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27/03/2024 | FRANCE | N°22PA01393

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 27 mars 2024, 22PA01393


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI Famijère, représentée par son associé-gérant, a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du 24 juin 2020 par laquelle le conseil municipal de Gastins a approuvé la modification simplifiée du plan local d'urbanisme et a refusé de se prononcer sur les demandes de la SCI Famijère, d'annuler la décision implicite de rejet par la commune de Gastins de la demande préalable d'indemnisation et d'abrogation partielle du plan local d'urbanisme de

cette commune présentée par la SCI Famijère par courrier en date du 5 mars 2020, d'enjoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Famijère, représentée par son associé-gérant, a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du 24 juin 2020 par laquelle le conseil municipal de Gastins a approuvé la modification simplifiée du plan local d'urbanisme et a refusé de se prononcer sur les demandes de la SCI Famijère, d'annuler la décision implicite de rejet par la commune de Gastins de la demande préalable d'indemnisation et d'abrogation partielle du plan local d'urbanisme de cette commune présentée par la SCI Famijère par courrier en date du 5 mars 2020, d'enjoindre à la commune de Gastins, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, d'abroger partiellement le plan local d'urbanisme approuvé par la délibération du 14 mai 2019 en ce qu'il classe une partie de la parcelle de la SCI Famijère en zone A tout en permettant aux parcelles voisines n° 152 et 153, alors classées en zone 2AUX, d'être classées en zone UX, d'enjoindre à la commune de Gastins de reclasser l'intégralité de la parcelle n° 222 appartenant à la SCI Famijère en zone UX, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Gastins à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice né du classement d'une partie de sa parcelle en zone agricole, majorée des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation formée le 5 mars 2020, d'ordonner le cas échéant une expertise aux fins de constater la perte de valeur vénale de la parcelle de la SCI Famijère et de mettre à la charge de la commune de Gastins une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2007102 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement à la commune de Gastins d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 24 mars 2022 et 28 novembre 2023, la SCI Famijère, représentée par son associé-gérant, représentée par Me Giorno, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007102 du 7 janvier 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la délibération n° 39-20 du 24 juin 2020 en ce que le conseil municipal de Gastins a approuvé la modification simplifiée du plan local d'urbanisme et a refusé de se prononcer sur les demandes de la SCI Famijère ;

3°) de condamner la commune de Gastins à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice né du classement d'une partie de sa parcelle en zone agricole, majorée des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation formée le 5 mars 2020 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gastins le versement de la somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité " en ce qu'il n'a pas répondu à certains moyens, a confondu des moyens, opéré des erreurs en fait et en droit et ne s'est pas expliqué sur l'annulation de la décision contestée " ;

- le tribunal a à tort rejeté comme inopérants les moyens tirés de la critique du rapport de présentation du plan local d'urbanisme qui, pourtant, ne s'explique pas sur le classement en zone 2AUX d'une partie de sa parcelle et se fonde sur des données obsolètes ;

- le déclassement en zone 2AUX d'une partie de sa parcelle, résultant de la révision du plan local d'urbanisme est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit dès lors que cette parcelle est entièrement viabilisée, accessible à la voirie sur deux voies de circulation, située dans une partie urbanisée de la commune, supporte deux constructions, qu'il n'est pas établi qu'elle présenterait un potentiel pour l'agriculture et que ce déclassement n'obéit à aucun objectif d'intérêt général ;

- le tribunal a, à tort, jugé que le classement litigieux correspondait à un motif d'intérêt général alors qu'il résulte d'une volonté de classer en zone UX une partie des parcelles voisines jusqu'alors classées 2AUX sur lesquelles s'est implantée irrégulièrement une activité non autorisée de stockage et qui se trouvent hors du zonage d'assainissement des eaux usées et pluviales ; ce classement est ainsi entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des exigences de la salubrité publique ;

- l'erreur manifeste d'appréciation résulte également d'incohérences et de contradictions entre le zonage retenu et les autres documents du plan local d'urbanisme dès lors notamment que la commune n'a pas justifié, lors de la révision de ce plan, la réduction des zones UX comme elle y avait été invitée par la chambre de commerce et d'industrie, que l'orientation d'aménagement et de programmation n° 2 comporte une incohérence et des erreurs dès lors qu'elle vise la partie de la parcelle de la requérante maintenue en zone UX comme une zone à urbaniser alors qu'elle est déjà urbanisée, et qu'elle donne des chiffres contradictoires quant à la surface d'activités ;

