La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2024 | FRANCE | N°22PA02700

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 06 mars 2024, 22PA02700


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 17 novembre 2021 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a rejeté sa réclamation tendant à la décharge de sa cotisation primitive à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 et d'en prononcer la décharge, et, à titre subsidiaire, de dire que les condamnations prononcées par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 mai

2020 doivent être dégrevées de l'avis d'imposition émis au titre des revenus de l'année 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 17 novembre 2021 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a rejeté sa réclamation tendant à la décharge de sa cotisation primitive à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 et d'en prononcer la décharge, et, à titre subsidiaire, de dire que les condamnations prononcées par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 mai 2020 doivent être dégrevées de l'avis d'imposition émis au titre des revenus de l'année 2020 et de dire que les honoraires d'avocats exposés au titre de la procédure ayant conduit à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 mai 2020 doivent être dégrevées des avis d'imposition émis au titre des revenus des années 2017 à 2020.

Par une ordonnance n° 2201094/1-1 du 12 avril 2022, la présidente de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juin 2022 et 10 mai 2023, M. B..., représenté par Me Guey, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 12 avril 2022 ;

2°) de dire que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 mai 2020 constitue l'événement ouvrant le délai de réclamation visé à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

3°) de dire que les condamnations prononcées par la Cour d'appel de Paris s'assimilent à une réduction de prix ;

4°) de prononcer le dégrèvement corrélatif de l'avis d'imposition émis au titre de l'impôt sur les revenus et prélèvements sociaux de l'année 2013, année de déclaration de la plus-value ;

5°) à titre subsidiaire, de dire que les condamnations prononcées par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 mai 2020 sont imputables sur le revenu global de l'année 2020 et de prononcer le dégrèvement correspondant à l'avis d'imposition émis au titre des revenus de l'année 2020 ;

6°) de dire que les honoraires d'avocats exposés au titre de la procédure ayant conduit à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 mai 2020 sont imputables sur le revenu global de l'année 2020 et de prononcer le dégrèvement correspondant de l'avis d'imposition émis au titre des revenus de l'année 2020 ;

7°) à titre subsidiaire, de dire que les honoraires d'avocats exposés au titre de la procédure ayant conduit à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 mai 2020 sont imputables sur le revenu global de chacune des années de leur exposition et ordonner le dégrèvement correspondant des avis d'imposition émis au titre des revenus des années 2017 à 2020 ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que c'est à tort que sa demande a été rejetée comme irrecevable en raison de la tardiveté de sa réclamation du 20 septembre 2021 ;

- il est fondé à se prévaloir du paragraphe 60 de l'instruction administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-30 du 25 juin 2014 ainsi que de la prise de position formelle de l'administration fiscale contenue dans la décision du 2 avril 2021 rejetant sa réclamation du 30 décembre 2020 ;

- la somme de 92 305,10 euros à laquelle il a été condamné par la Cour d'appel de Paris le 13 mai 2020 est déductible de ses revenus imposables, principalement, au titre de l'année 2013 et, subsidiairement, au titre de l'année 2020 ;

- il est fondé à se prévaloir des paragraphes 150, 170, 180 et 230 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-PVMV-40-40-20 du 11 mars 2013 ;

- les frais d'avocat qu'il a engagées entre 2017 et 2020 dans le cadre du litige l'opposant à la SELAS Pharmacie Saint-Honoré sont des dépenses professionnelles déductibles de ses revenus imposables soit au titre des années 2017 à 2020, soit au titre de l'année 2020 ;

- l'ensemble des sommes en litige sont, en tout état de cause, déductibles de son revenu global.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la demande de première instance est irrecevable dès lors que les réclamations de M. B... ont été présentées tardivement et que sa demande concerne des sommes qui excèdent celles mentionnées dans ses réclamations ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- la loi n° 73-1150 du 27 décembre 1973 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Guey, avocate de M. B....

