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19/07/2022 | FRANCE | N°20TL01912

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 19 juillet 2022, 20TL01912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Atelier Espace Architectural a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune du Grau du Roi à lui verser la somme de 5 500 euros, en application du protocole transactionnel signé le 25 février 2014, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1801098 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te et un mémoire, enregistrés le 28 mai 2020 et le 30 septembre 2020 sous le n° 20MA01912 au greff...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Atelier Espace Architectural a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune du Grau du Roi à lui verser la somme de 5 500 euros, en application du protocole transactionnel signé le 25 février 2014, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1801098 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 mai 2020 et le 30 septembre 2020 sous le n° 20MA01912 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis, le 11 avril 2022 sous le n° 20TL01912 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la SELARL atelier espace architectural , représentée par la SCP Levy Balzarini Sagnes Serre Lefebvre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mars 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de condamner la commune du Grau du Roi à lui verser la somme de 5 500 euros en application du protocole transactionnel ;

3°) de condamner la commune du Grau du Roi à lui verser les intérêts au taux légal ainsi que leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Grau du Roi une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête devant le tribunal administratif était recevable ;

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en rejetant la somme de 5 500 euros en totalité alors que les prestations non réalisées représentaient une part infime au regard du travail déjà effectué ;

- les premiers juges, qui ont estimé que seule une partie infime des prestations n'avait pas été réalisée, auraient dû rechercher si une partie de l'indemnité sollicitée pouvait lui être versée ;

En ce qui concerne le bien fondé du jugement :

- en retenant la somme de 5 500 euros sur les honoraires de maîtrise d'œuvre déjà versés, la commune du Grau du Roi a méconnu l'autorité de la chose jugée s'attachant au protocole transactionnel ;

- la somme retenue sur les honoraires de maîtrise d'œuvre n'est pas justifiée dans son montant et ne correspond pas aux prestations dont la commune oppose le défaut d'exécution.

Par des mémoires en défense, enregistrés 28 septembre 2020 et le 20 octobre 2020, la commune du Grau du Roi conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Atelier Espace Architectural en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête présentée par la société Atelier Espace Architectural devant le tribunal administratif était tardive ;

- le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2021.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Atelier Espace Architectural.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gil, représentant la commune du Grau du Roi.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 9 juillet 2008, la commune du Grau du Roi (Gard) a attribué au groupement d'entreprises composé des sociétés Atelier Espace Architectural, CETEX Ingénierie et INGE + BETS, la maîtrise d'œuvre de l'opération de mise en conformité du palais des sports " Centre culturel et sportif Jean-Pierre Cassel ". Le forfait provisoire de rémunération de la mission de maîtrise d'œuvre a été fixé à 7 % du montant de l'enveloppe prévisionnelle affectée aux travaux, laquelle était évaluée à 210 000 euros, soit un montant d'honoraires de maîtrise d'œuvre de 14 700 euros. L'enveloppe prévisionnelle du montant des travaux ayant augmenté de manière importante, les parties ont décidé de limiter la mission de maîtrise d'œuvre au terme de l'assistance à la passation des contrats de travaux. L'estimation prévisionnelle des travaux ayant finalement atteint 1 165 000 euros, le groupement de maîtrise d'œuvre a demandé au maître d'ouvrage que ses honoraires soient fixés à 85 045 euros pour une mission complète, dont 46 774,75 euros pour la phase " étude " et 38 270,25 euros pour la phase " exécution des travaux ". En raison d'un désaccord sur le montant des honoraires et l'étendue de la mission de maîtrise d'œuvre, un protocole transactionnel a été signé le 25 février 2014 entre la société Atelier Espace Architectural et la commune du Grau du Roi. En vertu de ce protocole, la commune s'est engagée à verser au groupement de maîtrise d'œuvre la somme de 46 774,75 euros en règlement de l'ensemble des prestations effectuées dans le cadre du marché pour la phase " étude ", la moitié de la somme, soit 23 387,375 euros devant être versée dans le délai d'un mois à compter de la signature de la convention, l'autre moitié dans un délai d'un mois suivant la fin de la mission de la maîtrise d'œuvre, après signature des marchés de travaux. La commune du Grau du Roi a procédé au paiement d'une partie de la somme prévue à compter de la signature des marchés de travaux en retenant toutefois la somme de 7 300 euros sur le montant total des honoraires restant dus au groupement de maîtrise d'œuvre en raison de manquements à ses obligations contractuelles. La société Atelier Espace Architectural relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Grau du Roi à lui verser la somme de 5 500 euros en application du protocole d'accord signé le 25 février 2014.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort du point 6 du jugement attaqué que la demande indemnitaire de la société a été rejetée au motif qu'elle n'a pas réalisé, comme elle s'y était engagée, la préparation des dossiers de consultation des entreprises dans le cadre de la mission d'assistance à la passation des contrats de travaux (ACT). La somme retenue par la commune a ainsi nécessairement été regardée comme correspondant au montant des prestations non finalisées que la maîtrise d'œuvre s'était engagée à réaliser, alors même que celle-ci correspondait à une faible part du montant total des prestations déjà effectuées. Par suite, la société Atelier Espace Architectural n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient méconnu l'obligation d'épuiser leur pouvoir juridictionnel.

