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31/07/2023 | FRANCE | N°18PA23342

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 juillet 2023, 18PA23342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Artelia bâtiment et industrie a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser la somme de 77 207,66 euros TTC au titre du solde de son marché et la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices causés par la résistance abusive du maître de l'ouvrage.

Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à ce que la société Artelia bâ

timent et industrie soit condamnée à lui verser la somme de 5 267 586,69 euros au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Artelia bâtiment et industrie a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser la somme de 77 207,66 euros TTC au titre du solde de son marché et la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices causés par la résistance abusive du maître de l'ouvrage.

Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à ce que la société Artelia bâtiment et industrie soit condamnée à lui verser la somme de 5 267 586,69 euros au titre des préjudices subis du fait de l'allongement de la durée des travaux de construction de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin et la somme de 11 890 821,96 euros au titre de la perte de chance d'obtenir des entreprises de travaux le paiement de pénalités de retard ou, subsidiairement, à ce que les pénalités de retard appliquées à la société Artelia bâtiment et industrie soient modulées à la somme de 5 267 586,69 euros.

Par un jugement n° 1600764 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser à la société Artelia bâtiment et industrie la somme de 77 207,66 euros, augmentée des intérêts moratoires, et a rejeté le surplus des demandes indemnitaires des parties.

Par une ordonnance du 1er mars 2019 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 août 2018 et 17 juillet 2019, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique et de rejeter la demande d'indemnisation présentée par la société Artelia bâtiment et industrie ;

2°) de condamner la société Artelia bâtiment et industrie à lui verser la somme de 5 267 586,69 euros au titre des préjudices subis du fait de l'allongement de la durée des travaux de construction de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin, la somme de 11 890 821,96 euros au titre de la perte de chance d'obtenir des entreprises de travaux le paiement de pénalités de retard et la somme de 61 250,13 euros TTC au titre des paiements indûment perçus par l'intéressée ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Artelia bâtiment et industrie à lui verser la somme de 31 873,72 euros correspondant aux 68 jours retenus par l'expert au titre de la contribution de l'OPC au retard du chantier et de moduler ces pénalités pour qu'elles atteignent la somme de 5 267 586,69 euros ;

4°) d'ordonner la compensation des sommes dues ;

5°) de mettre à la charge la société Artelia bâtiment et industrie une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer ;

- les factures qui seraient impayées sont postérieures à la réception de l'ouvrage, ne sont rattachées à aucune prestation identifiable et ne reposent sur aucune cause juridique identifiée ;

- une somme supérieure au montant facturé a en outre déjà été versée à la société Artelia bâtiment et industrie et il est dès lors fondé à demander à être indemnisé du trop perçu par la société pour un montant de 61 250,13 euros TTC ;

- son action n'est pas prescrite ;

- les carences de l'OPC dans le suivi des jours de retard des entreprises l'ont privé de la chance de demander au tribunal d'imputer des pénalités au prorata des jours de retard constatés ;

- les fautes de l'OPC ont contribué à l'allongement du chantier, pour lequel il a subi un préjudice dont 5 267 586,69 euros incombe à la société Artelia bâtiment et industrie ;

- à titre subsidiaire, des pénalités correspondant à 68 jours de retard devront être infligées à la société Artelia bâtiment et industrie ;

- ces pénalités devront être modulées à hauteur de 5 267 586,69 euros.

Par des mémoires enregistrés les 8 avril 2019 et 28 septembre 2020, la société Artelia bâtiment et industrie, représentée par la SCP Preel Hecquet Payet-Godel, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de sa résistance abusive et de le condamner à lui verser cette somme ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente des décisions du tribunal administratif de la Martinique et de la cour administrative d'appel de Bordeaux, d'ordonner une expertise, et de condamner les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Iosis devenue Egis bâtiments, Oasiis, Oth bâtiments, Oth Antilles Guyane, Asco BTP, Icade et SEMAVIL et M. A... à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les factures précisent le marché auquel elles se rattachent et l'état d'avancement des prestations concernées ;

- le tableau de suivi des paiements qu'elle est censée avoir perçus ne concerne pas ses marchés ;

- l'action du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à son encontre est prescrite ;

- elle a parfaitement exécuté sa mission et n'a commis aucune faute ;

- dans l'hypothèse où un retard lui serait reproché, seules des pénalités de retard pourraient lui être infligées ;

- le préjudice du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et le lien de causalité avec les fautes qui lui sont reprochées ne sont pas établis ;

- elle n'a pas failli dans le décompte des jours de retard et il ne lui incombait pas d'opérer des retenues sur les acomptes mensuels des entrepreneurs ;

- le préjudice allégué au titre de la perte de chance d'infliger des pénalités n'est ni direct, ni certain ;

