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08/03/2024 | FRANCE | N°23PA03321

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 08 mars 2024, 23PA03321


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) GMD Taxis a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner la restitution des sommes recouvrées par le comptable des finances publiques, responsable du pôle de recouvrement spécialisé parisien 2, au titre de la saisie administrative à tiers détenteur émise le 21 décembre 2020.



Par un jugement n° 2105680 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.





Procédure devant la Cour :



I- Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023 sous le n° 23PA033...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) GMD Taxis a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner la restitution des sommes recouvrées par le comptable des finances publiques, responsable du pôle de recouvrement spécialisé parisien 2, au titre de la saisie administrative à tiers détenteur émise le 21 décembre 2020.

Par un jugement n° 2105680 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023 sous le n° 23PA03321, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :

1°) de réformer les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par la société GMD Taxis ;

3°) de rétablir la SARL GMD Taxis dans son obligation de payer la créance fiscale en litige et de remettre à sa charge la somme de 1 500 euros mise à sa charge au titre des frais d'instance.

Il soutient que c'est à tort que les juges de première instance ont retenu que la notification de la décision rejetant la réclamation contentieuse de la SARL GMD Taxis, qui était assortie d'un sursis de paiement, était irrégulière et, par voie de conséquence, que la créance n'était pas exigible et ne pouvait être recouvrée par la voie d'un avis à tiers détenteur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2023, la SARL GMD Taxis, représentée par Me Corbel, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé.

II- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 23PA03323 les 25 juillet 2023 et 29 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2023.

Il soutient que les conditions prévues à l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont réunies, dès lors que le moyen de sa requête en appel tiré du caractère exigible de la créance de la SARL GMD Taxis est de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande de première instance présentée par la société.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 août 2023 et 30 août 2023, ce dernier n'ayant été communiqué, la société GMD Taxis, représentée par Me Corbel, avocat, conclut au rejet de la demande de sursis à exécution et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis à tiers détenteur notifié le 21 décembre 2020 à la Société générale, l'administration a poursuivi le recouvrement de cotisations supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée restant dus par la SARL GMD Taxis au titre des années 2014, 2015 et 2016, pour un montant total de 258 996 euros et mises en recouvrement le 31 août 2018. L'opposition à poursuites, formée le 4 janvier 2021 par la société, a été rejetée par une décision du 13 janvier 2021. Par la présente requête, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève régulièrement appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la SARL GMD Taxis tendant à la restitution des sommes recouvrées par le comptable des finances publiques par voie de saisie à tiers détenteur.

Sur le recours n° 23PA03321 :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés ".

3. Il résulte de ces dispositions que le contribuable qui en fait expressément la demande dans sa réclamation a droit au sursis de paiement sur la totalité des impôts qu'il conteste, à la seule condition qu'il réunisse les garanties appropriées. Ce droit ne peut être restreint par les mesures de recouvrement prises par le comptable avant la demande de sursis. Dès lors que le contribuable a régulièrement déposé une demande de sursis, l'exigibilité de l'impôt est suspendue au moins jusqu'à la notification par le comptable du refus des garanties et le comptable du Trésor ne peut recourir à des mesures d'exécution avant qu'une décision définitive ait été prise sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse, soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. Lorsque l'administration fiscale a diligenté des mesures d'exécution avant que le contribuable ait demandé le sursis, les sommes ainsi entrées dans le patrimoine de l'État doivent, nonobstant l'effet attributif des mesures d'exécution, être restituées au contribuable au cas où les garanties proposées sont jugées suffisantes.

4. D'autre part, la décision de rejet de la réclamation ne devient définitive que si elle a été régulièrement notifiée. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

5. Pour faire droit à la demande de restitution de la SARL GMD Taxis des sommes appréhendées, les juges de première instance ont relevé que la créance n'était pas exigible et ne pouvait par voie de conséquence être recouvrée par la voie de la saisie à tiers détenteur, dès lors, d'une part, que la SARL GMD Taxis avait introduit, au mois d'octobre 2018, une réclamation d'assiette portant sur les impositions en litige, assortie d'une demande de sursis de paiement présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, que la décision du 7 août 2020 rejetant cette réclamation préalable n'avait pas été régulièrement notifiée et n'était pas, en conséquence, devenue définitive.

6. Il résulte de l'instruction que la décision du 7 août 2020 par laquelle l'administration fiscale a rejeté la réclamation contentieuse d'assiette présentée par la SARL GMD Taxis, lui a été adressée par courrier recommandé présenté le 18 août 2020 à l'adresse de la société située dans le 13ème arrondissement de Paris. Il ressort également des mentions portées sur ce pli produit dans son intégralité pour la première fois en appel, que celui-ci a été retourné au service avec la mention " pli avisé non réclamé ". Par suite, et en l'absence de contestation au fond des impositions en litige devant le tribunal administratif, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que, cette décision ayant été régulièrement notifiée, l'imposition mise à la charge de la SARL GMD Taxis était de nouveau exigible et pouvait être recouvrée par le comptable des finances publiques par voie de saisie à tiers détenteur.

7. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens éventuels soulevés devant le tribunal administratif et devant la Cour. Toutefois, en l'espèce, aucun autre moyen n'a été soulevé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a ordonné la restitution à la société GMD Taxis des sommes appréhendées suite à l'exercice le 21 décembre 2020 par le comptable public de la saisie administrative à tiers détenteur en litige et mis à la charge de l'Etat le versement à la société GMD Taxis de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à demander en conséquence que la SARL GMD Taxis soit rétablie dans son obligation de payer la somme de 258 996 euros objet de la saisie à tiers détenteur en litige et que la somme de 1 500 euros mise à sa charge au titre des frais d'instance lui soit restituée par l'intimée. Par ailleurs, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais d'instance exposés par la SARL GMD Taxis et non compris dans les dépens.

Sur le recours n° 23PA03323 :

9. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

10. Dès lors qu'il est statué sur le recours n° 23PA03321 du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, son recours n° 23PA03323 tendant au sursis à exécution du jugement entrepris est privé d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er: Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA03323 présentée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2105680 du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : La SARL GMD Taxis est rétablie dans son obligation de payer la créance fiscale de 258 996 euros objet de la saisie administrative à tiers détenteur notifiée le 21 décembre 2020.

Article 4 : La SARL GMD Taxis restituera à l'Etat la somme de 1 500 euros mise à la charge de ce dernier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La demande présentée par la SARL GMD Taxis devant le tribunal administratif de Paris et les conclusions qu'elle a présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) GMD Taxis et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 8 mars 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03321, 23PA03323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03321
Date de la décision : 08/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL CHANDELLIER-CORBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-08;23pa03321 ?
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