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06/03/2024 | FRANCE | N°22PA04092

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 06 mars 2024, 22PA04092


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le groupement d'intérêt économique (GIE) Agrica Gestion a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de retenue à la source auxquels il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2015428/1-1 du 11 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 septembre 2022 et 2 mars 2023, le GIE Agrica Gestion, représenté par Me Mermi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Agrica Gestion a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de retenue à la source auxquels il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2015428/1-1 du 11 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 septembre 2022 et 2 mars 2023, le GIE Agrica Gestion, représenté par Me Mermillon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2015428/1-1 du 11 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur dans la dévolution de la charge de la preuve, le régime de la preuve objective étant applicable au présent litige ;

- les conventions fiscales franco-tunisienne, franco-canadienne et franco-américaine font obstacle à l'application de la retenue à la source mise à sa charge en application de l'article 182 B du code général des impôts, dès lors que les sociétés bénéficiaires des sommes versées par le GIE Agrica Gestion ont la qualité de résidente fiscale tunisienne, canadienne ou américaine ;

- s'agissant des sommes versées à la société tunisienne A..., celles-ci ne peuvent se voir appliquer le taux conventionnel de 15 % dès lors que les redevances de concession de licence d'exploitation de logiciels n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations de la convention fiscale franco-tunisienne prévoyant ce taux et que ces redevances doivent en conséquence être exemptées de toute retenue à la source en vertu de la même convention fiscale franco-tunisienne.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er février 2023 et 30 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement partiel accordé à hauteur d'une somme globale de 43 960 euros au titre des rappels de retenue à la source mis à la charge du GIE Agrica Gestion, en droits, pénalités et intérêts de retard, au titre des années 2015, 2016 et 2017, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- par une décision du 28 mars 2023, il a accordé un dégrèvement partiel du rappel de retenue à la source mis à la charge du GIE Agrica Gestion au titre de l'année 2015 correspondant à une somme de 11 136 euros en droits, à une somme de 1 114 euros en pénalités et à une somme de 1 381 euros en intérêts de retard, un dégrèvement partiel du rappel de retenue à la source mis à la charge du même GIE au titre de l'année 2016 correspondant à une somme de 12 634 euros en droits, à une somme de 1 263 euros en pénalités et à une somme de 809 euros en intérêts de retard et, enfin, un dégrèvement partiel du rappel de retenue à la source mis à la charge du même GIE au titre de l'année 2017 correspondant à une somme de 14 074 euros en droits, à une somme de 1 408 euros en pénalités et à une somme de 141 euros en intérêts de retard ;

- il y a lieu de substituer au motif des rappels afférents aux sommes versées aux sociétés A... et C..., fondé sur le c) du I de l'article 182 B du code général des impôts, celui tiré de l'application du b) du I du même article ;

- les moyens soulevés par le GIE Agrica Gestion ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 28 mai 1973 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale ;

- la convention signée le 2 mai 1975 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- la convention signée le 31 août 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, le GIE Agrica Gestion a été assujetti à des rappels de retenue à la source sur le fondement des dispositions du c du I de l'article 182 B du code général des impôts au titre des années 2015, 2016 et 2017, à raison des sommes qu'il a versées, en paiement de prestations de services informatiques, à la société de droit tunisien A..., aux sociétés de droit canadien Info-Tech et Hootsuite, ainsi qu'aux sociétés de droit américain C... et D.... Le GIE Agrica Gestion fait appel du jugement du 11 juillet 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de ces rappels de retenue à la source.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 28 mars 2023 postérieure à l'introduction de la requête d'appel, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a prononcé le dégrèvement partiel des rappels de retenue à la source en litige à hauteur, en droits pénalités et intérêts de retard, d'une somme globale de 43 960 euros, incluant la totalité des rappels afférents aux sommes versées à la société Hootsuite. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Dans l'hypothèse où les premiers juges auraient méconnu, comme le soutient le GIE Agrica Gestion, les règles d'administration de la preuve pour juger le litige qui leur était soumis, une telle méconnaissance, qui se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué, resterait en tout état de cause sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le fond :

4. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale française :

5. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I.- Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / (...) / b. (...) tous produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés / c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France / (...) / II. - Le taux de la retenue est fixé à 33 1/3 % / (...) ".