- le classement litigieux est entaché d'erreur de droit en ce qu'il ne respecte pas les termes du plan d'aménagement de développement durable qui n'évoque pas de nécessité d'étendre la zone agricole mais seulement de la protéger ;

- le classement litigieux est entaché de détournement de pouvoir en ce qu'il a pour objet de permettre le classement en zone UX d'une partie des deux parcelles voisines et de régulariser ainsi l'activité implantée dessus en restant dans la limite d'expansion de 5% des surfaces constructibles prévue en 2015 ;

- ce classement entraine un préjudice financier pour la requérante dont les terres sont ainsi dévalorisées, alors surtout qu'elle envisageait d'en céder une partie avant l'intervention de cette révision qui fait peser sur elle une charge spéciale et exorbitante et constitue une rupture d'égalité devant les charges publiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2023, la commune de Gastins, représentée par Me Carole Bontemps-Hesdin, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de la SCI Famijère sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre la délibération du 24 juin 2020 sont irrecevables dès lors que l'objet de la procédure de modification simplifiée d'un plan local d'urbanisme n'est pas de statuer sur la demande d'un administré, que l'objet de cette procédure ne présentait pas de lien avec la demande de la requérante, et qu'aucun moyen propre n'est présenté à l'encontre de cette délibération ;

- les moyens soulevés par la SCI Famijère ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Degardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Giorno, avocat de la SCI Famijère.

Considérant ce qui suit :

1. En 1992 la SCI Famijère a acquis sur le territoire de la commune de Gastins une parcelle cadastrée section Z n° 222, située, aux termes de la carte communale alors en vigueur, en zone d'activités, pour y implanter l'activité de la société " Le cartonnage industriel ". Ultérieurement la commune s'est dotée d'un plan local d'urbanisme, qui a été approuvé par délibération du 15 mai 2003 et qui classait la totalité de cette parcelle, d'une superficie de 28 538 mètres carrés, en zone UX, maintenant la vocation de cette zone pour accueillir des activités industrielles et artisanales. Par une délibération du 14 mai 2019, le conseil municipal de Gastins a approuvé la révision de ce plan local d'urbanisme, qui a prévu notamment le classement en zone A d'une partie de la parcelle

n° 222, pour une superficie d'environ 10 000 mètres, le reste de la parcelle restant en zone UX, et les deux parcelles voisines, cadastrées 153 et 154, jusqu'alors classées en zone 2AUX et appartenant à un tiers, étant désormais, pour partie, classées en zone UX et pour partie en zone A. Par une lettre du 5 mars 2020, la SCI Famijère a dès lors demandé au maire d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal " la demande d'abrogation de la délibération du 14 mai 2019 approuvant le PLU de Gastins en ce qu'il classe une partie de la parcelle de la SCI Famijeres en zone agricole " et elle a, par le même courrier, présenté une demande préalable indemnitaire. Ces demandes ont été implicitement rejetées. Puis, par une délibération du 24 juin 2020, le conseil municipal a approuvé la modification simplifiée du plan local d'urbanisme et, après avoir visé la demande d'abrogation partielle du plan local d'urbanisme et la demande indemnitaire présentées par la requérante, il s'est refusé à les prendre en compte dans le cadre de cette délibération au motif que ces demandes ne portaient pas sur les points justifiant la modification du plan local d'urbanisme. La SCI Famijère a dès lors saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 24 juin 2020 " en ce qu'elle refuse de statuer sur (ses) demandes et approuve le projet de modification simplifiée du Plan local d'urbanisme " ainsi que de la décision implicite de rejet opposée à ses demandes du 5 mars 2020, en présentant par ailleurs des conclusions à fins d'indemnisation du préjudice résultant du classement litigieux. Toutefois le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 7 janvier 2022 dont elle relève dès lors appel.

Sur la régularité du jugement :

2. La requérante invoque " l'irrégularité du jugement " " en ce qu'il n'a pas répondu à certains moyens, a confondu des moyens, opéré des erreurs en fait et en droit et ne s'est pas expliqué sur l'annulation de la décision contestée ".

3. En premier lieu la critique des motifs par lesquels le tribunal a écarté les moyens soulevés devant lui ne peut être utilement formée, le cas échéant, qu'à l'encontre du bien-fondé du jugement, mais est sans incidence sur sa régularité.

