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29/09/2022 | FRANCE | N°22TL00525

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 22TL00525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1902619 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés, le 7 mars 2019, antérieurement à l'introduction de l'insta

nce, et rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1902619 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés, le 7 mars 2019, antérieurement à l'introduction de l'instance, et rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2022, sous le n° 22MA00525 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00525 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme B... et M. E..., représentés par Me Brunel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de transmettre à la cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles et de surseoir à statuer dans l'attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement a omis de répondre aux moyens tirés des diverses violations des dispositions applicables à la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ;

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 16, L. 16 A et L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- les premiers juges ont méconnu le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en interprétant eux-mêmes le droit de l'Union européenne sans saisir la cour de justice de l'Union européenne ;

- les premiers juges ont dénaturé le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la réponse à ce moyen est entachée d'un défaut de motivation ;

- la violation des articles L. 16 et L. 16 A qui a justifié le dégrèvement, mentionné par le jugement, des impositions établies suivant la procédure de taxation d'office a entaché d'irrégularité la procédure de rectification contradictoire ;

- l'examen de leur situation fiscale personnelle a débuté avant l'envoi de l'avis de vérification, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- en exerçant son droit de communication, l'administration a violé la vie privée des membres de leur foyer fiscal, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- en recueillant sur les réseaux sociaux des informations relatives au cursus universitaire de leurs fils majeurs, sans obtenir l'accord préalable de ces derniers, l'administration a procédé à un traitement de données à caractère personnel, en méconnaissance de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 et de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 ;

- les sommes encaissées sur leurs comptes, en provenance de l'association Sud Environnement et de clients de la société Service Plus correspondent au paiement d'arriérés de salaires dus à Mme B... et à des remboursements d'avances en compte-courant d'associé ;

- les sommes considérées par l'administration comme des revenus d'origine indéterminée sont des recettes agricoles, qui ont déjà été soumises à l'impôt sur le revenu ;

- les sommes encaissées sur leurs comptes, en provenance de la société Service Plus et de l'association Sud Environnement correspondent à des salaires dus à Mme B... et à des remboursements d'avances en compte-courant d'associé ;

- Mme B... a le statut d'auto-entrepreneur ;

- les sommes reçues de la société Midi Développement ont pour contrepartie des prestations de service réalisées par leurs deux fils majeurs en tant qu'auto-entrepreneurs.

Par un mémoire, enregistré le 8 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 ;

- la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ;

- la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 ;

- la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... et M. E... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre de l'année 2012, à l'issue duquel leur a été notifiée une proposition de rectification le 23 janvier 2015. Il en est résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de pénalités. Par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir prononcé un non-lieu partiel sur leur demande à hauteur de 15 855 euros correspondant aux dégrèvements, prononcés le 7 mars 2019 antérieurement à l'introduction de l'instance, des impositions assises du chef des revenus d'origine indéterminée et aux pénalités correspondantes, en a rejeté le surplus. Mme B... et M. E... relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il ne leur a pas entièrement donné satisfaction.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal a suffisamment répondu, aux points 16 et 17 du jugement, au moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales. Il a également suffisamment répondu, au point 20 du jugement, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 47 de ce livre. D'autre part, si les requérants soutiennent que les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés des diverses violations des dispositions applicables à la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, ils n'assortissent pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée. Les moyens tirés de l'insuffisante motivation du jugement et de l'omission de répondre à des moyens doivent donc être écartés.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : / a) sur l'interprétation des traités, / b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. / Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. / Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour (...) ".

4. Il ressort des termes mêmes de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que l'obligation pour le juge national de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, à titre préjudiciel pour statuer sur l'interprétation des traités ne pèse que sur les juridictions des Etats membres dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, à l'exclusion des autres juridictions nationales pour lesquelles la mise en œuvre du renvoi préjudiciel en interprétation demeure une simple faculté. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il aurait écarté le moyen tiré de la méconnaissance des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sans saisir la cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel.

5. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que le tribunal administratif aurait dénaturé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ce moyen relève de la critique du bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité. En outre, le tribunal administratif de Nîmes a répondu, de manière suffisante, à ce moyen aux points 6 et 7 du jugement attaqué.

Sur la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 euros (...) ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite " et aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

7. Il résulte de l'instruction que les requérants ont reçu le 4 juillet 2014 une demande d'éclaircissements et de justifications en date du 30 juin 2014, à propos des discordances relevées entre les crédits financiers apparaissant sur leurs comptes bancaires et leurs revenus déclarés. Ils ont présenté, en réponse, des éléments justificatifs le 2 septembre 2014. Sans leur adresser au préalable la mise en demeure prévue par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales lorsque la réponse du contribuable est considérée insuffisante, l'administration a procédé à la taxation d'office de leurs revenus qu'elle a considérés comme étant d'origine indéterminée. Les requérants, qui ont pris acte des dégrèvements des impositions supplémentaires assises de ce chef et des pénalités correspondantes prononcés le 7 mars 2019 antérieurement à l'introduction de l'instance, soutiennent que ce vice de procédure s'est étendu aux impositions mises à leur charge suivant la procédure contradictoire. Toutefois, aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait à l'administration de leur adresser, préalablement à la proposition de rectification, une mise en demeure de compléter leur réponse faite au courrier du 30 juin 2014 s'agissant des rehaussements notifiés selon la procédure contradictoire. Par suite, le moyen tiré de la violation des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales à l'encontre des impositions établies suivant la procédure contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne la date d'engagement de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".

9. Les requérants, qui ont été informés de l'engagement de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle par un avis de vérification en date du 5 novembre 2013, soutiennent que l'examen a en réalité commencé avant l'envoi de cet avis, la proposition de rectification mentionnant des éléments recueillis préalablement dans le cadre de la vérification de comptabilité de deux sociétés et d'une association. Toutefois, outre qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne s'oppose à ce que l'administration utilise, dans le cadre d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique, les éléments recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité d'une personne morale, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que l'administration aurait entrepris irrégulièrement de contrôler la cohérence des revenus déclarés par les requérants préalablement à l'envoi de l'avis de vérification du 5 novembre 2013. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les garanties entourant l'exercice du droit de communication :

10. Aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. / (...) Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents ". Aux termes de l'article L. 83 du même livre : " Les administrations de l'État, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques dans le cadre de l'article L.34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique " et aux termes de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

11. En premier lieu, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire les investigations que prévoient les dispositions de la loi fiscale en vue de faciliter la tâche des services chargés de contrôler l'assiette de l'impôt sur le revenu, notamment par la mise en œuvre d'une procédure de vérification de comptabilité et du droit de communication auprès de tiers prévu par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales. Compte tenu des garanties offertes au contribuable par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et du fait que les informations recueillies à cette occasion par l'administration fiscale sont soumises à l'obligation de secret professionnel prescrite par l'article L. 103 de ce même livre, l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de tiers, conformément à ces dispositions et sous le contrôle du juge de l'impôt, est de nature à satisfaire aux exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de l'instruction que, pour établir les impositions contestées, l'administration fiscale s'est fondée notamment sur des documents obtenus auprès des établissements bancaires dans lesquels les requérants détenaient des comptes et auprès de clients de la société Midi Développement dont ils ont appréhendé des recettes. Ils ne contestent pas que ce droit de communication a été exercé conformément aux articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, la proposition de rectification du 23 janvier 2015 mentionnait avec une précision suffisante l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers. Les requérants ne soutiennent pas en avoir demandé la communication. Dès lors, en se bornant à soutenir que l'administration a exercé, sans autorisation préalable d'un magistrat, sans le contrôle d'une autorité indépendante et sans les en avoir informés ni leur avoir permis de contester ces investigations préalablement, son droit de communication sur des correspondances professionnelles et familiales, des relevés bancaires et " des données collectées dans un autre dossier ", les requérants n'établissent pas la réalité d'une saisie irrégulière auprès de tiers de documents de nature privée ni leur utilisation dans des conditions de nature à porter une atteinte disproportionnée au secret bancaire ou au secret des correspondances. Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que l'administration aurait mis en œuvre son droit de communication en violation des exigences procédurales prévues par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En second lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux, lesquelles s'appliquent aux Etats membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union européenne et non aux situations seulement régies par le droit interne.