6. D'une part, il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires des articles 6 et 10 de la loi du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d'imposition des Français de l'étranger ainsi que des autres personnes non domiciliées en France, dont elles sont issues, que ne sont au nombre des sommes mentionnées au c du I de l'article 182 B que celles qui ne relèvent pas des autres catégories de revenus mentionnés à cet article.

7. D'autre part, l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition qu'une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a initialement imposé les sommes versées aux sociétés A... et C... sur le fondement des dispositions précitées du c du I de l'article 182 B du code général des impôts après avoir estimé que ces sommes ont été versées en paiement de prestations de services informatiques effectivement utilisées en France. Toutefois, ayant considéré que les factures produites par le GIE Agrica Gestion font état du versement de redevances de concession de licence d'exploitation de logiciels, ce qui n'est pas contesté, le ministre demande, pour la première fois en appel, de substituer, pour l'imposition des sommes en litige, au fondement des dispositions du c du I de l'article 182 B du code général des impôts, celui des dispositions du b du I du même article. Cette demande ne prive le contribuable d'aucune des garanties qu'il tire des règles de la procédure d'imposition et qui est de nature à justifier le bien-fondé des impositions contestées. Dès lors qu'il est constant que les rappels de retenue à la source en litige ont été établis à raison de sommes payées par le GIE Agrica Gestion, qui exerce son activité en France, aux sociétés A... et C..., qui n'y disposent d'aucune installation professionnelle permanente, en paiement de redevances de concession de licence d'exploitation de logiciels, l'administration fiscale est fondée à soutenir que le GIE Agrica Gestion pouvait être assujetti à la retenue à la source sur le fondement des dispositions précitées du b du I de l'article 182 B du code général des impôts.

9. En second lieu, il est constant que les autres rappels de retenue à la source demeurant en litige ont été établis à raison de sommes payées par le GIE Agrica Gestion, qui exerce son activité en France, aux sociétés B... et D..., qui n'y disposent d'aucune installation professionnelle permanente, en rémunération de prestations de services informatiques effectivement utilisées en France. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a assujetti le GIE Agrica Gestion à ces rappels sur le fondement des dispositions précitées du c du I de l'article 182 B du code général des impôts.

En ce qui concerne l'application des conventions fiscales internationales auxquelles la France est partie :

10. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les stipulations précitées des conventions fiscales conclues par la France avec respectivement la Tunisie, le Canada et les Etats-Unis d'Amérique, susceptibles de faire échec à l'application des dispositions précitées de l'article 182 B du code général des impôts, sont applicables en l'espèce.

S'agissant de la convention fiscale franco-tunisienne :

11. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention fiscale conclue entre la France et la Tunisie du 28 mai 1973, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ". Aux termes de l'article 19 de cette convention, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Les redevances versées pour la jouissance de biens immobiliers ou l'exploitation de mines, carrières ou autres ressources naturelles ne sont imposables que dans celui des Etats contractants où sont situés ces biens, mines, carrières ou autres ressources naturelles / 2. Les redevances non visées au paragraphe 1 provenant d'un Etat contractant et payés à une personne résidente dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. Toutefois, ces redevances peuvent être imposées dans l'Etat contractant d'où elles proviennent, si la législation de cet Etat le prévoit, dans les conditions et sous les limites ci-après : / b) Les redevances provenant de la concession de licences d'exploitation de brevets (...), provenant de sources situées sur le territoire de l'un des Etats contractants et payées à une personne résidente de l'autre Etat, peuvent être imposées dans le premier Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder quinze p. cent du montant brut de ces redevances / (...) ".

