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29/09/2022 | FRANCE | N°21TL00958

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 21TL00958


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association F... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles cette association a été assujettie au titre des années 2011 à 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802383 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mars 2021 et 17 janv

ier 2022 sous le n° 21MA00958 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association F... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles cette association a été assujettie au titre des années 2011 à 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802383 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mars 2021 et 17 janvier 2022 sous le n° 21MA00958 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00958 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, l'association F... et M. D..., représentés par Me Brunel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles l'association F... a été assujettie au titre des années 2011 à 2013 et des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de transmettre à la cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles et de surseoir à statuer dans l'attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'ils n'ont pas eu communication du mémoire produit par l'administration postérieurement à la clôture de l'instruction, en violation du principe du contradictoire ;

- les premiers juges ont méconnu le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en interprétant eux-mêmes le droit de l'Union européenne sans saisir la cour de justice de l'Union européenne ;

- le jugement a omis de répondre aux moyens tirés des diverses violations des dispositions applicables à la procédure de vérification de comptabilité ;

- les premiers juges ont dénaturé le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la réponse à ce moyen est entachée d'un défaut de motivation ;

- les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce en considérant que l'avis de vérification a été régulièrement notifié ;

- le service de contrôle du Gard n'était pas compétent pour procéder au contrôle dès lors, d'une part, que l'association avait son siège dans le Vaucluse et, d'autre part, que son ancien président, M. D..., résidait en Suisse ; la doctrine administrative est en ce sens ;

- l'avis de vérification de comptabilité a été adressé à tort à M. D..., qui n'était plus président de l'association dissoute et pas encore désigné curateur ;

- l'avis de vérification n'était pas accompagné de la charte du contribuable vérifié ;

- les opérations de contrôle ont débuté avant l'envoi de l'avis de vérification ;

- l'administration a méconnu l'article L. 13 du livre des procédures fiscales en procédant au contrôle dans les locaux du service à Nîmes ;

- le contrôle a excédé la durée maximale de trois mois prévue par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- l'association a été privée de débat oral et contradictoire ;

- en exerçant son droit de communication, l'administration a violé la vie privée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- en recueillant des données à caractère personnel et en procédant au traitement de ces données sans obtenir l'autorisation préalable des personnes concernées, l'administration a méconnu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002, la convention n° 108 du Conseil de l'Europe, la loi du 6 janvier 1978 et l'article 9 du code civil ;

- M. D... a été asservi à un travail forcé par l'administration, qui l'a obligé à représenter l'association pour les besoins du contrôle, en violation des articles 4 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 5 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des conventions nos 29 et 105 de l'Organisation internationale du travail ;

- les sommes encaissées pour un montant de 59 949 euros ne constituent pas des revenus distribués.

Par deux mémoires, enregistrés les 5 juillet 2021 et 22 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention n° 29 de l'Organisation internationale du travail sur le travail forcé du 28 juin 1930 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention n° 105 de l'Organisation internationale du travail sur l'abolition du travail forcé du 25 juin 1957 ;

- la convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 ;

- la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ;

- la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 ;

- la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'association F..., dissoute le 18 novembre 2013, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013. A l'issue du contrôle, deux propositions de rectification ont été adressées, suivant la procédure contradictoire, à M. D..., son ancien président, en tant que curateur, le 19 décembre 2014 pour l'exercice clos en 2011 et le 23 janvier 2015 pour les exercices clos en 2012 et 2013. Il en est résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des trois exercices contrôlés. L'association F... et M. D... relèvent appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à la charge de l'association et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) " et aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ".

3. Aux termes de l'article R. 771-5 du code de justice administrative : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. Il leur est imparti un bref délai pour présenter leurs observations ". S'il ne résulte pas de cette disposition que les observations formulées par les autres parties au litige doivent à peine d'irrégularité être communiquées à la partie qui a soulevé la question prioritaire de constitutionnalité, le principe du caractère contradictoire de la procédure interdit au juge administratif de se fonder sur des éléments invoqués par une partie et qui n'auraient pas été soumis au débat contradictoire.

