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07/09/2022 | FRANCE | N°22TL20315

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 07 septembre 2022, 22TL20315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Les Chamanes a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, les sommes de 100 134 euros, 121 726 euros et 113 752 euros correspondant aux aides financières auxquelles elle estime avoir droit, respectivement, pour les mois de janvier, février et mars 2021.

Par une ordonnance n° 2103976 du 21 janvier 2022, la juge des référés du tribunal administratif de Toul

ouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Les Chamanes a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, les sommes de 100 134 euros, 121 726 euros et 113 752 euros correspondant aux aides financières auxquelles elle estime avoir droit, respectivement, pour les mois de janvier, février et mars 2021.

Par une ordonnance n° 2103976 du 21 janvier 2022, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 28 janvier 2022 sous le n° 22BX00315 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 22TL20315 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire en réplique, enregistré le 14 mars 2022, la société Les Chamanes, représentée par Me Gasquet, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, à titre provisionnel, la somme totale de 335 612 euros, répartie de la manière suivante :

- 100 134 euros correspondant aux aides financières demandées pour le mois de janvier 2021 ;

- 121 726 euros correspondant aux aides financières demandées pour le mois de février 2021 ;

- 113 752 euros correspondant aux aides financières demandées pour le mois de mars 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que l'administration a estimé que, pour bénéficier de subventions du fonds de solidarité à destination des entreprises touchées par les conséquences économiques de l'épidémie de Covid-19, le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé aux mois de janvier, février et mars 2021 devait être apprécié par rapport au chiffre d'affaires qu'elle-seule réalisait pendant la période de référence sans tenir compte du chiffre d'affaires réalisé pendant cette période de référence par la société Chamanes France dont elle était l'associée unique et qu'elle a absorbée le 16 novembre 2020 dès lors que :

- le décret du 30 mars 2020 n'exclut pas la prise en compte du chiffre d'affaires de la société qu'elle a absorbée et dont elle assure la continuité juridique et économique ;

- conformément aux dispositions de l'article 1844-5 du code civil, la dissolution de la société Chamanes France a entraîné la transmission universelle de son patrimoine et elle est devenue propriétaire de l'universalité du patrimoine de la société absorbée, notamment des droits à subvention, ainsi d'ailleurs que le mentionne le procès-verbal de ses décisions du 16 novembre 2020 ;

- le document du 17 décembre 2020, repris dans une " foire aux questions " sur le fonds de solidarité disponible sur le site internet du Gouvernement, et qui est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, prévoit qu'en cas de fusion-absorption, le chiffre d'affaires de comparaison à retenir doit inclure celui de la société absorbée et l'administration ne peut lui opposer la version ultérieure de ce document prévoyant au contraire que le chiffre d'affaires de la société absorbée n'est pas inclus dans le chiffre d'affaires de la période de référence.

Par des mémoires en défense enregistrés le 16 février 2022 et le 22 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a, par une décision du 4 janvier 2022, désigné M. Alain Barthez, président de la 1ère chambre, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Les Chamanes, créée le 6 septembre 2007, exerce une activité d'import-export et de commercialisation de bijoux de fantaisie. Le 16 novembre 2020, elle a prononcé la dissolution anticipée de la société Chamanes France, dont elle était l'associée unique et dont elle a repris l'activité. Elle a ensuite sollicité le versement d'aides financières au titre du fonds de solidarité, instauré par l'ordonnance du 25 mars 2020 et mis en œuvre par le décret du 30 mars 2020, pour les mois de janvier, février et mars 2021 en estimant que son chiffre d'affaires pour ces mois avait baissé dans une proportion suffisante par rapport à celui de la période de référence de 2019. Par différentes décisions des mois de mars, avril, mai et juin 2021, l'administration a refusé de faire droit à ses demandes au motif que c'est à tort que la société Les Chamanes a inclus, dans la comparaison de son chiffre d'affaires de l'année 2019 avec celui de l'année 2021, le chiffre d'affaires de la société absorbée Chamanes France, sur la même période. La société Les Chamanes fait appel de l'ordonnance du 21 janvier 2022, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de provision tendant à ce que l'administration lui verse la somme de 335 612 euros.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance :

3. L'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 a institué un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. En application de l'article 3 de cette ordonnance, le décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation a fixé le champ d'application du dispositif et les conditions d'éligibilité aux aides allouées par ce fonds.