- aucune faute ne pourra être retenue à son encontre au titre de la période couverte par le protocole du 20 décembre 2010.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant au versement de la somme de 61 250,13 euros TTC au titre d'un trop-perçus, en ce qu'elles sont nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mbouhou, représentant le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et de Me Roger, représentant la société Artalia.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché du 22 août 2003, le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, aux droits duquel vient le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, a confié à la société GPCI, devenue COTEBA puis Artelia bâtiment et industrie, une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) des travaux de construction de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin, pour une durée initiale de 36 mois courant à compter du 24 décembre 2004, reportée au 24 février 2009 par un avenant n°1 du 29 avril 2008 puis au 24 juin 2009 par un avenant n°2 du 28 mai 2009. Par un marché complémentaire signé le 18 juin 2010 pour une durée de quatre mois, le groupement de coopération sanitaire a confié à la société COTEBA une mission d'OPC ne figurant pas dans le marché initial. Par un protocole transactionnel signé le 20 décembre 2010, les parties ont conclu un accord financier portant sur la période comprise entre le 24 juin 2009 et le 21 juin 2010. Un troisième marché de prestations de services d'OPC a enfin été signé le 17 janvier 2011 pour une durée d'un mois et demi, jusqu'au 28 février 2011. La société Artelia bâtiment et industrie a transmis ses projets de décompte correspondant au marché principal et au marché signé le 18 juin 2010. En l'absence de notification du décompte général du marché initial par le maître d'ouvrage, elle a transmis un mémoire en réclamation le 21 septembre 2016. Elle a demandé au tribunal administratif de Martinique de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser la somme de 77 207,66 euros TTC au titre de factures impayées ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation de la résistance abusive du maître d'ouvrage. Le groupement de coopération sanitaire relève appel du jugement par lequel le tribunal a partiellement fait droit à la demande de la société Artelia bâtiment et industrie et a rejeté l'ensemble de ses conclusions reconventionnelles.

Sur la recevabilité :

2. Les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à la condamnation de la société Artelia bâtiment et industrie à lui verser une somme de 61 250,13 euros TTC correspondant aux paiements prétendument indus perçus par l'intéressée sont nouvelles en appel et doivent, par suite, être rejetées.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a seulement demandé au tribunal, au titre des pénalités, l'application d'un montant modulé à la hausse à hauteur de de 5 267586,69 euros. Dans ces conditions, le tribunal, en statuant uniquement sur cette demande, n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal :

S'agissant du paiement des factures de la société Artelia bâtiment et industrie :

4. D'une part, il résulte de l'instruction que les prestations correspondant aux factures dont la société Artelia bâtiment et industrie demandait le paiement se rapportent au marché principal, dont elles mentionnent le numéro 422 bis, bien que la date du marché mentionnée sur les factures soit erronée. Le tableau de situation des paiements de la société Artelia bâtiment et industrie produit par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et les mentions figurant sur les factures permettent par ailleurs d'identifier que la première facture correspond à des prestations des phases E et F, relatives à la levée des réserves, à la mise en place des mobiliers et des équipements, au dossier de récolement, à la fin de chantier, mise en exploitation et au parfait achèvement, et que les autres factures concernent les prestations de récolement et de parfait achèvement. Dans ces conditions, le groupement de coopération sanitaire de

Mangot-Vulcin n'est pas fondé à soutenir que ces prestations ne sont pas identifiables et ne reposent pas sur une cause juridique connue.

5. D'autre part, il résulte du tableau de situation des paiements de la société Artelia bâtiment et industrie produit par le requérant, et en particulier de la date d'émission des factures qui y figure, que l'OPC n'a pas été payé au titre de prestations de garantie de parfait achèvement, et seulement à hauteur de 80 % s'agissant de la levée des réserves et de la mise en place des mobiliers et des équipements. Ainsi, ce tableau corrobore la demande de paiement de la société Artelia bâtiment et industrie, la première facture concernant entre autres le paiement des 20 % restants des prestations relatives à la levée des réserves et à la mise en place des mobiliers et des équipements. En outre, ce tableau, contrairement à ce que soutient le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, n'est pas de nature à établir que la société Artelia bâtiment et industrie aurait perçu une somme de 1 705 251,23 euros, supérieure aux montants facturés dans ses deux projets de décomptes finaux, dès lors que le groupement compare la somme TTC figurant dans son tableau à la somme HT figurant dans les projets de décomptes finaux.

6. Dans ces conditions, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, qui ne conteste pas les intérêts mis à sa charge, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à verser au titre de factures impayées une somme de 77 207,66 euros TTC.

S'agissant des conclusions reconventionnelles du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin :

7. Aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

8. La prescription instituée par l'article 2224 du code civil court à compter de la manifestation du dommage, c'est-à-dire de la date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l'étendue du dommage, quand bien même le responsable de celui-ci ne serait à cette date pas encore déterminé. Il résulte de l'instruction que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a, en l'espèce, eu une connaissance suffisamment certaine de l'étendue de son dommage à la date de réception des travaux, le 13 avril 2011. Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne se prévaut d'aucun acte interruptif ou suspensif du délai de prescription. Dans ces conditions, son action était prescrite lorsqu'il a formé ses conclusions reconventionnelles à l'encontre de la société Artelia bâtiment et industrie, le 6 mars 2018. L'exception de prescription opposée en défense doit, dès lors, être accueillie, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident de la société Artelia bâtiment et industrie :

9. La société Artelia bâtiment et industrie n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence d'un préjudice lié à " la résistance abusive ", qu'elle invoque, du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, alors au surplus qu'il a été fait droit à sa demande d'intérêts. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de sa résistance abusive doivent être rejetées.

Sur la demande de compensation :

10. Aux termes de l'article 1347 du code civil : " La compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. / Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ". Aux termes de l'article 1347-1 du même code : " Sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a versé le 23 août 2019 à la société Artelia bâtiment et industrie la somme de 77 207,66 euros, assortie des intérêts, à laquelle il a été condamné par le jugement attaqué. Le présent arrêt ne prononce en outre aucune condamnation de la société Artelia bâtiment et industrie à son profit. Dans ces conditions, sa demande de compensation de créances est sans objet.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Artelia bâtiment et industrie la somme que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin demande sur ce fondement. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Artelia bâtiment et industrie présentées sur ce même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Artelia bâtiment et industrie sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et à la société Artelia bâtiment et industrie.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Heers, présidente de chambre,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA23342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA23342
Date de la décision : 31/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SCP PREEL-HECQUET-PAYET-GODEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-31;18pa23342 ?
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