4. Il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour refuser de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat qui lui était soumise par mémoire distinct et motivé du 18 août 2020, le tribunal ne s'est pas fondé sur des éléments invoqués par le directeur départemental des finances publiques du Gard dans ses observations enregistrées le 28 septembre 2020. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant les premiers juges aurait été conduite en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, faute que le mémoire du directeur départemental des finances publiques du Gard ait été communiqué aux demandeurs doit être écarté. Par conséquent, ils ne sont pas fondés à soutenir que le jugement aurait été rendu en méconnaissance du droit à un procès équitable garanti par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : / a) sur l'interprétation des traités, / b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. / Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. / Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour (...) ".

6. Il ressort des termes mêmes de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que l'obligation pour le juge national de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, à titre préjudiciel, pour statuer sur l'interprétation des traités ne pèse que sur les juridictions des Etats membres dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, à l'exclusion des autres juridictions nationales pour lesquelles la mise en œuvre du renvoi préjudiciel en interprétation demeure une simple faculté. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il aurait écarté le moyen tiré de la méconnaissance des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sans saisir la cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel.

7. En troisième lieu, en se bornant à soutenir que les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés des diverses violations des dispositions applicables à la procédure de vérification de comptabilité, les requérants n'assortissent pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée. Le moyen tiré de l'omission de répondre à des moyens doit donc être écarté.

8. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que le tribunal administratif aurait dénaturé le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ce moyen relève de la critique du bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité. En outre, le tribunal administratif de Nîmes a répondu, de manière suffisante, à ce moyen aux points 15 et 16 du jugement attaqué.

9. En dernier lieu, si les requérants soutiennent que le tribunal aurait dénaturé les faits pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de l'avis de vérification à l'association, ce moyen se rapporte en réalité au bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

S'agissant de la compétence territoriale du service vérificateur de la direction départementale des finances publiques du Gard :

10. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 218 A du code général des impôts : " L'impôt sur les sociétés est établi au lieu du principal établissement de la personne morale. / Toutefois, l'administration peut désigner comme lieu d'imposition : / soit celui où est assurée la direction effective de la société ; / soit celui de son siège social ".

11. Il résulte de l'instruction qu'à la date d'engagement de la vérification de comptabilité, l'association F... était dissoute. Si, au cours de la période contrôlée, l'association avait son siège dans le Vaucluse, il est constant que son président, M. C... D..., et sa secrétaire, Mme E... A..., qui disposaient de procurations sur le compte bancaire de l'association, résidaient à Saint-Laurent-le-Minier dans le département du Gard jusqu'en juillet 2014, postérieurement à l'engagement de ce contrôle. Dans ces conditions, l'administration a pu valablement estimer que le lieu de direction effective de l'association était au domicile de M. D... et de son épouse, Mme A..., et désigner ce lieu comme le lieu d'imposition, conformément à l'article 218 A du code général des impôts. Il s'ensuit que la direction des finances publiques du Gard était compétente pour effectuer la vérification de comptabilité, alors même que, s'agissant de son imposition personnelle, M. D... se présente comme fiscalement domicilié en Suisse à compter du 1er juillet 2014.

12. En second lieu, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-CF-INF-30, dès lors que les instructions ou réponses ministérielles relatives à la procédure d'imposition sont exclues du champ d'application de la garantie instituée par cet article.

S'agissant de la notification de l'avis de vérification :

13. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".

14. Il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à l'association requérante un avis de vérification par lettre recommandée avec accusé de réception le 6 mai 2014. A cette date, la dissolution de l'association n'avait pas été portée à la connaissance de l'administration. Par conséquent, cette notification doit être regardée comme régulière.

S'agissant de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié :

15. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ".

16. Si les requérants soutiennent que l'avis de vérification adressé à M. D..., en tant que représentant de l'association F..., le 16 mai 2014 n'était pas accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, contrairement à ce qui était indiqué dans l'avis de vérification, ils n'établissent pas avoir accompli les diligences nécessaires pour en obtenir la communication. Par conséquent, l'administration devait être regardée comme ayant satisfait à l'obligation, prévue par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, de remettre la charte au contribuable avant l'engagement de la vérification.