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 8 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que M. B... a cédé, le 5 juillet 2013, à la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Pharmacie Saint-Honoré au prix de 3 000 000 euros l'officine de pharmacie qu'il exploitait à titre individuel au 115 rue Saint-Honoré à Paris (1er arrondissement), et a réalisé à cette occasion une plus-value de cession de 2 328 806 euros qui a été imposée conformément à ses déclarations. Par un arrêt du 13 mai 2020, devenu définitif, la Cour d'appel de Paris a condamné M. B... à payer à la SELAS Pharmacie Saint-Honoré la somme de 32 305,10 euros au titre de l'article L. 1224-2 du code du travail ainsi que la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts. Par une première réclamation du 30 décembre 2020, rejetée par une décision expresse du 2 avril 2021, M. B... a sollicité de l'administration fiscale la rectification du calcul de la plus-value sur laquelle il a été imposé en 2013 afin que soient prises en compte, en vue de la diminution du prix de cession, la somme de 92 305,10 euros à laquelle il a été condamné par la Cour d'appel de Paris ainsi que la somme de 100 561 euros correspondant aux frais d'avocat qu'il a exposés dans le cadre du litige l'opposant à la SELAS Pharmacie Saint-Honoré. Par une seconde réclamation du 20 septembre 2021, rejetée par une décision expresse du 17 novembre 2021, M. B... a réitéré, à titre principal, sa demande du 30 décembre 2020 et a demandé, à titre subsidiaire, de rectifier la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2020 à raison du montant des dommages-intérêts auxquels il a été condamné ainsi que les cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2017 à 2020 à raison des honoraires d'avocat qu'il a exposés. M. B... fait appel de l'ordonnance du 12 avril 2022 par laquelle la présidente de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Paris, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande, en considérant qu'elle était manifestement irrecevable en raison de la tardiveté de sa réclamation du 20 septembre 2021 présentée à l'administration fiscale.

2. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, M. B... doit être regardé comme demandant, tant en appel qu'en première instance, la réduction, à titre principal, de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 et, à titre subsidiaire, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2017 à 2020.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens / (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle / (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les arrêts de cour d'appel ne sont pas au nombre des décisions juridictionnelles ou avis mentionnés aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, pour lesquels la deuxième phrase du c de l'article R. 196-1 du même livre écarte la qualification d'événement constituant le point de départ d'un nouveau délai de réclamation. Néanmoins, doivent être regardés comme constituant le point de départ de ce délai les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul. La circonstance qu'une décision de justice, postérieure à l'année d'imposition, ordonne le reversement par le contribuable d'un revenu déjà imposé au taux de 16 % en tant que plus-value de cession d'une officine de pharmacie, n'est pas de nature à entraîner le dégrèvement de cette imposition, mais ouvre seulement à l'intéressé la faculté de déduire de ses revenus imposables, au titre de l'année au cours de laquelle elle intervient, la perte de revenus résultant de cette décision.

5. Pour rejeter comme manifestement irrecevable l'ensemble de la demande présentée par M. B..., la présidente de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Paris a considéré que sa réclamation du 20 septembre 2021 présentée à l'administration fiscale n'avait pas été introduite dans le délai prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, alors que, selon le requérant, l'arrêt du 13 mai 2020 de la Cour d'appel de Paris constitue un événement qui, compte tenu de ses effets sur le principe et le montant de l'imposition en cause, est de nature à rouvrir le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales s'agissant de ses revenus imposables au titre de l'année 2013 et qu'à titre subsidiaire, il est recevable à demander la déduction de la somme de 92 305,10 euros à laquelle il a été condamné par la Cour d'appel de Paris de ses revenus imposables au titre de l'année 2020 ainsi que celle des frais d'avocat qu'il a exposés entre 2017 et 2020 pour un montant total de 100 561 euros de ses revenus imposables au titre de chacune de ces années.

6. S'agissant du rejet des conclusions principales tendant à la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. B... au titre de l'année 2013, il résulte de l'instruction que l'arrêt du 13 mai 2020 de la Cour d'appel de Paris, à supposer même qu'il engendrerait une perte de revenus déjà imposés en 2013, ne présente aucun caractère rétroactif et, par suite, ne saurait constituer un événement à compter duquel le délai de réclamation fixé à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales puisse être calculé. Dès lors, eu égard à la date de mise en recouvrement de l'imposition en cause, la réclamation de M. B... n'était pas, contrairement à ce qu'il soutient, recevable sur ce point. Par ailleurs, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice des énonciations du paragraphe 60 de l'instruction administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-30 du 25 juin 2014, qui ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il vient d'être fait application, ni, sur le fondement de l'article L. 80 B du même livre, d'une prise de position formelle de l'administration fiscale, qui serait contenue dans la décision du 2 avril 2021 rejetant la réclamation du 30 décembre 2020, dès lors que l'imposition en litige dont M. B... demande la réduction est une imposition primitive. Par suite, c'est à bon droit que la présidente de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Paris a rejeté comme manifestement irrecevables les conclusions dont elle était saisie sur ce point.

