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24/01/2024 | FRANCE | N°22PA01492

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 24 janvier 2024, 22PA01492


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Allianz Global Corporate et Specialty SE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 ou, à titre subsidiaire, de prononcer la restitution d'un trop-versé d'impôt sur l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Allianz Global Corporate et Specialty SE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 ou, à titre subsidiaire, de prononcer la restitution d'un trop-versé d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt pour un montant de 1 728 536 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 2013686 du 27 janvier 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er avril 2022 et 7 mars 2023, la société Allianz Global Corporate et Specialty SE, représentée par Me Lenczner et Me Marsella, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 janvier 2022 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que le versement des intérêts moratoires correspondants ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la restitution d'un trop-versé d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt pour un montant de 1 728 536 euros ou de 722 000 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de répondre au moyen principal tiré de ce que la charge correspondant à la taxe sur les excédents de provisions pour sinistres des entreprises d'assurance était certaine dans son principe et déterminée dans son montant au 31 décembre 2014 ;

- dans la mesure où la taxe sur les excédents de provisions pour sinistres des entreprises d'assurance de dommages ne fait pas l'objet d'un rôle, sa déduction doit être effectuée au titre de l'exercice au cours duquel elle revêt le caractère de dette certaine dans son principe et déterminée dans son montant ;

- la dette est certaine dans son principe et déterminée dans son montant au 31 décembre 2014 dans la mesure où le fait générateur de la taxe, en lien avec la définition de son assiette, est constituée par les reprises de provisions de l'exercice clos au 31 décembre 2014 et que la société dispose de tous les éléments précis pour calculer la taxe 2014 à cette date ;

- la date de l'acquisition définitive de la créance du Trésor doit donc être fixée au 31 décembre 2014 ;

- le fait générateur et l'acquisition définitive de la créance du Trésor en 2014 ne sont pas concomitants à la déclaration et au paiement effectif de la taxe en 2015 ;

- le millésime de la taxe est au cas présent l'année 2014 ;

- concurremment, ce passif d'impôt, issu de la demande de correction comptable de la société, au motif que la société aurait commis une erreur comptable parfaitement rectifiable, constitue bien une charge à payer déductible fiscalement d'un montant de 4 548 779 euros au 31 décembre 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Marsella, avocat de la société Allianz Global Corporate et Specialty SE.

Considérant ce qui suit :

1. La succursale française de la société de droit allemand Allianz Global Corporate et Specialty SE, qui exerce une activité d'assurance de dommages, a déduit pour la détermination du résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2015, une charge de 4 548 779 euros correspondant à la taxe sur les excédents de provisions pour sinistres des entreprises d'assurance de dommages (TEP) déclarée, liquidée et acquittée en 2015. A l'issue d'une vérification de comptabilité de cette succursale portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, l'administration fiscale a réintégré le montant de cette charge dans le bénéfice imposable de la succursale en se fondant sur les dispositions de l'article 235 ter X et du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, et a mis à la charge de la société Allianz Global Corporate et Specialty SE des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que des intérêts de retard. Après le rejet de sa réclamation, la société Allianz Global Corporate et Specialty SE a porté le litige devant le Tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 27 janvier 2022, a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge, en droits et intérêts de retard, de ces impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 et, à titre subsidiaire, à la restitution d'un trop-versé d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt pour un montant de 1 728 536 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014. La société Allianz Global Corporate et Specialty SE fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la société Allianz Global Corporate et Specialty SE soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré, à l'appui de ses conclusions principales, de ce que la charge correspondant à la TEP était certaine dans son principe et déterminée dans son montant au 31 décembre 2014, il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance qu'alors même que le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas répondu à ce moyen soulevé à l'appui des conclusions principales de la société requérante, celui-ci, après avoir rejeté ces conclusions, y a tout de même répondu au point 7 de son jugement dans la partie consacrée aux conclusions subsidiaires. En outre, et en tout état de cause, dès lors que les premiers juges ont considéré que les dispositions de l'article 235 ter X et du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, étaient applicables au présent litige et qu'elles n'autorisaient pas la succursale française de la société Allianz Global Corporate et Specialty SE à comprendre dans les charges déductibles de l'exercice clos le 31 décembre 2015 la TEP payée en 2015, ils n'étaient pas tenus de répondre au moyen en cause invoqué à l'appui des conclusions principales, la critique du bien-fondé du jugement attaqué étant sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'exercice clos le 31 décembre 2015 :

3. D'une part, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 et applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015, le " bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ", selon les dispositions de son 4°, " les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice ", à l'exception de certaines impositions, au nombre desquelles la TEP figure.

