponse apportée par les autorités luxembourgeoises à sa demande d'assistance administrative internationale. Il est en outre constant que la société a pu présenter des observations et engager un débat contradictoire avec l'administration fiscale qui a conduit, le 17 février 2015, à la déduction du résultat imposable de la société d'une moins-value sur valeurs mobilières de placement d'un montant de 3 148 264 euros.

15. Enfin, s'agissant des modalités de détermination des produits financiers imposables mentionnés dans la proposition de rectification du 19 décembre 2013, l'administration a précisé les comptes concernés par des avances de trésorerie consenties sans intérêt par la société à ses filiales en relevant qu'elles n'avaient donné lieu à l'enregistrement d'aucun produit financier au cours de l'exercice. L'administration a précisé qu'il convenait d'appliquer, aux intérêts non réclamés, le taux moyen mensuel sur les encours des dépôts auprès des institutions financières monétaires pour les titres d'OPCVM monétaires, ces taux de rémunération constatés par la Banque de France figurant dans un tableau en page 9 de la proposition de rectification. Les modalités de détermination des produits financiers imposables ont également été détaillées dans les tableaux figurant à l'annexe 1 de la proposition de rectification afin de permettre à la société, compte tenu des indications qu'ils comportent, de reconstituer les modalités de calcul des taux d'intérêts. Par suite, les éléments figurant dans la proposition de rectification étaient suffisamment précis et explicites pour permettre à la société, comme elle l'a d'ailleurs fait, de formuler utilement ses observations.

16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectifications doit être écarté.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

18. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue, lorsqu'elle en dispose, de lui communiquer avant la mise en recouvrement des impositions les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui lui sont opposés. Il en va ainsi, sauf dans le cas d'informations librement accessibles au public, alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur.

19. D'autre part, la méconnaissance, par l'administration, de l'obligation de communication prévue par ces dispositions affecte les impositions pour lesquelles elle a utilisé les renseignements et documents en cause, que ce soit pour conduire la procédure d'imposition ou pour déterminer le montant de l'impôt.

20. Pour remettre en cause la provision pour dépréciation de valeurs mobilières de placement comptabilisée par la société à hauteur de 12 031 708 euros et estimer qu'elle n'était justifiée qu'à hauteur de 590 740 euros, l'administration fiscale a comparé la valeur d'inscription à l'actif des titres Air France-KLM et BNP Paribas, sociétés cotées en bourses, et leur estimation à la date de clôture de l'exercice le 30 juin 2011 figurant en page 11 de la proposition de rectification du 19 décembre 2013. L'estimation de la valeur vénale des titres a ainsi été faite, en application des dispositions de l'article 38 septies de l'annexe III au code général des impôts, citées par l'administration, au regard d'informations librement accessibles au public dont l'administration n'avait pas à préciser l'origine ou les conditions d'obtention. En outre, si la société requérante soutient que la mention du " cours au 30 juin 2011 " n'aurait pas été suffisamment explicite, il résulte toutefois de ses observations présentées le 12 février 2014, qu'elle a confirmé le montant de la moins-value latente à hauteur de la somme retenue par l'administration et n'a sollicité, à aucun moment de la procédure, la communication des documents mentionnant le cours des actions avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Par suite, d'une part, la proposition de rectification satisfait aux exigences des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales. D'autre part, l'administration fiscale n'a pas en l'espèce manqué à l'obligation prescrite par l'article L. 76 B du même livre, ainsi que l'ont retenu à bon droit les juges de première instance.

21. S'agissant de la remise en cause de la provision pour dépréciation sur options d'achats et de vente d'actions, il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que la société n'avait pas déclaré de positions symétriques prises au cours de l'exercice ou en cours à la clôture de l'exercice en déposant un document spécifique et ne remplissait ainsi pas les conditions fixées à l'article 38-6-3° du code général des impôts et au 2 C de l'annexe III. Ce constat, qui a servi de fondement à la reprise de la provision constituée, a ainsi été opéré au regard des propres déclarations de la société et des dispositions citées, rappelées dans la proposition de rectification, sans que l'administration ne se réfère à des informations ou à des pièces obtenues d'un tiers. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

22. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard./ Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ".

23. L'administration fiscale a relevé à l'appui de la proposition de rectification du 30 octobre 2014 une insuffisance d'actif correspondant à un prêt accordé par la société à M. C... A... le 26 mai 2011 pour un montant de 3 000 000 d'euros. Il résulte de l'instruction que si la société a sollicité à l'appui de ses observations du 3 janvier 2015 la communication de l'ensemble des éléments justifiant ce rehaussement, l'administration a reconnu, dans ses écritures présentées en première instance comme en appel, ne pas avoir transmis le contrat de prêt conclu le 26 mai 2011 entre la société et M. C... A..., transféré le 14 octobre 2014 à M. B... A.... Le manquement à cette obligation de communication n'a toutefois eu de conséquence que sur la seule fraction des impositions établie sur le fondement de ce contrat de prêt, redressement abandonné par l'administration fiscale le 22 décembre 2015 à l'issue de l'entretien organisé le 27 juillet 2015 avec l'interlocuteur départemental des impôts. Cette irrégularité, circonscrite à ce rehaussement, n'a pas eu pour conséquence d'entacher d'irrégularité l'ensemble de la procédure et n'a en l'espèce privé la société d'aucune garantie concernant les impositions en litige. Par suite, la SNC Groupe B... A... n'est pas fondée à soutenir, d'une part, que l'ensemble de la procédure se trouverait viciée en raison du défaut de communication par l'administration du contrat de prêt conclu le 26 mai 2011 et, d'autre part, que l'administration aurait porté atteinte aux droits de la défense.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

24. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Aux termes de l'article 209 du même code : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45,53 A à 57,237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions./Toutefois, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 37, l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises créées à compter du 1er janvier 1984 est établi, lorsqu'aucun bilan n'est dressé au cours de la première année civile d'activité, sur les bénéfices de la période écoulée depuis le commencement des opérations jusqu'à la date de clôture du premier exercice et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle de la création (...) ".

25. D'une part, la société soutient que la rétractation de la sentence arbitrale du 7 juillet 2008 et la condamnation de la SNC Groupe B... A..., solidairement avec la société FIBT et M. et Mme B... A... au remboursement des sommes versées en exécution de la sentence, prononcées par la cour d'appel de Paris les 17 février et 3 décembre 2015, entrainent l'annulation rétroactive des indemnités versées à ce titre. Elle fait valoir que les rehaussements ont été établis sur des sommes qui correspondent essentiellement à un décalage d'imposition sur des produits réalisés sur l'indemnité d'arbitrage, qui n'existent plus du fait des décisions juridictionnelles et qui concernent une période durant laquelle la société Groupe B... A... était largement déficitaire, comme en atteste la liasse fiscale rectificative établie au titre de l'exercice clos au 30 juin 2011. Toutefois, à supposer même que la rétractation de la sentence arbitrale mentionnée soit susceptible, à raison de son caractère rétroactif constitutif d'un événement, d'ouvrir à la société un droit à réclamation à raison d'un excédent d'actif net représenté par des dettes rétablies, ou d'une perte nette constatée sur les indemnités reçues ou versées, les chefs de redressement en litige ne trouvent pas leur origine dans un accroissement d'actif net ou dans un produit net né de l'exécution de la sentence arbitrale. Par suite, la rétractation de la sentence arbitrale est sans incidence sur le bien-fondé des redressements en litige, déterminés conformément au principe d'annualité de l'impôt et aux dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts à partir des valeurs d'actif et de passif constatées à la clôture de l'exercice 2011, et sans créer de surtaxe au détriment de la société. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen soulevé.

26. D'autre part, si la SNC Groupe B... A... soutient que la saisie de ses comptes bancaires en 2013 a pour effet de la priver de la disposition des intérêts financiers afférents notamment aux contrats de capitalisation qu'elle a souscrits, cette circonstance est sans incidence sur la disposition de ces mêmes intérêts au cours de l'exercice en litige, clos le 30 juin 2011, et le fait générateur de leur imposition au titre de cet exercice.

En ce qui concerne les pénalités :

27. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ". Il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application d'une telle majoration.

28. Pour justifier l'application d'une majoration pour manquement délibéré dont les rehaussements en litige ont été assortis, l'administration s'est fondée sur l'importance et la nature des rehaussements notifiés et la répétition d'erreurs dont la société avait nécessairement connaissance en minorant sa base imposable, en maintenant des comptes d'associés débiteurs en pure libéralité et sans contrepartie au profit de son gérant et de sociétés tierces. Elle a également relevé, s'agissant des provisions sur valeurs mobilières de placement, que la société avait systématiquement et intentionnellement minoré sa base imposable en méconnaissance des principes de déductions prévues à l'article 39.1.5 du code général des impôts et avait minoré pour plusieurs millions d'euros les produits afférents au contrat de capitalisation SOGELIFE, le service vérificateur ayant dû avoir recours à une mesure d'assistance administrative internationale pour obtenir le montant réel de cette rémunération. Au vu de ces éléments, alors que la SNC Groupe B... A..., holding créée en 1979 et spécialisée dans la gestion des participations du groupe, doit être regardée comme ne pouvant ignorer, en qualité de professionnel, les règles de dépréciation de participations rappelées aux points 20 et 21 du présent arrêt, l'administration a suffisamment justifié l'intention délibérée de la requérante de dissimuler une partie de sa base imposable au titre de l'année 2011. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application de la majoration prévue par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts lorsque le manquement délibéré est établi, et a donc assorti les rappels d'impôt sur les sociétés en cause de la majoration au taux de 40 % prévue par ces dispositions.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC Groupe B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC Groupe B... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif (SNC) Groupe B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 7 juillet 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02348
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : PHILIP

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-07;21pa02348 ?
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