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07/06/2022 | FRANCE | N°21TL24266

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 07 juin 2022, 21TL24266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler seize titres de perception émis à son encontre, d'autre part, d'enjoindre à l'État de la décharger des sommes mises à sa charge par ces titres et de lui rembourser les sommes déjà acquittées, enfin de condamner l'État à lui verser la somme de 62 956,94 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis.

Par un jugement n° 1404130 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces

titres de perception, déchargé Mme A... de l'obligation de payer les sommes correspo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler seize titres de perception émis à son encontre, d'autre part, d'enjoindre à l'État de la décharger des sommes mises à sa charge par ces titres et de lui rembourser les sommes déjà acquittées, enfin de condamner l'État à lui verser la somme de 62 956,94 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis.

Par un jugement n° 1404130 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces titres de perception, déchargé Mme A... de l'obligation de payer les sommes correspondantes, enjoint à l'Etat de rembourser à Mme A... la somme de 4 722,80 euros dans le délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement, condamné l'État à verser à Mme A... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus des conclusions de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 2 août 2017 et le 21 juin 2019 sous le n° 17BX02616 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, le ministre de l'éducation nationale demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l'ordonnateur ne pouvait régulariser les titres litigieux ;

- les premiers juges auraient dû subordonner la restitution des sommes perçues à l'absence d'adoption de nouveaux titres exécutoires réguliers, dans un délai qu'il leur appartenait de fixer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2017, Mme A..., représentée par Me Briand, conclut, à titre principal, au rejet du recours et, à titre subsidiaire, et par la voie de l'appel incident, à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 18 640,81 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'attitude de l'administration dans la gestion de son dossier.

Elle fait valoir que :

- contrairement à ce que soutient le ministre, seul l'auteur de l'action en justice peut se prévaloir de la suspension du délai de prescription biennale prévu par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sur le fondement de ladite action ; en conséquence, l'instance devant le tribunal administratif n'a pas pu suspendre le délai de prescription applicable au recouvrement des créances concernées et les titres émis de 2011 à 2013 sont définitivement prescrits ;

- en tout état de cause, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de la notification du titre afin de démontrer que la prescription a été interrompue, ce qu'elle n'a pas fait, étant précisé, au demeurant, que cinq des titres auxquels se réfère l'administration ont été émis alors que la prescription était acquise ;

- par ailleurs et du reste, elle serait fondée, dans l'hypothèse où les conclusions d'appel du ministre seraient accueillies, à demander la condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices subis du fait de la négligence de l'administration dans le versement de ses rémunérations.

Par un arrêt n° 17BX02616 du 16 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il a, d'une part, déchargé Mme A... du paiement des sommes mises à sa charge par les titres annulés, d'autre part enjoint à l'Etat de rembourser à Mme A... la somme de 4 722,80 euros.

Par une décision n° 434665 du 1er juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, a annulé l'arrêt du 16 juillet 2019 de la cour et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat : :

Par un nouveau mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2021 sous le n° 21BX04266, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL24266, et un mémoire en réplique enregistré le 24 mars 2022, Mme A... demande à la cour :

1°) à titre principal de rejeter la requête d'appel du ministre et à titre subsidiaire, et par la voie de l'appel incident, de condamner l'État à lui verser une somme de 18 640,81 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'attitude de l'administration dans la gestion de son dossier ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement du tribunal est devenu définitif en tant qu'il a procédé à l'annulation des seize titres de perception émis à son encontre ; l'appel formé par le ministre de l'éducation nationale se limite à l'article 2 du jugement du tribunal ;

- les titres de recette ont été annulés définitivement par le jugement du tribunal et le ministre n'a relevé appel qu'en tant que le jugement écartait la possibilité pour l'administration de procéder à l'émission de nouveaux titres pour régulariser la récupération des indus de rémunération ; les titres ayant été annulés rétroactivement, ils ne peuvent avoir interrompu le délai de prescription ;