4. En premier lieu, il ressort des dispositions du décret du 30 mars 2020, notamment de ses articles 3-19, 3-22 et 3-24 applicables pour les mois de janvier, février et mars 2021, que les subventions sont destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours de ces périodes par les entreprises, cette perte étant définie comme la différence entre le chiffre d'affaires au cours du mois concerné et le chiffre d'affaires de référence. Il ne ressort cependant pas de ces dispositions que ce chiffre de référence, en l'espèce celui réalisé durant les mois de janvier, février et mars 2019 respectivement ou le chiffre mensuel moyen de l'année 2019 si cette option est plus favorable, devrait comprendre tant le chiffre d'affaires de la société existante que celui de la société qu'elle a absorbée entre l'année 2019 et l'année 2021. La circonstance que la société Les Chamanes exerce à présent, outre son activité économique initiale, celle de la société Chamanes France dont elle assure la continuité est, par elle-même, sans incidence sur les modalités de calcul du chiffre d'affaires de référence dès lors que les dispositions du décret ne prévoient pas d'additionner au chiffre d'affaires de la société absorbante celui de la société absorbée.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1844-5 du code civil : " (...) En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes. La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées (...) ".

6. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1, la dissolution anticipée de la société Chamanes France a eu lieu le 16 novembre 2020. Cette dissolution a entraîné, en application de ces dispositions du code civil, la transmission universelle de son patrimoine à la société requérante à une date postérieure. Contrairement à ce qu'elle soutient, les subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours des mois de janvier, février et mars 2021 n'ont pas été instituées dès l'entrée en vigueur du décret du 30 mars 2020 mais lors des modifications de ce décret, qui ont notamment introduit les articles 3-19, 3-22 et 3-24 en vigueur, respectivement, le 11 février 2021, le 11 mars 2021 et le 12 avril 2021. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas allégué par la société Les Chamanes, que la transmission universelle du patrimoine serait intervenue postérieurement à ces dates. Ainsi, cette société n'est pas fondée à soutenir qu'au moment où la transmission universelle du patrimoine a été effective, la société Chamanes France avait, dans son patrimoine, un droit à subvention dont elle pouvait se prévaloir et dont pourrait à présent se prévaloir la société Les Chamanes.

7. En troisième lieu, en tout état de cause, s'agissant des énonciations contenues dans le document intitulé " Mesures de soutien économiques " du 17 décembre 2020 qui était disponible sur le site internet du Gouvernement, il résulte de l'instruction que la réponse de l'administration à une question relative à la mise en œuvre du fonds de solidarité dont la société Les Chamanes entend se prévaloir est relative au chiffre d'affaires à prendre en compte pour comparer au chiffre d'affaires du mois d'octobre 2020. Cette réponse, contenue dans un document d'ailleurs antérieur à l'entrée en vigueur du dispositif d'aide s'agissant des mois pour lesquels la société Les Chamanes souhaite en bénéficier, ne concerne donc pas sa situation. En outre, les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne s'appliquent pas dans la présente instance, le présent litige n'étant pas relatif à un rehaussement d'imposition.

8. Enfin, il résulte de l'instruction que l'administration s'est fondée sur les dispositions légales et réglementaires applicables, notamment celles du décret du 30 mars 2020, pour rejeter les demandes de la société Les Chamanes. Celle-ci n'est ainsi, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que lui aurait été opposé à tort un document actualisé relatif aux " Mesures de soutien économiques " excluant, contrairement au document du 17 décembre 2020, que le chiffre d'affaires de la société absorbée soit ajouté à celui de la société absorbante pour déterminer le chiffre d'affaires de comparaison.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la créance dont se prévaut la société requérante ne présente pas un caractère non sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative précitées. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Les Chamanes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Les Chamanes est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée Les Chamanes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de Tarn-et-Garonne.

Fait à Toulouse, le 7 septembre 2022.

Le juge des référés,

A. Barthez

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 22TL20315
Date de la décision : 07/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET CAMILLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-07;22tl20315 ?
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