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20/10/2023 | FRANCE | N°22PA02406

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 20 octobre 2023, 22PA02406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 ainsi que celle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'Eurl AP2I au titre de la période allant du 1er juin 2013 au 31 juillet 2014, ou de surseoir à statuer sur le bien-fondé de sa demande dans l'attente de la décision définitive du juge pénal sur la plainte qu

'il a déposée le 8 février 2017 auprès du Parquet de Meaux.

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 ainsi que celle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'Eurl AP2I au titre de la période allant du 1er juin 2013 au 31 juillet 2014, ou de surseoir à statuer sur le bien-fondé de sa demande dans l'attente de la décision définitive du juge pénal sur la plainte qu'il a déposée le 8 février 2017 auprès du Parquet de Meaux.

Par un jugement n° 1706820 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2022, M. A..., représenté par Me Lévy, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706820 du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive du juge pénal relative à la plainte déposée au Parquet de Meaux le 8 février 2017 et de la décision du tribunal de commerce de Pontoise portant sur la demande de nullité de la cession des parts sociales de la société AP2I ;

3°) de le décharger des impositions en litige ou, à défaut, d'en réduire le montant ;

4°) de lui octroyer le bénéfice de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Il soutient que :

- l'avis de vérification et les mises en garde ne lui ont pas été notifiés de sorte que la procédure d'opposition à contrôle fiscal est irrégulière ;

- les rectifications sont infondées dès lors qu'il n'était pas le gérant effectif de la société AP2I puisqu'il n'a pas effectué d'actes de gestion ni n'a perçu de rémunération de la société, et que les signatures invoquées par le service sont des faux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont irrecevables dès lors que le requérant n'a pas qualité pour agir et que, pour le surplus, les moyens soulevés par M. A... sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Perroy,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a acquis, le 1er juin 2013, la totalité des parts sociales de la société de gardiennage et de sécurité AP2I, devenue à cette date une Eurl dont il était l'unique associé et le gérant. Suite à la vérification de comptabilité de cette société, l'administration a rehaussé ses résultats et lui a, par proposition de rectification du 12 juin 2015, notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er juin 2013 au 31 juillet 2014 après avoir mis en œuvre la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales dans l'hypothèse d'une opposition à contrôle fiscal. Par une proposition de vérification du même jour, l'administration a également mis à la charge de M. A..., sur le fondement de l'article 8 du code général des impôts, des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 du fait de l'intégration des bénéfices industriels et commerciaux de l'Eurl AP2I, reconstitués sur la période allant du 1er juin au 31 décembre 2013, à ses revenus imposables. Par sa requête, M. A... demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1706820 du 24 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus résultant du contrôle de la société AP2I, et à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale relative à sa plainte pour abus de confiance, ou à ce qu'il soit déchargé des impositions en litige.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Si M. A... conclut à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'Eurl AP2I pour la période allant du 1er juin 2013 au 31 juillet 2014, il résulte de l'instruction que cette société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 5 août 2015 et que la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d'actif a été prononcée par jugement du 7 novembre 2016 publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales A n° 20160229/2239. Dans ces conditions, et alors que la taxe sur la valeur ajoutée n'a en tout état de cause pas été établie au nom de M. A..., le ministre est fondé à soutenir que M. A... n'ayant pas été désigné mandataire ad hoc de la société AP2I par le tribunal de commerce à l'effet de la représenter pour engager ou poursuivre en son nom des actions devant les juridictions, il n'a pas qualité pour agir. La fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'Eurl AP2I doit, par suite, être accueillie.

Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :

3. Si M. A... demande à la Cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive du juge pénal suite à la plainte déposée auprès du Parquet de Meaux le 8 février 2017, pour abus de confiance, faux et usage de faux commis à son préjudice par des tiers, cette plainte ayant été jointe à l'instruction ouverte en 2016 contre lui, les tiers contre lesquels il a porté plainte et d'autres pour blanchiment, travail dissimulé et fraude fiscale en bande organisée, le juge de l'impôt n'est pas tenu de surseoir à statuer en cas d'instance parallèle devant le juge pénal. Dans les circonstances de l'espèce, au vu des éléments exposés au point 8 de cet arrêt, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce que soit prononcé un sursis à statuer.

Sur les conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".

