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09/02/2024 | FRANCE | N°22PA04093

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 09 février 2024, 22PA04093


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société TPES a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Bussy-Saint-Georges à lui verser la somme de 272 942,42 euros TTC assortie des intérêts de retard déjà acquittés par la société TPES au taux appliqué par la BCE assorti de 10 points.



Par un jugement n° 1806433 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une r

equête et un mémoire enregistrés le 6 septembre 2022 et le 21 décembre 2023, la société TPES, représentée par la Selarl Woog ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société TPES a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Bussy-Saint-Georges à lui verser la somme de 272 942,42 euros TTC assortie des intérêts de retard déjà acquittés par la société TPES au taux appliqué par la BCE assorti de 10 points.

Par un jugement n° 1806433 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 septembre 2022 et le 21 décembre 2023, la société TPES, représentée par la Selarl Woog et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2022 ;

2°) de condamner la commune de Bussy-Saint-Georges à lui verser à la somme de 272 942,42 euros TTC assortie des intérêts de retard qu'elle a déjà acquittés au taux appliqué par la BCE assorti de 10 points, dans un délai de trente jours à compter de sa décision, sous peine d'une astreinte de 1 000 euros TTC par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bussy-Saint-Georges une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges se sont fondés sur un moyen qui n'a pas été soumis au contradictoire, tiré de la mention erronée dans l'article 2.3 de la transaction de l'article L. 1224-12 du code du travail au lieu de l'article L. 1224-2 du même code, en méconnaissance des articles L. 5 et R. 611-7 du code de justice administrative ;

- la commune de Bussy-Saint-Georges est redevable de la somme demandée au titre de la garantie instituée par l'article 2.3 de la transaction qui couvre le remboursement de l'ensemble des dépenses liées à la reprise, par l'IFAC, du service d'accueil péri et extra-scolaire, sans qu'y fasse obstacle la référence erronée à l'article L. 1224-12 du code du travail, laquelle doit s'entendre comme une référence à l'article L. 1224-1 du même code relatif au transfert des contrats de travail, qui ne traite pas du remboursement les sommes acquittées par le nouvel employeur ;

- seules les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail sont d'ordre public et non celles de l'article L. 1224-2 ;

- aucune règle n'imposait qu'il soit expressément dérogé aux dispositions de l'article

L. 1224-2 du code du travail pour que ses dispositions soient écartées ;

- la commune n'est pas fondée à invoquer le caractère manifestement disproportionné des sommes litigieuses dès lors que la transaction présente un caractère définitif, ce qui a pour effet d'interdire toute action en nullité pour erreur de droit ou lésion ;

- la garantie souscrite par la commune en vertu de l'article 2.3 de la convention de transaction constitue en réalité une contrepartie des concessions consenties par la requérante en vertu de l'article 2.2 de ladite convention ;

- en tout état de cause, le montant des sommes litigieuses s'avère minime au regard des sommes acquittées par la commune à son profit au titre du marché ;

- si les prix du marché acquittés par la commune intégraient, effectivement, la rémunération du personnel, cette rémunération ne saurait être confondue avec l'indemnisation des congés payés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, la commune de

Bussy-Saint-Georges conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société TPES au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société TPES ne sont pas fondés ;

- les dispositions des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail étant d'ordre public, les parties ne pouvaient pas y déroger ;

- écarter l'application des dispositions de l'article L.1224-2 du code du travail aurait constitué une libéralité consentie au détriment de la commune entachant de nullité la transaction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Treca, représentant la société TPES, et de Me Dubois, représentant la commune de Bussy-Saint-Georges.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Bussy-Saint-Georges a confié à la société Telligo Péri et Extra Scolaire, devenue la société TPES, dans le cadre d'un marché public, la gestion de ses activités péri et extra scolaires. Ce marché, d'un montant de 2 982 603,02 euros et d'une durée de trois ans, a débuté le 17 juin 2016. Des incompréhensions sur le contenu des droits et obligations réciproques des parties sont toutefois nées et des différends sont apparus. Les parties ont alors engagé des discussions afin de régler les modalités de la fin de l'exécution du marché public tout en assurant la continuité du service public. A ce titre, une transaction prévoyant une cessation anticipée au 28 février 2018 a été signée le 16 février 2018. Parallèlement, l'association Institut de formation d'animation et de conseil (IFAC), classée en deuxième position lors de l'attribution du marché, a, par un avenant n° 2, repris l'exécution du marché et les 142 salariés qui y étaient affectés dans les mêmes conditions contractuelles que son prédécesseur et ce à compter du 1er mars 2018. Le 13 avril 2018, l'IFAC a adressé à la société TPES une facture n° FBUC018001 d'un montant de 272 942,42 euros au titre de la " Refacturation congés payés, récupérations de temps de travail et permanences en mairie non soldés au 28/02/2018 ". Par une lettre du 3 mai 2018, la société TPES a accusé réception de cette facture et l'a transmise à la commune, qui, par courrier du 11 juin 2018, a refusé de la prendre à sa charge. Par ordonnance du 8 février 2019 le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a condamné, à titre provisionnel, la société TPES à payer à l'IFAC la somme litigieuse, assortie des intérêts au dernier taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points. Par un jugement du 5 juillet 2022 dont la société TPES relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de cette société tendant à la condamnation de la commune de Bussy-Saint-Georges, sur le fondement de la transaction signée le 16 février 2018, à lui verser la somme de 272 942,42 euros TTC assortie des intérêts de retard déjà acquittés par la société TPES au taux appliqué par la BCE assorti de 10 points.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. ". L'article R. 611-7 du même code dispose que : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".