12. Il résulte de l'instruction qu'après avoir admis, au vu des éléments produits pour la première fois en appel par le GIE Agrica Gestion, que la société A... bénéficiait, au titre des années d'imposition en litige, de la qualité de résidente fiscale tunisienne au sens et pour l'application des stipulations précitées de l'article 3 de la convention fiscale franco-tunisienne, le ministre soutient qu'il y a lieu d'appliquer le taux d'imposition de 15 % prévu par les stipulations précitées du b) du paragraphe 2 de l'article 19 de la même convention, en lieu et place du taux de 33 1/3 % prévu par les dispositions du II de l'article 182 B du code général des impôts, aux sommes versées à la société A... au motif que ces sommes constituent des redevances qui ont été versées en contrepartie de la concession de l'exploitation de logiciels, la société A... ayant une activité d'éditeur de logiciels spécialisé sur les marchés de la banque, des capitaux et de l'assurance. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des factures produites par le GIE Agrica Gestion, qui ne mentionnent que des numéros de licences de logiciels, des prestations de maintenance ainsi que la fourniture de fonctionnalités complémentaires à ces logiciels, que par les prestations faisant l'objet des paiements en litige, la société A... aurait cédé au GIE Agrica Gestion le droit d'utiliser ces programmes d'une manière qui serait, en l'absence de cette licence, une violation de la législation relative aux droits d'auteur. Dans ces conditions, le GIE Agrica Gestion est fondé à soutenir que les stipulations de l'article 19 de la convention fiscale franco-tunisienne font obstacle à l'imposition en France des sommes versées par le GIE Agrica Gestion à la société A... en 2015, 2016 et 2017 à hauteur de respectivement 71 059 euros, 65 244 euros et 71 864,62 euros et à demander, pour ce motif, la décharge des rappels de retenue à la source correspondants.

S'agissant de la convention fiscale franco-canadienne :

13. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 de la convention fiscale conclue entre la France et le Canada du 2 mai 1975, dans sa rédaction applicable à l'année 2015 d'imposition en litige : " Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne : / a) Toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue, à l'exclusion des personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat / (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 7 de cette convention, dans sa rédaction applicable à l'année 2015 d'imposition en litige : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce ou a exercé son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ". Aux termes de l'article 12 de la même convention, dans sa rédaction applicable à l'année 2015 d'imposition en litige : " 1. Les redevances provenant d'un Etat contractant et payées à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat / 2. Toutefois, ces redevances peuvent être imposées dans l'Etat contractant d'où elles proviennent et selon la législation de cet Etat mais, si ces redevances sont imposables dans l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 p. cent du montant brut des redevances / 3. Nonobstant les dispositions du paragraphe 2 : / a) Les redevances provenant d'un Etat contractant et payées à un résident de l'autre Etat contractant qui en est le bénéficiaire effectif ne sont imposables que dans cet autre Etat lorsqu'il s'agit de : / (...) ii) redevances pour l'usage ou la concession de l'usage de logiciels d'ordinateur (...) ".

14. Si le GIE Agrica Gestion produit en appel, comme en première instance, trois certificats, le premier attestant que les statuts de la société Info Tech ont été modifiés le 25 janvier 2005 conformément à la loi canadienne sur les sociétés par actions, le deuxième indiquant l'existence de cette société à la date du 18 juin 2014 en vertu de la loi canadienne sur les sociétés par actions, et le dernier faisant apparaître que la même société est couverte par une assurance de responsabilité à la date du 26 juin 2014, ces éléments, qui ne sont pas au demeurant relatifs à l'année 2015 d'imposition en litige, ne permettent pas de considérer que la société Info Tech était assujettie à l'impôt au Canada en 2015 en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre lien personnel analogue avec cet Etat. Par suite, la société Info Tech ne pouvant être regardée comme résidente fiscale du Canada, le GIE Agrica Gestion ne peut se prévaloir de l'exemption de retenue à la source prévue par l'article 12 de la convention fiscale franco-canadienne signée le 2 mai 1975, lequel n'est pas au demeurant opposable au rappel de retenue à la source en litige qui est fondé, ainsi qu'il a été dit au point 9, sur les dispositions du c du I de l'article 182 B du code général des impôts. Dans ces conditions, le GIE Agrica Gestion n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de la convention fiscale franco-canadienne font obstacle à l'application de la loi fiscale française.