S'agissant de l'engagement des opérations de contrôle :

17. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ". Le droit de communication reconnu à l'administration fiscale par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales, notamment auprès des entreprises industrielles ou commerciales ou des membres de certaines professions non commerciales, a seulement pour objet de permettre au service, pour l'établissement et le contrôle de l'assiette d'un contribuable, de demander à un tiers ou, éventuellement au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela nécessite d'investigations particulières, ou dans les mêmes conditions, de prendre connaissance, et le cas échéant, copie de certains documents existants qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé. Sauf disposition spéciale, il est mis en œuvre sans formalités particulières à l'égard de cette personne et, lorsqu'il est effectué auprès de tiers, n'est pas soumis à l'obligation d'informer le contribuable concerné. En revanche, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un membre d'une profession non commerciale lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude. L'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, au nombre desquelles figure notamment l'envoi ou la remise de l'avis de vérification auquel se réfère l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

18. Il résulte de l'instruction que l'administration a exercé son droit de communication auprès de l'établissement bancaire de l'association requérante en novembre 2013 pour obtenir ses relevés de compte des années 2011 à 2013 ainsi que des copies de chèques. Elle a, par ailleurs, exercé son droit de communication auprès de la communauté de communes de Valcèzard et de la commune de Laudun-l'Ardoise, respectivement en décembre 2013 et février 2014, pour obtenir des factures et la copie du compte fournisseur de l'association dans la comptabilité de cette commune. Ces documents et factures sont au nombre de ceux dont l'administration pouvait, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, demander la communication. Il n'est pas contesté que, ce faisant, l'administration n'a pas procédé à un examen critique de la comptabilité et n'a pas vérifié les déclarations de l'association en les comparant à ses écritures comptables. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la vérification de comptabilité de l'association aurait débuté avant l'envoi de l'avis de vérification.

S'agissant du lieu d'exercice du contrôle :

19. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de la personne morale vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la personne morale ne dispose plus au moment du contrôle de siège social ou de locaux et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent dans le lieu choisi par le contribuable, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de la personne morale vérifiée.

20. L'association F... étant dissoute et M. D... ayant opté pour une présentation au bureau du vérificateur le 24 juin 2014, sans désigner, comme le courrier du 14 juin 2014 le lui avait proposé, d'autre lieu de vérification, les opérations de contrôle ont valablement pu avoir lieu dans les locaux du service vérificateur.

S'agissant de la durée du contrôle :

21. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) ".

22. Il résulte de l'instruction que l'association requérante n'a fourni au service vérificateur ni ses écritures comptables ni les pièces justificatives de sa comptabilité. Les rehaussements en litige de ses résultats imposables ont été établis sur la base des éléments obtenus dans le cadre du droit de communication. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions du 1° du I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues.

S'agissant du débat oral et contradictoire :

23. Il résulte de l'instruction, et notamment de la réponse aux observations du contribuable, que M. D..., désigné comme curateur de l'association F... ainsi qu'il en a été informé par courrier recommandé reçu le 22 novembre 2014, n'a pas donné suite aux propositions de rendez-vous que le service vérificateur lui a faites pour les 2 et 16 décembre 2014. Les requérants ne peuvent dès lors pas utilement se plaindre de l'absence de débat oral et contradictoire avant la notification des propositions de rectification.

S'agissant des conditions d'exercice du droit de communication :

24. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents ". L'article L. 76 B du même livre dispose que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

25. En premier lieu, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ni pour objet, ni pour effet d'interdire les investigations que prévoient les dispositions particulières de la loi fiscale en vue de faciliter la tâche des services chargés de l'assiette de l'impôt, notamment par la mise en œuvre d'une procédure de vérification de comptabilité et du droit de communication auprès de tiers prévu par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales. Compte tenu des garanties offertes au contribuable par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de tiers, conformément à ces dispositions et sous le contrôle du juge de l'impôt, est de nature à satisfaire aux exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans qu'il y ait lieu de saisir la cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel.