- sa requête ayant été enregistrée le 2 septembre 2014 au greffe du tribunal administratif de Toulouse, les créances antérieures au 1er septembre 2012 sont prescrites en application des dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 et aucune régularisation de titre n'est susceptible d'intervenir pour douze des seize titres émis ; seuls les titres n°3436, 8657, 8807, et 8808 peuvent de nouveaux être émis ;

- elle n'a jamais reçu notification des titres de perception et l'administration n'a jamais produit la preuve de cette notification ; le fait qu'elle ait eu connaissance des titres de recettes et de leur montant ne vaut pas notification de nature à interrompre la prescription ;

- en décidant de ne pas mettre en œuvre la subrogation et de procéder au versement de sa rémunération, l'administration a volontairement décidé de poursuivre le versement de sa rémunération et de pouvoir ultérieurement procéder à sa récupération, ce qui a pour conséquence l'intervention d'une décision créatrice de droit tenant au versement de sa rémunération ; l'administration ne pouvait ainsi procéder à la récupération des indus que dans un délai de quatre mois à compter de l'édiction de la décision ;

- la réalité et l'existence de ses créances n'est pas établie ;

- l'administration a fait preuve d'une négligence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

Par deux mémoires enregistrés le 4 février 2022 et le 21 avril 2022, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, conclut à l'annulation de l'article 2 du jugement du 24 mai 2017 du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'annulation des seize titres de perception qu'il a prononcée en raison de leur irrégularité de forme impliquait nécessairement qu'il soit enjoint à l'administration de décharger Mme A... des sommes résultant de ces titres et de la rembourser de la somme de 4 722,80 euros qu'elle avait déjà acquittée ;

- la prescription biennale de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 court, pour les créances nées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 2011, à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, à condition que la durée totale du délai de prescription n'excède pas une durée totale de cinq ans ; quatre des seize titre émis (n°1004, 1026, 7769 et 7787) correspondaient à des créances portant sur des périodes antérieures à l'entrée en vigueur, le 30 décembre 2011, de la loi du 28 décembre 2011, dont deux sur l'année 2010 ; l'action de l'administration n'étant pas prescrite à la date du 30 décembre 2011, le délai de prescription biennale a pu commencer à courir sans qu'il ne puisse excéder le délai de cinq années applicable en vertu des dispositions antérieures,

- douze titres (n°7801, 7815, 8325, 7827, 8100, 8112, 8139, 8161, 8807, 8657, 8808, 34436), concernent des créances postérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 2011, à savoir des rémunérations versées sur des bulletins de paie au cours de l'année 2012 et 2013, qui n'étaient pas prescrits puisque que le délai de prescription biennale a été interrompu par la notification des titres en 2013 ; ainsi, un nouveau délai de prescription biennale a commencé à courir à compter de la notification de ces titres ; ce délai a de nouveau été interrompu par la requête de Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse le 2 septembre 2014 et continue à courir tant que le recours est pendant devant les juges du fond ; ces titres pouvaient ainsi être régularisés ;

- Mme A... était en possession des quatorze titres émis en 2013 avant de présenter sa réclamation préalable au comptable public le 8 janvier 2014 ; cette réclamation établit que Mme A... a eu connaissance au plus tard à cette date de l'intention de l'administration de répéter les sommes payées détaillées dans la réclamation ; elle a eu un effet interruptif de la prescription ;

- en tout état de cause, l'effet suspensif de la réclamation du 8 janvier 2014 a reporté la date à laquelle la prescription a été acquise ; une décision implicite de rejet est née le 8 juillet 2014 et la prescription des créances des douze titres n'a recommencé à courir qu'à cette date ; à la date du 2 septembre 2014 du recours contentieux devant le tribunal, les dix créances postérieures à février 2012 n'étaient pas prescrites;

- l'administration pouvait répéter les sommes sans que puisse y faire obstacle la circonstance que des décisions créatrices de droit en constitueraient le fondement et ne puissent plus être retirées ;

- si Mme A... soutient que l'inexistence des créances justifiait que le tribunal prononce la décharge de payer les créances résultant des seize titres, l'administration pouvait en émettre de nouveaux afin d'obtenir le paiement des créances de Mme A..., à charge pour elle d'en contester l'existence et le bien fondé en saisissant de nouveau le comptable public sur le fondement de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 avant de saisir le tribunal administratif.