S'agissant de la convention fiscale franco-américaine :

15. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 de la convention conclue entre la France et les Etats-Unis d'Amérique du 31 août 1994, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son siège social, ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 7 de cette convention, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable ". Aux termes de l'article 12 de la même convention, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Les redevances provenant d'un Etat contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat / 2. Le terme " redevances " employé dans le présent article désigne : / a) les rémunérations de toute nature payées pour l'usage ou la concession de l'usage (...) d'un logiciel (...) ".

16. Si le GIE Agrica Gestion produit en appel, comme en première instance, une demande du 9 janvier 2014 par laquelle la société C... a sollicité du Trésor américain l'enregistrement de son numéro d'identification fiscale, un certificat faisant apparaître que cette société est couverte par une assurance de responsabilité à la date du 28 mars 2014, ainsi qu'un bon de commande du groupe Agrica adressé à la société C... le 20 juin 2014, ces éléments, qui ne sont pas, au demeurant, relatifs aux années 2015, 2016 et 2017 d'imposition en litige, ne permettent pas de considérer que la société C... était assujettie à l'impôt aux Etats-Unis d'Amérique en 2015, 2016 et 2017 en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre lien personnel analogue avec cet Etat. Par ailleurs, aucun élément concernant la situation fiscale de la société D... aux Etats-Unis d'Amérique n'a été produit au titre de l'année 2017 d'imposition en litige. Par suite, les sociétés C... et D... ne pouvant être regardées comme résidentes fiscales des Etats-Unis d'Amérique, le GIE Agrica Gestion ne peut se prévaloir de l'exemption de retenue à la source prévue par l'article 12 de la convention fiscale franco-américaine signée le 31 août 1994, lequel n'est au demeurant pas opposable s'agissant de la somme versée à la société D... qui est fondée, ainsi qu'il a été dit au point 9, sur les dispositions du c du I de l'article 182 B du code général des impôts. Dans ces conditions, le GIE Agrica Gestion n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de la convention fiscale franco-américaine font obstacle à l'application de la loi fiscale française.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le GIE Agrica Gestion est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de retenue à la source auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017 à raison des sommes versées à la société A... à hauteur de respectivement 71 059 euros en 2015, 65 244 euros en 2016 et 71 864,62 euros en 2017, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants.

Sur les frais liés au litige :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le GIE Agrica Gestion et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du GIE Agrica Gestion tendant à la décharge du rappel de retenue à la source auquel il a été assujetti au titre de l'année 2015 à hauteur des montants dégrevés, en cours d'instance, de 11 136 euros en droits, de 1 114 euros en pénalités et de 1 381 euros en intérêts de retard.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du GIE Agrica Gestion tendant à la décharge du rappel de retenue à la source auquel il a été assujetti au titre de l'année 2016 à hauteur des montants dégrevés, en cours d'instance, de 12 634 euros en droits, de 1 263 euros en pénalités et de 809 euros en intérêts de retard.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du GIE Agrica Gestion tendant à la décharge du rappel de retenue à la source auquel il a été assujetti au titre de l'année 2017 à hauteur des montants dégrevés, en cours d'instance, de 14 074 euros en droits, de 1 408 euros en pénalités et de 141 euros en intérêts de retard.

Article 4 : La base de la retenue à la source mise à la charge du GIE Agrica Gestion au titre des années 2015, 2016 et 2017 est réduite d'une somme de respectivement 71 059 euros, 65 244 euros et 71 864,62 euros.

Article 5 : Le GIE Agrica Gestion est déchargé des rappels de retenue à la source auxquels il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017 correspondants à la réduction des bases d'imposition mentionnée à l'article 4, ainsi que des pénalités et des intérêts de retard correspondants.

Article 6 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 2015428/1-1 du 11 juillet 2022 est reformé en ce qu'il a de contraire aux articles 4 et 5 du présent arrêt.

Article 7 : L'Etat versera au GIE Agrica Gestion une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête du GIE Agrica Gestion est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié au groupement d'intérêt économique Agrica Gestion, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

- Mme Zeudmi-Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

La présidente,

P. HAMON

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04092
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SCP MERMILLON-RAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-06;22pa04092 ?
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