4. En deuxième lieu, ainsi que l'ont à juste titre rappelé les premiers juges, si, dans le cadre de la contestation d'un acte réglementaire intervenant après l'expiration du délai de recours contentieux contre cet acte, sous la forme d'un recours pour excès de pouvoir contre le refus de l'abroger, la légalité des règles qu'il fixe, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Dès lors le moyen de légalité externe tiré des insuffisances alléguées du rapport de présentation du projet de révision du plan local d'urbanisme approuvé par délibération du 14 mai 2019 n'aurait pu être utilement soulevé qu'à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Par suite, les premiers juges l'ont à bon droit écarté comme inopérant dans la présente instance et ont pu dès lors, sans entacher leur jugement d'irrégularité, s'abstenir de se prononcer dessus.

5. Enfin, à supposer que la requérante ait entendu invoquer l'insuffisance de motivation du jugement attaqué, il ressort des termes mêmes de celui-ci que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre aux moyens inopérants, ont suffisamment répondu à tous les moyens non inopérants présentés devant eux. Ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, qui n'est par ailleurs assorti d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé, manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur les conclusions à fins d'annulation :

6. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger.

Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire.

Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du même code : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

7. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Cependant, leur appréciation peut être censurée par le juge administratif au cas où elle serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un détournement de pouvoir.

8. En premier lieu la SCI requérante avait demandé l'abrogation du plan local d'urbanisme tel qu'issu de la révision approuvée par délibération du 14 mai 2019, en tant que cette révision avait eu pour effet de classer en zone A la partie sud de sa parcelle cadastrée n° Z 222, en faisant valoir notamment que ce classement était entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit. Toutefois s'il n'est pas contesté que cette parcelle est viabilisée, accessible depuis la voirie par deux voies de circulation et supporte déjà deux constructions, il résulte des pièces du dossier que celles-ci s'élèvent sur la partie de cette parcelle qui demeurera classée en zone UX. De plus il ressort également des pièces du dossier, et notamment des plans et photos produits par la collectivité, que la parcelle en cause, classée jusqu'alors en zone UX, laquelle est dédiée à l'implantation d'activités industrielles et artisanales, ne s'intègre pas dans les parties urbanisées de la commune, composées pour l'essentiel de parcelles classées en zone UA et UB, et qu'elle est au contraire située en périphérie de ces zones, dont elle est séparée à l'ouest par une voie, la rue du Nocheton, tandis qu'elle s'intègre au sud dans un vaste ensemble non construit, à vocation agricole. De plus il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement et de développement durables fixe notamment un objectif de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. Il y est notamment relevé que " le territoire de Gastins a une importante " vocation rurale ", avec ses 1.401 ha d'espaces agricoles (93,8 % de la superficie communale), constituant un riche patrimoine naturel et paysager. (...) Les surfaces agricoles ont légèrement diminué au cours du temps, en laissant la place à certaines urbanisations (habitat individuel). Ce phénomène, s'il n'est pas maîtrisé, risque de compromettre la continuité agricole et d'engendrer une consommation injustifiée de la précieuse ressource que sont les terres cultivables ". Dès lors, et quand bien même les terrains en cause ne présenteraient en l'état actuel aucune culture et alors qu'il n'est pas établi que leur caractère marécageux empêcherait qu'ils soient cultivés, la requérante n'est pas fondée à soutenir que leur classement en zone A, qui répond à cet objectif de préservation des surfaces agricoles, n'obéirait à aucun objectif d'intérêt général et ne serait pas justifié dans les documents d'urbanisme, ni qu'il serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

9.En deuxième lieu, si la requérante fait par ailleurs valoir que la commune n'aurait pas suffisamment justifié, lors de la révision de ce plan local d'urbanisme, la réduction des zones UX comme elle y avait été invitée par la chambre de commerce et d'industrie, cette circonstance ne permet pas, en tout état de cause, d'établir que le classement d'une partie de sa parcelle en zone A serait entaché d'illégalité.

10. En troisième lieu la SCI Famijère soutient également que l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 2 indiquant les différents sites concernés par les extensions urbaines manquerait de cohérence et comporterait des erreurs substantielles dès lors qu'elle vise la parcelle Z 222 qui est déjà urbanisée. Toutefois, ainsi que l'a à juste titre jugé le tribunal, il ressort de l'orientation d'aménagement et de programmation qu'elle vise à densifier ce secteur classé UX, par l'implantation de nouveaux bâtiments, et pouvait, sans incohérence, désigner ce site comme " concerné par les extensions urbaines " et considérer que les réseaux sont insuffisants par rapport à ce projet. Par ailleurs l'écart existant sur la surface d'activités ne constitue qu'une simple erreur matérielle sans incidence sur la légalité de l'orientation d'aménagement et de programmation.

