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12/05/2022 | FRANCE | N°19TL23893

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 12 mai 2022, 19TL23893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction vente E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703858 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge demandée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2019 sous le n° 19B

X03893 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 19TL23893 au gre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction vente E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703858 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge demandée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2019 sous le n° 19BX03893 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 19TL23893 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 29 avril 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la société E... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de remettre à la charge de la société E... les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, et les pénalités correspondantes.

Il soutient que :

- l'article 268 du code général des impôts, interprété conformément à l'article 292 de la directive 2006/112/CE qu'il transpose, ne permet pas d'appliquer le régime de la taxe sur la valeur ajoutée dit " sur la marge " lorsque le terrain vendu comme terrain à bâtir n'a pas été acquis comme un terrain à bâtir ;

- le moyen soulevé par la société E... devant le tribunal administratif de Toulouse et relatif au respect, en l'espèce, de la condition tenant à l'identité de nature entre le bien acquis et le bien cédé n'est pas fondé ;

- le moyen relatif à la rupture de l'égalité entre les contribuables est inopérant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2020, M. C... A..., liquidateur conventionnel de la société E..., représenté par Me Lacombe, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2021.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ainsi que son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société E... a vendu le 24 juillet 2014, après une division en volumes des parcelles ce même jour, un terrain à bâtir situé dans la commune de Toulouse qui faisait initialement partie d'un ensemble immobilier, comprenant une maison d'habitation et le terrain environnant, acquis le 5 juillet 2011. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée sur cette opération de revente devait être calculée sur le prix de cession et non pas sur la marge et a ainsi réclamé à la société E... des rappels de taxe, assortis des intérêts de retard. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge de ces rappels et des intérêts de retard.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue initialement de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du b du 2 de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Aux termes de l'article 268 du code général des impôts, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués (...) ".

4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.

5. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1, le terrain à bâtir cédé par la société le 24 juillet 2014 est issu d'une acquisition portant sur un immeuble bâti et son terrain d'assiette. Il avait donc, lors de cette acquisition, avant la division en volume par lots, la qualité de terrain bâti et non celle de terrain à bâtir. Par suite, la ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a estimé que les dispositions applicables, notamment celles de l'article 268 du code général des impôts, prévoient que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée dit " sur la marge " s'applique à l'opération d'achat-revente réalisée par la société E....

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif et devant la cour.

7. En premier lieu, ainsi qu'il a été indiqué aux points 2 à 5, l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à l'opération d'achat-revente réalisée par la société requérante résulte des dispositions précédemment citées du code général des impôts, lues à la lumière de l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006. La société E... n'est donc pas fondée à soutenir qu'en refusant d'appliquer ce régime et en retenant ainsi une assiette de taxe sur la valeur ajoutée correspondant au prix de cession, l'administration lui aurait opposé, en méconnaissance de la loi fiscale, une interprétation administrative qui ne lui est pas opposable.

8. En deuxième lieu, la circonstance que des juridictions aient admis, dans des opérations d'achat-revente semblables, que la taxe sur la valeur ajoutée soit assise sur la marge est, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé des impositions contestées.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé (...) ". L'article R. 771-3 du code de justice administrative dispose que : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention de la question : " question prioritaire de constitutionnalité " ". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".

10. La société E... estime qu'en retenant comme assiette de la taxe sur la valeur ajoutée le prix de cession et non pas la marge, l'administration impose de manière excessive les marchands de biens et méconnaît ainsi les principes d'égalité devant l'impôt et devant les charges publiques prévus aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ainsi, elle doit être regardée comme estimant que les dispositions législatives précédemment mentionnées, notamment l'article 268 du code général des impôts, méconnaissent ces droits et libertés garantis par la Constitution. La société requérante n'ayant pas présenté ce moyen par un mémoire distinct, il est irrecevable.

11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge demandée par la société E... et à demander à ce que les rappels d'imposition et pénalités susvisés soient remis à sa charge.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société E... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, et les pénalités correspondantes, sont remis à la charge de la société E....

Article 4 : Les conclusions de la société E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. C... A..., liquidateur conventionnel de la société civile de construction vente E....

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Fabien, présidente assesseure,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022.

Le président-rapporteur,

A. D...L'assesseure la plus ancienne,

M. B...

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19TL23893
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : LACOMBE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-05-12;19tl23893 ?
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