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10/04/2024 | FRANCE | N°22PA03554

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 10 avril 2024, 22PA03554


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de leur octroyer un crédit d'impôt de modernisation du recouvrement complémentaire d'un montant de

519 084 euros.



Par un jugement n° 2113486/2-2 du 30 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 juillet 2022 et 1er mars 2023, M. et Mme A..., r

eprésentés par Me Thomas Crochet, demandent à la Cour :



1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2022 du Tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de leur octroyer un crédit d'impôt de modernisation du recouvrement complémentaire d'un montant de

519 084 euros.

Par un jugement n° 2113486/2-2 du 30 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 juillet 2022 et 1er mars 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Thomas Crochet, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de leur octroyer un crédit d'impôt de modernisation du recouvrement complémentaire (CIMR) d'un montant de 519 084 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils peuvent prétendre au bénéfice du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement complémentaire, en application des dispositions du 3° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 dès lors qu'ils ont bénéficié d'un surcroît d'activité au cours de l'année 2018 ;

- ni les dispositions légales, ni les commentaires de l'administration, ne peuvent laisser à penser que l'intention du législateur était d'exclure les contribuables cessant leur activité ou ne dégageant aucun bénéfice du dispositif d'octroi d'un CIMR complémentaire par voie de réclamation ;

- l'administration fiscale a, par un rescrit publié au BOI (BOI-RES-000052, 26-6-2019), précisé que pour un avocat ayant au cours de la période de comparaison cessé son exercice individuel pour exercer au sein d'une société d'exercice libéral, il est possible de comparer les bénéfices non commerciaux perçus aux rémunérations imposables de l'article 62 du code général des impôts ;

- l'octroi d'un CIMR complémentaire ne peut être soumis à la condition de perception en 2019 de revenus supérieurs à ceux des années 2015 à 2017.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au

25 septembre 2023.

Vu l'ordonnance du 23 mai 2023 par laquelle le président de la 2ème chambre a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Crochet, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., qui exercent l'activité de greffiers de tribunal de commerce ont souscrit une déclaration de revenus au titre de l'année 2018 faisant mention d'un bénéfice non commercial de 3 443 626 euros. L'administration leur a fait bénéficier d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement à hauteur de 1 002 036 euros et a mis à leur charge une cotisation d'impôt sur le revenu d'un montant de 585 914 euros. Estimant pouvoir bénéficier du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement complémentaire d'un montant de 519 084 euros, M. et Mme A... ont introduit une réclamation préalable le 5 novembre 2020, rejetée par l'administration par une décision du 26 avril 2021. Par la présente requête, M. et Mme A... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2018.

2. L'article 60 de la loi du 29 décembre 2016, modifié par l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au décalage d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, instaure, à compter des revenus de l'année 2018 et pour ceux qui entrent dans son champ d'application, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

Ce prélèvement est opéré, pour les revenus salariaux et les revenus de remplacement, par l'employeur ou l'organisme versant. Pour les autres revenus, en particulier ceux correspondant à des bénéfices professionnels, ce prélèvement prend la forme du versement d'acomptes.

Les dispositions du paragraphe I de l'article 60 déterminent les modalités de ce prélèvement. Les dispositions de son paragraphe II fixent les modalités de la transition entre les règles antérieures de paiement de l'impôt sur le revenu et le prélèvement à la source, afin que les contribuables ne paient pas, en 2019, l'impôt sur le revenu dû à la fois sur les revenus de l'année 2018 et sur ceux de l'année 2019, en instituant un crédit d'impôt dit de modernisation du recouvrement ayant pour objet d'effacer le montant de l'impôt dû au titre de 2018 correspondant aux revenus non exceptionnels de cette année.

3. Aux termes du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 :

" A. - Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu. B. - Le crédit d'impôt prévu au A du présent II est égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2018 résultant de l'application des règles prévues aux 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts ou, le cas échéant, à l'article 197 A du même code multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels mentionnés au 1 de l'article 204 A dudit code, les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficits, charges et abattements déductibles du revenu global. Le montant obtenu est diminué des crédits d'impôt prévus par les conventions fiscales internationales afférents aux revenus mentionnés au 1 du même article 204 A. (...) E. - 1. Le montant net imposable des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux à retenir au numérateur du rapport prévu au B du présent II pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A est déterminé, pour chaque membre du foyer fiscal et pour chacune de ces catégories de revenus, dans les conditions prévues à l'article 204 G du code général des impôts, à l'exception du 6° du 2 et du 4 du même article 204 G. 2. Le montant défini au 1 du présent E, le cas échéant après application des abattements prévus aux articles 44 sexies à 44 septdecies du code général des impôts, est retenu dans la limite du plus faible des deux montants suivants : 1° Le bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus aux mêmes articles 44 sexies à 44 septdecies ; 2° Le plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus audits articles 44 sexies à 44 septdecies. (...) 3. En cas d'application du 2° du 2 du présent E, le contribuable peut obtenir un crédit d'impôt complémentaire dans les conditions suivantes : 1° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est supérieur ou égal au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable bénéficie d'un crédit d'impôt complémentaire, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2019, égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ; 2° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, mais supérieur au plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017 retenus en application du 2° du 2, le contribuable bénéficie, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu au titre de 2019, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la différence entre : a) Le crédit d'impôt calculé en retenant au numérateur du rapport prévu au B du présent II le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E ; b) Et le crédit d'impôt déjà obtenu en application du 2 du présent E ; 3° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable peut bénéficier, par voie de réclamation, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ou du 2° du présent 3, s'il justifie que la hausse de son bénéfice déclaré en 2018 par rapport aux trois années précédentes et à l'année 2019 résulte uniquement d'un surcroît d'activité en 2018 ".