4. D'autre part, aux termes de l'article 235 ter X du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 et applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015 : " Les entreprises d'assurance de dommages de toute nature doivent, lorsqu'elles rapportent au résultat imposable d'un exercice l'excédent des provisions constituées pour faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur, acquitter une taxe représentative de l'intérêt correspondant à l'avantage de trésorerie ainsi obtenu / La taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent (...) / (...) / La taxe est déclarée et liquidée : / 1° Pour les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sur l'annexe à la déclaration mentionnée au 1 de l'article 287 déposée au titre du mois d'avril ou du deuxième trimestre de l'année au cours de laquelle la taxe prévue au présent article est due (...) / (...) / La taxe est acquittée lors du dépôt de la déclaration. Elle est recouvrée comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et sous les mêmes garanties et sanctions / (...) / La taxe n'est pas déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

5. En ce qui concerne la TEP, qui ne fait pas l'objet d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, l'exercice d'imputation n'est pas celui au cours duquel la taxe litigieuse devient exigible, mais celui au cours duquel la taxe revêt pour l'entreprise le caractère d'une dette certaine dans son principe et déterminée quant à son montant. A cet égard, le fait générateur de la TEP est constitué par la réintégration au résultat imposable d'un exercice de l'excédent des provisions destinées à faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur. Ainsi, l'excédent des provisions ne pouvant être déterminé qu'en rapprochant le montant des provisions constituées au titre des sinistres de celui des indemnisations correspondantes versés aux assurés, l'exercice d'imputation de cette taxe est celui au cours duquel l'excédent des provisions est constaté. Il s'ensuit que la TEP litigieuse, payée en 2015, est imputable à l'exercice clos le 31 décembre 2014, et qu'en vertu des dispositions des articles 39 et 235 ter X du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à l'article 26 de la loi du 29 décembre 2014, cette taxe est déductible du résultat imposable de l'entreprise au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 et non de l'exercice suivant, à compter duquel la TEP n'est du reste plus déductible en vertu de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 2014.

6. Il résulte de l'instruction qu'après avoir provisionné en 2014 une somme de 1 900 000 euros en prévision de la TEP qu'elle devait payer en 2015, la succursale française de la société Allianz Global Corporate et Specialty SE a procédé en 2015 à la reprise de cette provision, puis a déduit du résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2015 la somme de 4 548 779 euros correspondant au montant de la TEP qu'elle a acquittée en 2015. Compte tenu de ce qui a été dit plus haut, les dispositions citées aux points 3 et 4 font obstacle à ce que la succursale française de la société Allianz Global Corporate et Specialty SE puisse comprendre dans les charges déductibles du bénéfice de l'exercice clos le 31 décembre 2015 la TEP qu'elle a déclarée et payée en 2015. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de cette taxe au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015.

En ce qui concerne la demande de correction de l'erreur comptable entachant le résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2014 :

7. Toutefois, il résulte de l'instruction que c'est par suite d'une erreur comptable dont le caractère involontaire peut, au cas présent, être admis, que la somme de 4 548 779 euros correspondant à la TEP payée en 2015 par la succursale française de la société Allianz Global Corporate et Specialty SE, qui représente pour cette succursale une dette certaine dans son principe et déterminée quant à son montant s'agissant de l'exercice clos le 31 décembre 2014, a été omise d'être comptabilisée comme charge déductible au titre de cet exercice. Par suite, la société Allianz Global Corporate et Specialty SE est fondée à demander à titre subsidiaire que l'erreur ainsi commise soit réparée et, par voie de conséquence, à obtenir, ainsi qu'elle l'a demandé dans sa réclamation préalable du 26 novembre 2019, la réduction, à due concurrence, de sa base taxable au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Allianz Global Corporate et Specialty SE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires :

9. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant les intérêts mentionnés à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Allianz Global Corporate et Specialty SE et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2013686 du 27 janvier 2022 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La base de l'impôt sur les sociétés assignée à la société Allianz Global Corporate et Specialty SE au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 est réduite d'une somme de 4 548 779 euros.

Article 3 : La société Allianz Global Corporate et Specialty SE est déchargée des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, à raison de la réduction de la base d'imposition mentionnée à l'article 2.

Article 4 : L'Etat versera à la société Allianz Global Corporate et Specialty SE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Allianz Global Corporate et Specialty SE est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Allianz Global Corporate et Specialty SE et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01492
Date de la décision : 24/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-24;22pa01492 ?
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