7. S'agissant du rejet des conclusions subsidiaires tendant à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. B... au titre des années 2017 à 2020, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la tardiveté de sa réclamation du 20 septembre 2021 ne pouvait lui être opposée s'agissant de la déduction de ses revenus imposables au titre de l'année 2017 des frais d'avocat qu'il a engagés au cours de cette année en raison du litige l'opposant à la SELAS Pharmacie Saint-Honoré, dès lors que l'imposition primitive dont il demande la réduction au titre de cette année a été mise en recouvrement le 31 juillet 2018 et que sa réclamation du 20 septembre 2021 a été présentée au-delà du délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales qui expirait, pour l'année d'imposition en litige, le 31 décembre 2020. En revanche, contrairement à ce que soutient le ministre, M. B... est recevable à demander, par sa réclamation du 20 septembre 2021, la déduction des frais d'avocat qu'il a engagés entre 2018 et 2020 de ses revenus imposables au titre des mêmes années, ainsi que la déduction de la somme de 92 305,10 euros à laquelle il a été condamné le 13 mai 2020 par la Cour d'appel de Paris de ses revenus imposables au titre de l'année 2020, et, par suite, fondé à soutenir que la tardiveté de sa réclamation du 20 septembre 2021 ne pouvait lui être opposée dans cette mesure.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler l'ordonnance attaquée en tant seulement qu'elle a rejeté pour irrecevabilité manifeste, par le motif retenu, les conclusions subsidiaires de M. B... tendant à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2018 à 2020 et de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation.

Sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 2018 à 2020 :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 12 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". En vertu du 1. de l'article 92 de ce code, sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, notamment, les bénéfices des professions libérales. Aux termes du 1. de l'article 93 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu (...) tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle / (...) ". Aux termes du 9. de l'article 39 duodecies du même code, applicable aux bénéfices non commerciaux en vertu des dispositions du I de l'article 93 quater dudit code : " (...) / 9. Lorsque la vente d'un élément de l'actif immobilisé est annulée ou résolue pendant un exercice postérieur à celui au cours duquel la vente est intervenue, le cédant inscrit à son bilan cet élément ainsi que les amortissements et provisions de toute nature y afférents tels qu'ils figuraient dans ses comptes annuels à la date de la cession / La somme correspondant au montant de la plus-value à long terme réalisée au titre de la vente de l'élément en cause est admise en déduction directement ou sous forme de provisions, selon le régime applicable aux moins-values à long terme / Il en est de même en cas de réduction du prix de cession postérieurement à la clôture de l'exercice au cours duquel la cession est réalisée. Dans ce cas, la perte correspondante est soumise au régime des moins-values à long terme dans la limite de la plus-value de cession qui a été considérée comme une plus-value à long terme / (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une réduction du prix de cession d'une officine de pharmacie, intervenant lors d'une année postérieure à celle au titre de laquelle la plus-value réalisée est imposable, est sans incidence sur le montant de cette plus-value mais peut seulement être soumise, pour les années ultérieures, au régime des moins-values prévu par l'article 39 duodecies du code général des impôts.