4. Il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que pour tenir compte de la possibilité qu'ont les travailleurs indépendants de procéder à des arbitrages sur les recettes et les charges servant à la détermination de leur bénéfice et ainsi maximiser leur bénéfice en 2018, le caractère non exceptionnel du bénéfice de 2018 est apprécié sur une période pluriannuelle. Ainsi, si un contribuable imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles ou des bénéfices non commerciaux réalise, au titre de l'année 2018, un bénéfice supérieur au plus élevé des montants de ses bénéfices de 2015, 2016 ou 2017, le crédit d'impôt de modernisation du recouvrement dont il peut bénéficier est plafonné au niveau du montant le plus élevé de ces trois années, la différence étant réputée constituer un revenu exceptionnel. Si son bénéfice au titre de 2019 est plus élevé que celui de 2018, le bénéfice de 2018 est réputé ne plus être exceptionnel de sorte qu'il est octroyé de plein droit au contribuable un crédit d'impôt complémentaire effaçant l'intégralité de l'impôt qu'il a acquitté au titre de 2018 sur ce bénéfice. Si son bénéfice de 2019 est inférieur à son bénéfice de 2018 mais supérieur au plus élevé des bénéfices réalisés en 2015, 2016 et 2017, il lui est également octroyé de plein droit un crédit d'impôt complémentaire, limité à la différence entre le bénéfice le plus élevé des trois années de référence et le bénéfice réalisé en 2019. Il peut en outre présenter une réclamation à l'administration fiscale pour obtenir un complément de crédit d'impôt pour éliminer la totalité de l'impôt sur le revenu au titre de son bénéfice de 2018, sous réserve qu'il établisse que la part du bénéfice de cette année supérieure aux quatre années de référence correspond à un surcroît d'activité.

5. Si, conformément au 3° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016, 3°, lorsque le bénéfice imposable déclaré au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable bénéficie d'un CIMR complémentaire si la part du bénéfice de l'année 2018 supérieure aux quatre années de référence correspond à un surcroît d'activité, de telles dispositions ne sauraient être appliquées à M. et Mme A... qui n'ont déclaré aucun bénéfice imposable au titre de l'année 2019 qui puisse être comparé à celui déclaré au titre de l'année 2018, la société civile professionnelle à l'origine des bénéfices non commerciaux perçus jusqu'en 2018 ayant été transformée à compter du 1er janvier 2019 en société de capitaux soumise à l'impôt sur les sociétés dont le bénéfice imposable de l'exercice 2019 n'a dès lors pas été établi selon les mêmes règles.

6. Au surplus et en tout état de cause, en se bornant à faire valoir que le décret

n° 2017-1094 du 12 juin 2017, entré en vigueur le 1er août 2017, imposait aux personnes morales immatriculées avant le 1er août 2017 au registre du commerce et des sociétés de procéder au dépôt du document relatif aux bénéficiaires effectifs au plus tard le 1er avril 2018 et que les personnes morales concernées ont pour la plupart régularisé leur situation dans les mois précédant l'expiration du délai, et à établir, par les relevés d'extraction de facturation, que les recettes perçues à raison des actes réalisés au titre des déclarations de bénéficiaires effectifs se sont effectivement révélées très supérieures en 2018, par rapport aux montants constatés en 2017 et 2019, et en l'absence de tout document concret permettant d'analyser l'activité globale de chacun des titulaires de bénéfices dans l'ensemble des activités exercées par la société, M. et Mme A... ne mettent pas la Cour en mesure de constater que la différence de revenu constatée au titre de l'année 2018 procèderait d'un surcroit d'activité ouvrant droit à un CIMR complémentaire sur le fondement du 3° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016. Les doctrines administratives invoquées ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale différente de ce qui précède et ne sont à cet égard pas invocables sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. A supposer que les requérants, qui font valoir que le tribunal administratif aurait retenu une interprétation de la loi créant une rupture d'égalité devant les charges publiques, aient entendu soulever le moyen du défaut de conformité des dispositions précitées à la Constitution, un tel moyen ne peut être présenté que dans le cadre d'un mémoire distinct soumettant au juge une question prioritaire de constitutionnalité. Or, par une ordonnance du 23 mai 2023, le président de la 2ème chambre de la Cour a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à cet égard par M. et Mme A....

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 22PA03554 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03554
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : CROCHET AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-10;22pa03554 ?
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