5. M. A..., qui peut utilement exciper de l'irrégularité de la procédure suivie à l'encontre de la société AP2I, qui est une société de personnes n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, soutient que la notification de l'avis de vérification et des mises en garde n'a pas été régulière dès lors que ces pièces ont été adressées à la société, à une adresse qu'elle n'a jamais occupé, et à lui-même, à une adresse anciennement occupée par son père, qui est décédé le 25 juin 2014, de sorte que, selon la requête, l'administration ne pouvait mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration a, d'une part, adressé l'avis de vérification du 25 août 2014 et les premières mises en garde au 77 rue Pierre Brasseur à Meaux qui est l'adresse du siège social portée sur le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 1er juin 2013 ainsi que sur les statuts de la société AP2I mis à jour à la même date, ces documents étant enregistrés au registre du commerce et des sociétés, et que si ces courriers lui sont revenus avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ", il n'est pas contesté qu'il s'agissait de la seule adresse connue des services fiscaux. D'autre part, ces mêmes pièces et les autres mises en garde ont été adressées, par accusé de réception et par courrier simple, au 44 square Cherubini à Meaux, qui correspond à l'adresse que M. A... a mentionnée, en sa qualité de gérant, au registre du commerce et des sociétés. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que l'avocat de M. A... a joint l'administration le 12 février 2016 en annexant à son courrier l'avis de vérification de comptabilité du 25 août 2014 ainsi qu'une proposition de rendez-vous de l'administration, établissant de la sorte que le requérant a bien reçu ces documents. Le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de l'avis de vérification et des mises en garde ne peut, par suite, qu'être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des rectifications :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers (...) " et aux termes de l'article L. 193 de ce même code : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Les impositions en litige ayant été établies selon la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, il incombe à M. A..., en application de l'article L. 193 de ce même code, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge en conséquence de la rectification des résultats de l'Eurl AP2I.

7. D'autre part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier. / Il en est de même, sous les mêmes conditions : (...) 4° De l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique (...) ". Les bénéfices des sociétés de personnes sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé chacun une part de ces bénéfices.

8. M. A... soutient que c'est à tort que l'administration a imposé dans ses mains les bénéfices reconstitués de l'Eurl AP2I pour la période allant du 1er juin au 31 juillet 2013 dès lors qu'il n'était pas le gérant effectif de la société puisque, selon la requête, il n'a pas effectué d'actes de gestion ni n'a perçu de rémunération de la société, et qu'il n'était en réalité que le prête-nom de tiers qui ont abusé de sa confiance et ont continué à gérer la société après le 1er juin 2013 en ayant recours à des faux. Toutefois, les bénéfices reconstitués de la société AP2I n'ont pas été réintégrés aux revenus déclarés par M. A... sur le fondement de la maîtrise de l'affaire mais en application de l'article 8 du code général des impôts, le requérant ne contestant pas être le signataire de l'acte de cession du 1er juin 2013 au terme duquel il est devenu l'unique associé de l'Eurl AP2I. Au demeurant et en tout état de cause, M. A... n'apporte aucun élément probant au soutien de l'allégation selon laquelle il n'aurait été qu'un prête-nom de la société, la seule évolution du chiffre d'affaires à compter du 1er juin 2013 ne suffisant pas à l'établir. Par suite, l'administration était fondée à imposer entre les mains du requérant, seul associé de l'Eurl AP2I, sur le fondement de l'article 8 du code général des impôts, les bénéfices industriels et commerciaux reconstitués de cette société.

Sur les conclusions tendant au bénéfice d'un sursis de paiement :

9. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (...) ".

10. Les dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, qui ont pour objet de permettre de surseoir au paiement des impositions lorsqu'il a été formé contre elles une réclamation contentieuse, n'ont de portée que pendant la durée de l'instance devant le tribunal administratif. Lorsque le tribunal s'est prononcé au fond, son jugement rend à nouveau exigibles les impositions dont il n'a pas prononcé la décharge. Hormis les procédures spécialement édictées en matière de référé, aucune disposition législative ou réglementaire n'a prévu une procédure de sursis de paiement des impositions contestées pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel. Par suite, les conclusions de la requête tendant au bénéfice du sursis de paiement des impositions en litige doivent être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 ainsi que celle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'Eurl AP2I au titre de la période allant du

1er juin 2013 au 31 juillet 2014, ou de surseoir à statuer sur le bien-fondé de sa demande dans l'attente de la décision définitive du juge pénal sur la plainte qu'il a déposée le 8 février 2017 auprès du Parquet de Meaux.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

Le rapporteur,

G. PERROY

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA0240602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02406
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;22pa02406 ?
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