26. Il résulte de l'instruction que, pour établir les impositions contestées, l'administration fiscale s'est fondée notamment sur des documents obtenus auprès des établissements bancaires dans lesquels l'association détenait des comptes et de clients. Les requérants ne contestent pas que ce droit de communication a été exercé conformément aux articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, les propositions de rectification des 19 décembre 2014 et 23 janvier 2015 mentionnaient avec une précision suffisante l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers. Les requérants ne soutiennent pas en avoir demandé la communication. Dès lors, en se bornant à soutenir que l'administration a exercé, sans autorisation préalable d'un magistrat, sans le contrôle d'une autorité indépendante et sans les en avoir informés ni leur avoir permis de contester ces investigations préalablement, son droit de communication sur des correspondances professionnelles et familiales, des relevés bancaires et des données recueillies dans le cadre d'autres contrôles, les requérants n'établissent pas la réalité d'une saisie irrégulière auprès de tiers de documents de nature privée ni leur utilisation dans des conditions de nature à porter une atteinte disproportionnée au secret bancaire ou au secret des correspondances. Par suite, sans qu'il soit besoin de saisir la cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait mis en œuvre son droit de communication en violation des exigences procédurales prévues par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

27. En second lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux, lesquelles s'appliquent aux Etats membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union européenne et non aux situations seulement régies par le droit interne.

S'agissant de la violation de dispositions relatives au traitement des données à caractère personnel :

28. En premier lieu, la directive 95/46/CE a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, tandis que la directive 2002/58/CE a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 et la loi n° 2004-801 du 6 août 2004. Les requérants, qui ne soutiennent d'ailleurs pas que ces dispositions de droit interne seraient incompatibles avec celles des directives susmentionnées, ne sauraient utilement invoquer directement ces directives dans le présent litige pour contester la régularité de la procédure d'imposition. Par suite, sans qu'il soit besoin de saisir la cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, le moyen tiré de la méconnaissance de ces directives doit être écarté comme inopérant.

29. En second lieu, si les requérants soutiennent que l'administration a méconnu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et l'article 9 du code civil en recueillant des données personnelles et en procédant à des traitements de données à caractère personnel, sans autorisation préalable des personnes concernées, ils n'assortissent pas ce moyen des précisions de fait suffisantes pour en apprécier la portée. Le moyen doit donc être écarté.

S'agissant de l'asservissement de M. D... à un travail forcé :

30. Les requérants soutiennent que l'administration a asservi M. D... à un travail forcé en l'obligeant à représenter, en tant que curateur, l'association pour les besoins de la vérification de comptabilité. Toutefois, le fait que M. D... ait été désigné, par une décision de justice, pour représenter l'association dont il était président jusqu'à sa dissolution pour les besoins d'un contrôle fiscal ne constitue pas un travail forcé aux sens des conventions internationales relatives au travail forcé. Par suite, sans qu'il soit besoin de saisir la cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, les moyens tirés de la violation des articles 4 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 5 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des conventions nos 29 et 105 de l'Organisation internationale du travail, doivent être écartés.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

31. Aux termes du 5 de l'article 206 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des exonérations prévues aux articles 1382 et 1394, les établissements publics, autres que les établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance, ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition, à l'exception, d'une part, des fondations reconnues d'utilité publique et, d'autre part, des fonds de dotation dont les statuts ne prévoient pas la possibilité de consommer leur dotation en capital, sont assujettis audit impôt en raison des revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à leurs activités lucratives. / Sont qualifiés de revenus patrimoniaux : / (...) c. les revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis ; ces revenus sont comptés dans le revenu imposable pour leur montant brut ".

32. Les requérants se bornent à soutenir que la somme d'un montant de 59 949 euros a seulement transité par le compte bancaire de l'association, avant d'être reversée à des créanciers de la société Service Plus, alors privée de compte bancaire, et n'assortissent ces allégations d'aucun justificatif. Dans ces conditions, l'administration établit que l'encaissement de sommes dues à une société commerciale est constitutif de revenus de capitaux mobiliers imposables sur le fondement du 5 de l'article 206 du code général des impôts .

33. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée par M. D..., que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser aux requérants, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association F... et de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association F..., à M. C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

V. B...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL00958 2

N°21TL00958 11


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00958
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal. - Vérification de comptabilité. - Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : BRUNEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-29;21tl00958 ?
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