En ce qui concerne l'usage d'informations rendues publiques sur des réseaux sociaux :

14. Il résulte de l'instruction que l'administration a utilisé des informations rendues publiques par les fils majeurs des requérants, MM. A... et G..., sur des réseaux sociaux, notamment le site du réseau social professionnel " LinkedIn ", à propos de leur parcours universitaire et professionnel, pour remettre en cause la réalité de prestations facturées par eux à la société Midi Développement et, par suite, réintégrer les sommes ainsi facturées dans les revenus imposables du foyer fiscal, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

15. Les requérants soutiennent que, faute d'avoir préalablement recueilli l'accord de leurs fils, l'administration a, ce faisant, mis en œuvre un traitement de données à caractère personnel en méconnaissance des directives 95/46/CE et 2002/58/CE. Toutefois, la directive 95/46/CE a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, tandis que la directive 2002/58/CE a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 et la loi n° 2004-801 du 6 août 2004. Il n'est pas soutenu que ces transpositions auraient méconnu les objectifs ou des dispositions précises et inconditionnelles des articles des deux directives susmentionnées, ou qu'elles les auraient incomplètement transposées. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces directives doit être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé des impositions :

16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a prononcé, le 7 mars 2019, antérieurement à l'introduction de l'instance, le dégrèvement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, assises du chef de la réintégration dans les revenus des requérants des sommes regardées comme des revenus d'origine indéterminée. Par suite, le moyen tiré de ce que ces sommes correspondraient à des recettes agricoles est inopérant dans la présente instance.

17. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que les sommes de 9 395,20 euros, 58 500 euros et 957 euros, reçues de la société Service Plus et de l'association Sud Environnement, correspondraient à des salaires dus à Mme B... et à des remboursements d'avances en compte-courant d'associé est inopérant dans la présente instance dès lors que ces sommes n'ont pas été réintégrées dans les revenus imposables des requérants au titre de l'année 2012, en litige dans la présente instance, mais au titre de l'année 2011.

18. En troisième lieu, les requérants soutiennent que Mme B... a le statut d'auto-entrepreneur, sans indiquer les sommes dont ils entendent ainsi contester la réintégration dans leurs revenus imposables de l'année 2012. Ils n'assortissent donc pas le moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée.

19. En dernier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

20. D'une part, il résulte de l'instruction que, à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Midi Développement, qui exerçait une activité de conseil auprès des collectivités locales en matière d'urbanisme et d'environnement et dont M. E... était le gérant, l'administration a remis en cause la déduction de charges d'un montant de 60 300 euros correspondant à des prestations de services d'urbanisme facturées par MM. A... et H... E..., fils des requérants, au motif que la réalité de leurs prestations n'était pas établie. L'administration a notamment relevé que les intéressés étaient alors étudiants, au surplus dans des disciplines étrangères à l'urbanisme. Elle a ensuite regardé ces sommes, encaissées sur les comptes bancaires de Mme B..., comme des revenus distribués imposables entre les mains des requérants dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

21. En se bornant à invoquer la qualité d'auto-entrepreneur de leurs fils et à se prévaloir de témoignages qu'ils ne produisent pas, les requérants ne contestent pas sérieusement, d'une part, l'absence de réalisation des prestations de service en cause par leurs fils et, d'autre part, l'appréhension des sommes en cause par eux. Par suite, l'administration établit le caractère de revenus distribués des sommes en cause entre les mains de Mme B... et M. E....

22. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de saisir la cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser aux requérants, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... et M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B..., à M. D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

V. C...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL00525 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00525
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : BRUNEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-29;22tl00525 ?
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