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24/01/2024 | FRANCE | N°22PA01489

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 24 janvier 2024, 22PA01489


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée Euler Hermès Group a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la réduction, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que le versement des intérêts moratoires correspondants ou, à titre sub

sidiaire, d'ordonner que les écritures comptables reçoivent un traitement fiscal symétrique en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Euler Hermès Group a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la réduction, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que le versement des intérêts moratoires correspondants ou, à titre subsidiaire, d'ordonner que les écritures comptables reçoivent un traitement fiscal symétrique en 2015.

Par un jugement n° 2012738 du 27 janvier 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er avril 2022 et 7 mars 2023, la société Euler Hermès Group, représentée par Me Lenczner et Me Marsella, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 janvier 2022 ;

2°) à titre principal, de prononcer la réduction, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que le versement des intérêts moratoires correspondants ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner le respect du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ou, à défaut, le respect du traitement fiscal symétrique des écritures comptables en 2015 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la taxe sur les excédents de provisions pour sinistres des entreprises d'assurance de dommages a été comptabilisée à bon droit en charge à payer en 2014 et était déductible fiscalement au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 ;

- la loi de finances rectificative pour 2014, instaurant la non-déductibilité de cette taxe aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015, ne peut s'appliquer qu'à compter de la taxe due au titre de 2015 et acquittée en 2016 sauf à lui octroyer un caractère rétroactif ;

- à titre subsidiaire, la contrepassation, à l'ouverture de l'exercice clos en 2015, de la charge à payer comptabilisée à la clôture de l'exercice clos en 2014, équivaut à un produit non imposable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mars 2023 à 12 heures.

Un mémoire, présenté pour la société Euler Hermès Group, a été enregistré le 25 octobre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Marsella, avocat de la société Euler Hermès Group.

Considérant ce qui suit :

1. La société Euler Hermès France, qui exerce une activité d'assurance de dommages, a déduit pour la détermination du résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2014 une charge à payer de 1 450 902 euros correspondant à la taxe sur les excédents de provisions pour sinistres des entreprises d'assurance de dommages (TEP) déclarée, liquidée et acquittée en 2015. A l'issue d'une vérification de comptabilité de cette société portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, l'administration fiscale a réintégré le montant de cette charge dans le bénéfice imposable de la société Euler Hermès France en se fondant sur les dispositions de l'article 235 ter X et du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, et a, en conséquence, mis à la charge de la société Euler Hermès Group, société mère du groupe fiscalement intégré auquel la société Euler Hermès France appartient, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que des intérêts de retard. Après le rejet de sa réclamation, la société Euler Hermès Group a porté le litige devant le Tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 27 janvier 2022, a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la réduction, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi qu'au versement des intérêts moratoires correspondants ou, à titre subsidiaire, à ce que les écritures comptables reçoivent un traitement fiscal symétrique en 2015. La société Euler Hermès Group fait appel de ce jugement.

Sur le fond :

2. D'une part, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce et antérieure à la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, le " bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ", selon les dispositions de son 4°, " les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice ", à l'exception de certaines impositions, au nombre desquelles la TEP ne figure pas.

3. D'autre part, aux termes de l'article 235 ter X du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce et antérieure à la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 : " Les entreprises d'assurance de dommages de toute nature doivent, lorsqu'elles rapportent au résultat imposable d'un exercice l'excédent des provisions constituées pour faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur, acquitter une taxe représentative de l'intérêt correspondant à l'avantage de trésorerie ainsi obtenu / La taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent (...) / (...) / La taxe est déclarée et liquidée : / 1° Pour les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sur l'annexe à la déclaration mentionnée au 1 de l'article 287 déposée au titre du mois d'avril ou du deuxième trimestre de l'année au cours de laquelle la taxe prévue au présent article est due (...) / (...) / La taxe est acquittée lors du dépôt de la déclaration. Elle est recouvrée comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et sous les mêmes garanties et sanctions / (...) / ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'en ce qui concerne la TEP, qui ne fait pas l'objet d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, de sorte que ne lui sont pas applicables les dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, l'exercice d'imputation n'est pas celui au cours duquel la taxe litigieuse devient exigible, mais celui au cours duquel la taxe revêt pour l'entreprise le caractère d'une dette certaine dans son principe et déterminée quant à son montant. A cet égard, le fait générateur de la TEP est constitué par la réintégration au résultat imposable d'un exercice de l'excédent des provisions destinées à faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur. Ainsi, l'excédent des provisions ne pouvant être déterminé qu'en rapprochant le montant des provisions constituées au titre des sinistres de celui des indemnisations correspondantes versés aux assurés, l'exercice d'imputation de cette taxe est celui au cours duquel l'excédent des provisions est constaté. Il s'ensuit que la TEP litigieuse, payée en 2015, est imputable à l'exercice clos le 31 décembre 2014, et qu'en vertu des dispositions des articles 39 et 235 ter X du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à l'article 26 de la loi du 29 décembre 2014, cette taxe est déductible du résultat imposable de l'entreprise au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014.

5. Il résulte de l'instruction que la société Euler Hermès Group a déduit en tant que charge à payer au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 une somme de 1 450 902 euros correspondant à la TEP payée en 2015. Par ailleurs, aucune somme de même montant n'a été déduite du résultat de la société Euler Hermès Group au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 dès lors qu'il résulte de l'instruction que seuls les comptes de classe 4 et 5 ont été mouvementés au cours de cet exercice. Dans ces conditions, la société Euler Hermès Group devant être regardée comme ayant comptabilisé une charge définitive en 2014, l'administration fiscale n'était pas en droit, comme elle l'a fait, de considérer que la société requérante ayant constaté une charge à payer à la clôture de l'exercice 2014, celle-ci aurait dû la contrepasser à l'ouverture de l'exercice 2015 puis comptabiliser une charge définitive à la clôture du même exercice. Par suite, la société Euler Hermès Group est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré à son résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2015 la somme en litige de 1 450 902 euros.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Euler Hermès Group est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires :

7. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant les intérêts mentionnés à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Euler Hermès Group et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2012738 du 27 janvier 2022 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La société Euler Hermès Group est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à hauteur respectivement de 483 634 euros, 15 960 euros, 51 749 euros et 55 134 euros

Article 3 : L'Etat versera à la société Euler Hermès Group une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Euler Hermès Group est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Euler Hermès Group et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01489
Date de la décision : 24/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-24;22pa01489 ?
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