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24/01/2024 | FRANCE | N°22PA03519

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 24 janvier 2024, 22PA03519


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Teads France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution partielle de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sociale dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos les 31 décembre 2017 et 2018.





Par un jugement n° 2118476/2-2 du 13 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un m

moire enregistrés les 28 juillet et 12 décembre 2022, la société Teads France, représentée par Me Laurence Clot, demande à la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Teads France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution partielle de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sociale dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos les 31 décembre 2017 et 2018.

Par un jugement n° 2118476/2-2 du 13 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 juillet et 12 décembre 2022, la société Teads France, représentée par Me Laurence Clot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution partielle de 10 495 euros d'impôt sur les sociétés et 346 euros de contribution sociale au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2017 et de 26 772 euros d'impôt sur les sociétés et 883 euros de contribution sociale au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient se borner à lui opposer les critères fixés par la loi fiscale française ;

- l'établissement stable belge de la société Teads France remplit tous les critères d'une installation fixe d'affaires au sens de la convention franco-belge ;

- la société Teads France dispose en Belgique de locaux professionnels, d'effectifs, et y développe une activité qui n'est ni préparatoire, ni auxiliaire ;

- à titre subsidiaire, elle y a un agent dépendant ;

- l'établissement stable en cause a été doublement imposé, en France et en Belgique ;

- la méthode transactionnelle de la marge nette utilisée pour déterminer le montant des bénéfices réalisés en Belgique était en l'espèce appropriée ;

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce point ;

- la doctrine administrative référencée BOI-INT-CVB-BEL-10-10 n° 230 et 240 selon laquelle les contacts avec la clientèle ne présentent pas un caractère préparatoire ou auxiliaire est invocable.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Clot, représentant la société Teads France.

Une note en délibéré présentée pour la société Teads France a été enregistrée le 12 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Teads France, sise à Paris 6ème, a été imposée au titre de l'impôt sur les sociétés et de la cotisation sociale à raison des bénéfices réalisés par son antenne belge au titre des exercices clos les 31 décembre 2017 et 2018. Elle a demandé la restitution partielle de ces impositions par une réclamation contentieuse du 30 décembre 2019, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par la présente requête, la SAS Teads France relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a refusé de prononcer cette restitution.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont rejeté la demande qui leur était soumise au motif que la société Teads France ne pouvait se prévaloir de l'existence d'un établissement stable en Belgique. Ce motif rendait dépourvu de toute portée le moyen tiré de ce que les bénéfices de cet établissement stable avaient été calculés selon une méthode appropriée. Les premiers juges n'ont par suite pas entaché leur jugement d'irrégularité en ne statuant pas sur ce moyen.

Sur le bien-fondé de l'imposition ;

3. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". D'autre part, l'article 1er de la convention franco-belge stipule que : " (...) / 4. Une personne morale est réputée résident de l'Etat contractant où se trouve son siège de direction effective. / (...) ". Aux termes de l'article 4 de cette même convention : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux ne sont imposables que dans l'Etat contractant où se trouve situé l'établissement stable dont ils proviennent. / (...) 3. Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 4. Constituent notamment des établissements stables : a) un siège de direction ; / b) une succursale ; / c) un bureau ; / d) une usine ; / e) un atelier ; / (...) 5. On ne considère pas qu'il y a établissement stable si : (...) / d) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'acheter des marchandises ou de réunir des informations pour l'entreprise ; e) Une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins de publicité, de fourniture d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues, qui ont pour l'entreprise un caractère préparatoire ou auxiliaire. (...). 6. Une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 8 ci-après - agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant est considérée comme " établissement stable " dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement, lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise ".

4. La société Teads France, qui réalise en France des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés au sens des dispositions de l'article 209 du code général des impôts, soutient que les stipulations précitées de la convention susvisée entre la France et la Belgique font obstacle à l'imposition en France des bénéfices provenant de l'établissement stable dont elle dispose en Belgique depuis l'année 2017. Les impositions contestées partiellement par la société requérante ayant été établies conformément aux éléments qu'elle a elle-même déclarés, elle supporte, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de leur caractère infondé ou exagéré.

5. A supposer même que la société requérante puisse être regardée comme ayant établi, du fait de l'occupation depuis 2017 d'un emplacement puis d'un bureau dans des espaces de coworking et de l'emploi d'un salarié comme directeur du développement commercial, qu'elle disposait en Belgique d'un bureau au sens des stipulations de l'article 4 de la convention susvisée, il lui appartient, en application de ces mêmes stipulations, et dès lors que la charge de la preuve lui incombe ainsi qu'il vient d'être dit, d'établir que cette installation fixe d'affaires n'était pas utilisée aux fins d'activités auxiliaires ou accessoires. Une telle preuve ne saurait être regardée comme apportée par la seule production du contrat de travail de l'unique salarié employé dans l'antenne belge indiquant qu'il appartient à ce dernier de développer et gérer un portefeuille de clientèle et de construire des offres commerciales, d'un rapport d'analyse fonctionnelle, et d'un échange de courriels sorti de son contexte ne permettant pas d'apprécier la réalité de l'activité exercée par ce salarié. Notamment, la société ne produit aucun élément permettant à la Cour d'apprécier la nature des relations existant entre cette antenne et les différents clients, et d'en conclure que l'intervention de cette antenne était déterminante dans le processus de commercialisation des prestations fournies et ne pouvait dès lors être regardée comme ayant un caractère préparatoire ou auxiliaire. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs d'établir que le salarié établi en Belgique exerçait, à titre habituel, des pouvoirs lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, ni même, et en tout état de cause, qu'il décidait de transactions que la société française se bornait à entériner. Les échanges de mails produits au dossier laissent au contraire supposer que cet agent ne disposait, à cet égard, d'aucune autonomie. Le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 4 de la convention fiscale signée entre la France et la Belgique le 10 mars 1964 doit, par suite, être écarté.

6. La doctrine administrative référencée BOI-INT-CVB-BEL-10-10 n° 230 et 240, relative aux bureaux d'informations, de publicité ou de recherche, laquelle indique que les contacts avec la clientèle ne présentent pas un caractère préparatoire ou auxiliaire, ne saurait contenir une interprétation de la convention fiscale différente de ce qui précède, dont il résulte qu'un contribuable qui ne fournit aucun élément concret sur l'activité effective de son antenne en Belgique n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'un établissement stable dans ce pays.

7. Au surplus et en tout état de cause, en l'absence de documents concrets permettant d'apprécier la consistance de l'activité effective du salarié employé par la société requérante en Belgique ni le caractère comparable des sociétés utilisées pour calculer le résultat de l'établissement stable dont l'existence est invoquée, la seule production d'un rapport estimant les bénéfices de cet établissement selon la méthode transactionnelle ne saurait en établir la réalité ni le montant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Teads France, alors même que les bénéfices litigieux ont fait l'objet d'une imposition en Belgique, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Teads France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Teads France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA03519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03519
Date de la décision : 24/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : AARPI DENTONS EUROPE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-24;22pa03519 ?
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