3. En second lieu, le moyen tiré de ce que tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit en rejetant la demande de la société qui sollicitait le versement de la somme de 5 500 euros en exécution du protocole transactionnel, qui relève du bien-fondé du jugement, n'est pas de nature à remettre en cause sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 6 du code civil: " On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs ". Aux termes de l'article 2044 du code civil dans sa version applicable avant le 20 novembre 2016 : " La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. ". Enfin aux termes de l'article 2052 du même code : " Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'administration peut, ainsi que le rappelle désormais l'article L. 423-1 du code des relations entre le public et l'administration, légalement conclure avec un ou des particuliers un protocole transactionnel afin de prévenir ou d'éteindre un litige, sous réserve de la licéité de l'objet de ce dernier, de l'existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l'ordre public. Lorsque ces conditions sont remplies, la transaction mettant fin au litige peut être opposée par l'une des parties, sous réserve toutefois que celle-ci en respecte les stipulations et se livre à son exécution.

5. Le préambule du protocole transactionnel signé le 25 février 2014 stipule que la mission de maîtrise d'œuvre " prendra fin à l'issue de l'élément d'assistance à la passation des contrats de travaux (ACT) (...) La maîtrise d'œuvre s'engage à réaliser une étude complète sur l'ensemble des mises aux normes (...) " et que celle-ci comprend notamment la " Remise du dossier de consultation des entreprises et consultation ". Son article 2.1 prévoit que le versement par la commune de la seconde moitié de la somme de 46 774,75 euros doit intervenir dans un délai d'un mois à compter de la signature des marchés de travaux, correspondant à la fin de la mission de la maîtrise d'œuvre, qui s'engageait à assurer la phase " assistance à la passation des contrats " (ACT). L'article 2.3 stipule que : " Le présent protocole vaut solde de tout compte et a pour effet de mettre fin au marché désigné à l'article 1er du présent protocole, au stade de l'élément ACT (assistance à la passation des contrats de travaux), tel que défini dans la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 modifiée et relative à la maitrise d'ouvrage publique et à ses rapports à la maîtrise d'œuvre privée ". Enfin les articles 2.2 et 2.4 précisent que le groupement d'entreprises de maîtrise d'œuvre a déclaré accepter le versement d'une telle somme " en règlement de l'ensemble des prestations effectuées dans le cadre du marché " en litige, que les entreprises qui le composent s'engagent " à ne formuler aucun recours à l'encontre de la commune relativement aux prestations effectuées dans le cadre du marché " et que " les parties signataires s'engagent à exécuter de bonne foi et sans réserve la présente transaction. ".

6. Il résulte de l'instruction que sur les dix lots du marché de travaux pour la mise aux normes du centre culturel et sportif Jean-Pierre Cassel, deux n'ont pas été attribués du fait de l'absence d'offre, un du fait d'une offre supérieure à l'estimation du lot, et que ces marchés n'ont pas pu être signés au terme de la première consultation. La société Atelier Espace Architectural n'apporte pas plus en appel qu'en première instance la preuve qu'elle aurait rempli ses obligations contractuelles en fournissant à la commune du Grau du Roi les éléments nécessaires à la relance de la consultation des entreprises pour ces lots demeurés infructueux, ni que ces marchés auraient été signés au terme de cette consultation. La société, qui n'a pas respecté les stipulations du protocole citées au point 5, n'est ainsi pas fondée à opposer l'autorité de la chose jugée qui s'y attache en dernier ressort, pour contester le bien-fondé de la retenue opérée sur ses honoraires par la commune du Grau du Roi.

7. Aux termes de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée : " (...) Le maître de l'ouvrage peut confier au maître d'œuvre tout ou partie des éléments de conception et d'assistance suivants : (...) 4° L'assistance apportée au maître de l'ouvrage pour la passation du contrat de travaux ; (...) ". Aux termes de l'article 6 du décret 29 novembre 1993 susvisé : " L'assistance apportée au maître de l'ouvrage pour la passation du ou des contrats de travaux sur la base des études qu'il a approuvées a pour objet : a) De préparer la consultation des entreprises, en fonction du mode de passation et de dévolution des marchés (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées avec les stipulations du préambule du protocole d'accord transactionnel et de ses points 2.3 et 2.4 citées ci-dessus que l'élaboration des documents de consultation des entreprises est comprise dans la phase assistance à la passation des marchés.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du décompte des prestations fournies par la société Atelier Espace Architectural, que la somme de 5 500 euros retenue correspond à la valeur de la phase assistance à la passation des marchés à laquelle s'ajoute celle de l'élaboration des documents de consultation des entreprises, rapportée aux trois lots infructueux. La société Atelier Espace Architectural n'est ainsi pas fondée à soutenir que la somme de 5 500 euros retenue était injustifiée tant dans son principe que son montant.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en première instance, que la société Atelier Espace Architectural n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune du Grau du Roi, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Atelier Espace Architectural la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Atelier Espace Architectural une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune du Grau du Roi et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Atelier Espace Architectural est rejetée.

Article 2 : La société Atelier Espace Architectural versera à la commune du Grau du Roi une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Atelier Espace Architectural et à la commune du Grau du Roi.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022 , à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juillet 2022.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL01912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL01912
Date de la décision : 19/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité du maître de l'ouvrage et des constructeurs à l'égard des tiers - Responsabilité du maître de l'ouvrage.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIÉ
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS GIL-FOURRIER et CROS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-07-19;20tl01912 ?
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