Par lettre du 4 mai 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que le jugement est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes présentées par Mme A... après l'expiration du délai d'appel, sollicitant la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 18 640,81 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'attitude de l'administration dans la gestion de son dossier, lesquelles soulèvent un litige distinct de celui de l'appel principal formé par le ministre de l'éducation nationale.

Par un mémoire enregistré le 6 mai 2022, Mme A... a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Briand pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., affectée en sa qualité d'agent non titulaire du ministère de l'éducation nationale au rectorat de Toulouse et placée en congé de maladie ordinaire au mois de mai 2009 puis en congé de longue maladie à compter du 15 mars 2010, a continué à percevoir sa rémunération tout en percevant des indemnités journalières de la sécurité sociale. En 2011 puis en 2013, l'administration a émis à l'encontre de Mme A... seize titres de perception, d'un montant total de 18 640,81 euros, au titre de ce trop-perçu de rémunération. Par un jugement du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces titres de perception, déchargé Mme A... de l'obligation de payer les sommes correspondantes et enjoint à l'Etat de lui reverser la somme de 4 722,80 euros. Par un arrêt du 16 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il a déchargé Mme A... du paiement des sommes mises à sa charge par les titres annulés et enjoint à l'Etat de reverser la somme de 4 722,80 euros déjà remboursée par Mme A.... Par une décision du 1er juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, a annulé l'arrêt du 16 juillet 2019 de la cour et lui a renvoyé l'affaire.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la prescription biennale :

2. Aux termes de l'article 37-1 de la loi susvisée du 12 avril 2000 dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011: " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. "

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales.

4. En second lieu, en l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration. Par ailleurs, un recours juridictionnel, quel que soit l'auteur du recours, interrompt le délai de prescription. L'interruption du délai de prescription par cette demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par un jugement du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a d'une part, annulé les seize titres exécutoires émis à l'encontre de Mme A... et d'autre part, déchargé Mme A... de l'obligation de payer les sommes correspondantes et enjoint à l'Etat de lui reverser la somme de 4 722,80 euros. Le ministre n'ayant fait appel de ce jugement qu'en tant qu'il a déchargé Mme A... du paiement des sommes mises à sa charge par les titres annulés et enjoint à l'Etat de rembourser à Mme A... la somme de 4 722,80 euros, l'annulation des seize titres exécutoires est devenue définitive. Ces seize titres, du fait de leur disparition rétroactive, sont réputés n'être jamais intervenus et nonobstant la circonstance que Mme A... en ait eu connaissance pour avoir porté réclamation auprès du comptable public au mois de janvier 2014, n'ont pu avoir pour effet d'interrompre la prescription biennale.

6. Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, qui figure dans le titre II relatif à la gestion budgétaire et comptable de l'Etat : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables: / 1° Soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; / 2° Soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la régularité de la forme d'un acte de poursuite. / L'opposition à l'exécution et l'opposition à poursuites ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance " et aux termes de l'article 2234 du code civil : " La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'effet suspensif des recours dirigés contre une décision de récupération d'un indu s'attache au recouvrement de la créance et non à son exigibilité. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la réclamation du mois de janvier 2014 aurait eu un effet suspensif et que le délai de prescription biennale des créances aurait recommencé à courir à compter du 8 juillet 2014, date du rejet de la réclamation de Mme A....

8. Il résulte de l'instruction que les créances litigieuses portent d'une part, sur deux indus de rémunération postérieurs au 15 mars 2010 mais antérieurs au mois de décembre 2011et deux indus de rémunération issus de la paye des mois de novembre et décembre 2011 et d'autre part, sur des indus de rémunération issus de la paye des mois de janvier, février, mars, avril, mai, juin, juillet et août 2012. Le délai de prescription biennale de ces douze créances n'ayant pu être interrompu par les titres exécutoires annulés, ni être interrompus ou suspendus par la réclamation de Mme A..., le délai de prescription de deux ans courant à compter de la date à laquelle chacun des versements a été réalisé était atteint le 2 septembre 2014, date à laquelle Mme A... a introduit sa requête devant le tribunal administratif de Toulouse.