10. Il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 13 mai 2020, devenu définitif, la Cour d'appel de Paris a condamné M. B... à payer à la SELAS Pharmacie Saint-Honoré la somme de 32 305,10 euros en vertu de l'article L. 1224-2 du code du travail ainsi que la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts. Ce faisant, le juge judiciaire n'a pas réduit le prix de cession de l'officine de pharmacie, qui constitue l'un des termes de la plus-value de cession réalisée en 2013, mais a condamné M. B... au paiement d'une indemnité en réparation du préjudice subi par la SELAS Pharmacie Saint-Honoré, lequel résulte de ce que le requérant a manqué à son obligation de délivrance pour avoir présenté l'officine comme ayant qualité pour ouvrir chaque jour de la semaine, y compris le dimanche, alors qu'elle ne pouvait pas l'être, ainsi qu'à son obligation d'information sur le processus d'inscription aux gardes du dimanche et des jours fériés pour l'année 2014, et de ce que l'intéressé a fait des déclarations mensongères concernant le chiffre d'affaires réalisé entre le 1er février 2012 et le 31 janvier 2013 qui a servi au calcul du prix de cession de l'officine. Si le requérant fait valoir que la Cour d'appel de Paris a considéré que le prix de cession de l'officine devait être majoré, cette circonstance est sans incidence dans le présent litige, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le juge judiciaire s'est livré à cette majoration de prix afin seulement d'évaluer le montant du préjudice subi par la SELAS Pharmacie Saint-Honoré résultant pour celle-ci de la perte de chance de maintenir, dans des conditions d'exercice régulier de la profession de pharmacien, un chiffre d'affaires aussi important que celui ayant servi de fondement au calcul du prix de vente et que, ce faisant, il n'a pas modifié les clauses du contrat de cession relatives au prix de vente. Par ailleurs, la Cour d'appel de Paris a confirmé la condamnation, en première instance, de M. B... à rembourser à la SELAS Pharmacie Saint-Honoré la somme de 32 305,10 euros que celle-ci a acquittée dans le cadre du transfert des contrats de travail des salariés de l'officine en application de l'article L. 1224-2 du code du travail. Si le requérant fait valoir que le remboursement de cette somme résulte du fait qu'il n'en a pas été tenu compte dans le cadre de la cession de l'officine et que ladite somme fait partie intégrante du prix de cession qui aurait dû être diminué à due concurrence de la somme de 32 305,10 euros, il résulte cependant de l'instruction, notamment des stipulations mêmes de l'acte de cession, qu'en vertu de leur liberté contractuelle, les parties ne sont pas convenues d'inclure dans le prix de cession de l'officine de pharmacie la charge résultant des obligations qui incombaient à M. B..., en tant qu'ancien employeur, à la date de la cession. Enfin, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice des énonciations des paragraphes 150, 170, 180 et 230 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-PVMV-40-40-20 du 11 mars 2013, dès lors que cette instruction s'applique aux entreprises relevant des bénéfices industriels et commerciaux. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé de déduire des revenus imposables de M. B... au titre de l'année 2020 la somme de 92 305,10 euros à laquelle il a été condamné par la Cour d'appel de Paris, cette somme ne représentant pas une réduction du prix de cession de l'officine.

11. En second lieu, aux termes de l'article 13 du code général des impôts, alors applicable : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu / (...) ". Aux termes de l'article 93 de ce code, alors applicable : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ". Aux termes de l'article 156 du même code, alors applicable : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : / I. - Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...) / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : / (...) / 2° Des déficits provenant d'activités non commerciales au sens de l'article 92, autres que ceux qui proviennent de l'exercice d'une profession libérale ou des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 9 de la loi du 27 décembre 1973 de finances pour 1974 dont elles sont issues, que ne sont imputables sur le revenu global que les déficits provenant d'une activité libérale ou ceux provenant des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants, dès lors que le contribuable qui les déclare exerce effectivement une activité professionnelle.

12. Les frais d'avocat que M. B... a engagés en vue d'assurer sa défense devant le Tribunal de grande instance de Paris, puis devant la Cour d'appel de Paris, ont été exposés entre 2017 et 2020 dans le cadre d'un litige engagé par la SELAS Pharmacie Saint-Honoré et tendant pour cette société à obtenir essentiellement réparation du préjudice subi du fait de divers manquements de M. B... à ses obligations de vendeur lors de la cession de son officine de pharmacie, et doivent être ainsi regardées comme des dépenses personnelles dès lors que celles-ci n'ont pas été nécessitées par l'exercice même de sa profession de pharmacien. Par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., ces frais n'ont pas le caractère de dépenses professionnelles déductibles de ses revenus imposables au titre des années 2018, 2019 et 2020. Enfin, l'ensemble des sommes litigieuses ne sont pas déductibles du revenu global de M. B... au titre de l'année 2020, dès lors qu'il n'est pas établi, en tout état de cause, que ces sommes ont la nature d'un déficit provenant de l'exercice effectif, par l'intéressé, de la profession de pharmacien au sens et pour l'application des dispositions précitées du I de l'article 156 du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. B... n'est pas fondé à demander la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2018 à 2020.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2201094/1-1 du 12 avril 2022 de la présidente de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Paris est annulée en tant qu'elle a rejeté, pour irrecevabilité manifeste, les conclusions subsidiaires de M. B... tendant à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2018 à 2020.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris mentionnées à l'article 1er et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02700


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02700
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : GUEY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-06;22pa02700 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award