11. En quatrième lieu, il résulte des termes mêmes de la lettre du 5 mars 2020 adressée au maire par la SCI Famijère que cette société sollicitait l'abrogation de la délibération du 14 mai 2019 approuvant la révision du PLU exclusivement " en ce qu'il classe une partie de la parcelle de la SCI Famijeres en zone agricole ". Dès lors elle ne peut, à l'appui du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de ce classement, critiquer utilement celui en zone UX d'une fraction des parcelles voisines situées à l'est de sa parcelle et cadastrées n° 153 et 154, et les moyens tirés de ce que lesdites parcelles ne seraient pas viabilisées, ne comporteraient qu'une construction en ruines et abriteraient une activité non autorisée de stockage de véhicules sont ainsi inopérants. Par ailleurs elle n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que le classement contesté d'une partie de sa parcelle en zone A serait destiné à permettre d'opérer ce classement en zone UX d'une fraction des parcelles voisines tout en limitant la réduction de la superficie des surfaces agricoles de la commune, alors qu'un tel objectif se met en œuvre en prenant en compte l'ensemble des parcelles du territoire communal et non en recherchant des équilibres ou des compensations ponctuelles entre deux parcelles voisines.

12. En cinquième lieu la SCI Famijère soutient que le classement litigieux serait entaché de détournement de pouvoir en faisant de nouveau valoir qu'il aurait pour objet de permettre le classement en zone UX d'une partie des deux parcelles voisines cadastrées n° 153 et 154, et ce aux fins de régulariser l'activité implantée dessus, tout en restant dans la limite d'expansion de 5% des surfaces constructibles prévue en 2015. Toutefois, d'une part, la volonté de limiter l'expansion des surfaces constructibles constitue un but d'intérêt général, conforme, ainsi qu'il a été dit au point 8, aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, et ne saurait en soi caractériser l'existence d'un détournement de pouvoir. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 11 un tel objectif se poursuit en prenant en compte l'ensemble des parcelles du territoire communal et non en recherchant des compensations ponctuelles entre parcelles voisines. Enfin elle n'explique en rien pourquoi les auteurs de la révision du plan local d'urbanisme auraient souhaité permettre la régularisation de l'activité exercée sur les parcelles cadastrées n° Z 143 et Z 154. Par suite le moyen ne peut, à tous égards, qu'être écarté.

Sur les conclusions à fins d'indemnisation :

13. Aux termes de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. Cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui tient compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan local d'urbanisme approuvé ou du document en tenant lieu ".

14. Ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Elles ne font toutefois pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en œuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.

15. Il ressort des pièces versées au dossier que le classement litigieux de 10 000 mètres carrés de la parcelle cadastrée n° Z 222 est intervenu lors de la révision du plan local d'urbanisme approuvée par la délibération du 14 mai 2019, alors que la SCI Famijère, propriétaire de la totalité de cette parcelle depuis 1992, avait déjà pu y implanter l'activité de la société " le cartonnage industriel " et ainsi réaliser l'objectif en vue duquel elle avait acquis ce terrain. De plus le classement contesté ne s'oppose pas au maintien de l'activité exercée sur cette parcelle. Si la société requérante soutient que ce classement entrainerait une perte de valeur vénale de la partie de terrain désormais classée en zone A et qu'elle entendait le vendre, elle ne justifie pas de l'existence, lors de la procédure de révision du plan local d'urbanisme, d'un projet de cession auquel cette procédure aurait fait obstacle, pas plus qu'elle n'établit l'impossibilité de le vendre en tant que terres agricoles. Par ailleurs le classement contesté obéit à la volonté de préserver la superficie globale des terres agricoles, ce qui est un objectif d'intérêt général consacré par le projet d'aménagement et de développement durables. Dès lors la SCI Famijère n'est pas fondée à soutenir qu'elle supporterait, du fait de ce classement, une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par la commune, ni, par suite, à demander l'indemnisation du préjudice allégué.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Famijère n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en première instance et en appel.

Sur les frais liés à l'instance :

17. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la SCI Famijère doivent être rejetées.

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SCI Famijère la somme que demande la commune de Gastins au titre des frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Famijère est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Gastins, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Famijère et à la commune de Gastins.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

La rapporteure,

M-I. A...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01393
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : BONTEMPS-HESDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;22pa01393 ?
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