9. Les créances portent également sur des indus de rémunération issus de la paye des mois d'octobre, novembre, décembre 2012 et février 2013 respectivement de 1 104,20 euros, 368,14 euros, 1 146,14 euros et 2 924,35 euros. La prescription biennale n'était pas acquise à la date du 2 septembre 2014 lorsque Mme A... a introduit sa requête devant le tribunal administratif de Toulouse, de sorte qu'en application de ce qui a été dit au point 4, le délai de prescription de ces quatre créances a été interrompu par ce recours juridictionnel.

En ce qui concerne les autres moyens :

10. En application des dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'absence de mise en œuvre de l'action subrogatoire de l'employeur révèlerait des décisions créatrices de droit faisant obstacle à la répétition des paiements indus au-delà du délai de quatre mois.

11. Il résulte de l'instruction que les titres de perception litigieux ont pour objet de récupérer les rémunérations versées à Mme A... qui, placée en congé de longue maladie à compter du 15 mars 2010, a continué à percevoir son traitement alors que lui étaient versées des indemnités journalières de sécurité sociale. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à faire valoir que l'inexistence des créances justifiait la décharge prononcée par le tribunal.

12. L'annulation par une décision juridictionnelle d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme ou de l'incompétence de son auteur n'implique pas nécessairement que les sommes perçues par l'administration sur le fondement du titre ainsi dépourvu de base légale soient immédiatement restituées à l'intéressé, dès lors qu'il est loisible à l'administration, si elle s'y croit fondée et si, en particulier, aucune règle de prescription n'y fait obstacle, de reprendre régulièrement et dans le respect de l'autorité de la chose jugée, sous le contrôle du juge, une nouvelle décision. Lorsque tout ou partie de l'indu a été recouvré, il appartient au juge, s'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de rembourser la somme déjà recouvrée, de déterminer le délai dans lequel l'administration, en exécution de sa décision, doit procéder à ce remboursement, sauf à régulariser sa décision de récupération si celle-ci n'a été annulée que pour un vice de forme ou de procédure. En application de ce qui a été dit aux points précédents, l'administration avait la possibilité de procéder à la régularisation des quatre titres n°3436, 8657, 8807, et 8808 correspondant à une somme de 5 542,83 euros. En revanche, les douze créances d'un montant total de 13 097,98 euros sont prescrites et ne pouvaient être régularisées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu que les quatre titres n°3436, 8657, 8807, et 8808 ne pourront pas être régularisés compte tenu de la prescription biennale instituée par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000. En conséquence, il y a lieu seulement de lui enjoindre de décharger Mme A... de l'obligation de payer les douze créances antérieures au mois de septembre 2012 d'un montant total de 13 097,98 euros et de réformer en ce sens le jugement contesté. En revanche, dès lors que la somme de 4 722,80 euros déjà acquittée par Mme A... est inférieure au montant de 13 097,98 euros correspondant aux douze créances prescrites, il n'est pas fondé à contester l'injonction de rembourser cette somme.

Sur l'appel incident :

14. Mme A... demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 18 640,81 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'attitude de l'administration dans la gestion de son dossier. Ces conclusions présentées dans un mémoire enregistré le 18 octobre 2017, après l'expiration du délai dont elle disposait pour former un appel principal contre le jugement, reposent sur une cause juridique différente des conclusions de la requête d'appel du ministre lesquelles sollicitaient l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il a d'une part déchargé Mme A... et d'autre part enjoint à l'Etat de rembourser à Mme A... la somme de 4 722,80 euros. Elles ne sont, par suite, pas recevables et doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il est enjoint à l'administration de décharger Mme A... de l'obligation de payer les douze créances antérieures au mois de septembre 2012 d'un montant total de 13 097,98 euros.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel du ministre est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de l'appel incident de Mme A... et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Arquié, première conseillère,

M. Teulière, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL24266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL24266
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

01-01-06-02-01 Actes législatifs et administratifs. - Différentes catégories d'actes. - Actes administratifs - classification. - Actes individuels ou collectifs. - Actes créateurs de droits.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-06-07;21tl24266 ?
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