3. En estimant que la référence, dans l'article 2.3 de la convention de transaction conclue entre la société TPES et la commune de Bussy-Saint-Georges, à l'article L. 1224-12 du code du travail, devait s'entendre comme une référence à l'article L. 1224-2 du même code, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen mais a seulement interprété le sens des stipulations dont les parties demandaient l'application. Dès lors, le moyen de la société TPES tiré de ce que le jugement serait irrégulier dès lors que les premiers juges se seraient fondés sur un moyen qui n'a pas été soumis au contradictoire, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article 2.2 de la convention de transaction signée le

16 février 2018 : " La Société s'engage à : (...) à compter de l'entrée en vigueur de la présente Convention, renoncer expressément, de façon définitive et irrévocable, à tous droits, à toute action, à toute réclamation et à toute prétention, de quelque nature que ce soit, se rapportant, d'une part, aux différends mentionnés dans le préambule et l'article 1er de la présente Convention [nés, d'une part, de l'absence de reversement de la PSO et de certains retards de paiement par la Commune invoqués par la Société et, d'autre part, de manquements allégués par la Commune], d'autre part, à toute circonstance liée à l'exécution technique, administrative et financière du Marché à compter de sa signature et enfin, à toute circonstance de nature technique, administrative et financière liée à la résiliation du Marché ". L'article 2.3 stipule : " La Commune s'engage à : (...) / - garantir la Société de tout droit, toute action, toute réclamation et toute prétention de quelque nature que ce soit, mis en œuvre par l'opérateur mentionné ci-dessus [lire l'IFAC] au détriment de la Société du fait de toute circonstance technique, administrative et financière liée au Marché, à son changement de titulaire et/ou à la reprise du service d'accueil péri et extra scolaires par le successeur ; (...)/ faire son affaire de la reprise du service d'accueil péri et extrascolaire par l'opérateur économique classé 2ème position sur la liste du tableau comparatif des offres, qui l'a accepté, et au-delà, de la continuité du service d'accueil péri et extrascolaire et de la reprise du personnel nécessaire à cet effet dans les conditions prévue par l'article 28 du CCTP à savoir : / A l'échéance du contrat, si la Collectivité reprend en régie directe l'exploitation des services ou la confie à un nouveau titulaire, le personnel affecté aux dits services sera repris conformément à l'article L. 1224-12 du Code du Travail par la Collectivité ou par le nouvel exploitant. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". L'article de L. 1224-2 du même code dispose : " Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants : / (...) / 2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci. / Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux ".

6. Il résulte de la combinaison des stipulations citées au point 4 que la garantie instaurée par l'article 2.3 de la convention de transaction n'inclut pas les obligations de la société TPSE nées pendant l'exécution du marché dont elle était titulaire et avant sa résiliation. Il résulte de l'instruction que la somme, dont la société TPSE demande le paiement, correspond aux charges dues au titre des congés payés des salariés dont les contrats de travail ont été transférés à l'IFAC, des récupérations de temps de travail et permanences en mairie non soldées au 28 février 2018. Cette somme lui a été réclamée par l'IFAC, qui en a assuré le règlement par l'effet de la solidarité entre employeurs résultant des dispositions précitées du code du travail, à raison de ses obligations en qualité d'employeur nées antérieurement à la résiliation de la convention et au transfert du marché au nouveau prestataire. Dès lors, s'agissant de charges liées à l'exécution du marché antérieurement à sa résiliation, pour lesquelles la société TPSE a renoncé à toute action en application de l'article 2.2 de la convention de transaction, la garantie de la commune prévue à l'article 2.3 ne pouvait être utilement invoquée.

7. Il résulte de ce qui précède que la société TPSE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bussy-Saint-Georges, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société TPES, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société TPES la somme de 1 500 euros à raison des frais exposés par la commune de Bussy-Saint-Georges au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société TPES est rejetée.

Article 2 : La société TPES versera à la commune de Bussy-Saint-Georges une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société TPES, à la commune de

Bussy-Saint-Georges et à l'Association de formation d'animation et de conseil.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Heers, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. HEERS La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04093 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04093
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;22pa04093 ?
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