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29/09/2022 | FRANCE | N°22TL00526

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 22TL00526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C... et M. F... G... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1902645 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2022, sous le n° 22MA00526 a

u greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00526 au greffe ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C... et M. F... G... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1902645 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2022, sous le n° 22MA00526 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00526 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme C... et M. G..., représentés par Me Brunel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de transmettre à la cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles et de surseoir à statuer dans l'attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement a omis de répondre aux moyens tirés des diverses violations des dispositions applicables à la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ;

- le jugement est insuffisamment motivé au regard du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- les premiers juges ont méconnu le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en interprétant eux-mêmes le droit de l'Union européenne sans saisir la cour de justice de l'Union européenne ;

- les premiers juges ont dénaturé le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la réponse à ce moyen est entachée d'un défaut de motivation ;

- le service de contrôle du Gard n'était pas compétent pour procéder au contrôle dès lors qu'ils résidaient en Suisse depuis le 1er juin 2014 ; la doctrine administrative est en ce sens ;

- l'examen de leur situation fiscale personnelle a débuté avant l'envoi de l'avis de vérification, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- l'examen de leur situation fiscale personnelle a excédé la durée maximale d'un an prévue à l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;

- les vices de la procédure d'imposition de l'association Sud Environnement, sur laquelle l'administration s'est appuyée pour asseoir les impositions en litige, ont vicié la présente procédure d'imposition ;

- la proposition de rectification méconnaît l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales et la doctrine administrative applicable ;

- en exerçant son droit de communication, l'administration a violé la vie privée des membres de leur foyer fiscal, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- en recueillant sur les réseaux sociaux des informations relatives au cursus universitaire de leurs deux fils majeurs, sans obtenir leur accord préalable, l'administration a procédé à un traitement de données à caractère personnel, en méconnaissance de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 et de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 ;

- les sommes encaissées sur leurs comptes provenant de clients de la société Midi Développement correspondent à la rémunération de prestations de service qu'ils ont personnellement rendues ;

- les sommes encaissées sur leurs comptes provenant de l'association Sud Environnement correspondent à des sommes qui étaient dues à la société Sud Environnement, laquelle était débitrice à leur égard ;

- une part importante des sommes visées appartenait en réalité à leurs fils majeurs avec lesquels ils faisaient " bourse commune ".

Par un mémoire, enregistré le 8 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention signée le 9 septembre 1966 entre la République française et la Confédération suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 ;

- la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... et M. G... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre de l'année 2013, à l'issue duquel leur ont été notifiés des rehaussements de leurs revenus imposables par une proposition de rectification du 21 décembre 2015. Il en est résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de pénalités. Ils relèvent appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal a suffisamment répondu, au point 20 du jugement, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. D'autre part, si les requérants soutiennent que les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés des diverses violations des dispositions applicables à la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, ils n'assortissent pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée. Les moyens tirés de l'insuffisante motivation du jugement et de l'omission de répondre à des moyens doivent donc être écartés.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : / a) sur l'interprétation des traités, / b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. / Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. / Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour (...) ".

4. Il ressort des termes mêmes de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que l'obligation pour le juge national de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, à titre préjudiciel pour statuer, sur l'interprétation des traités ne pèse que sur les juridictions des Etats membres dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, à l'exclusion des autres juridictions nationales pour lesquelles la mise en œuvre du renvoi préjudiciel en interprétation demeure une simple faculté. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il aurait écarté le moyen tiré de la méconnaissance des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sans saisir la cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel.

5. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que le tribunal administratif aurait dénaturé le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ce moyen relève de la critique du bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité. En outre, le tribunal administratif de Nîmes a répondu, de manière suffisante, à ce moyen aux points 5 et 6 du jugement attaqué.

Sur la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la compétence territoriale du service vérificateur :

6. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 10 du code général des impôts : " Si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence " et aux termes de l'article 11 du même code : " Lorsqu'un contribuable a déplacé, soit sa résidence, soit le lieu de son principal établissement, les cotisations dont il est redevable au titre de l'impôt sur le revenu, tant pour l'année au cours de laquelle s'est produit le changement que pour les années antérieures non atteintes par la prescription, peuvent valablement être établies au lieu d'imposition qui correspond à sa nouvelle situation ".

7. Il résulte de ces dispositions que la proposition de rectification des revenus déclarés par les requérants au titre de l'année 2013, qui leur a été adressée le 21 décembre 2015, a raison de revenus de capitaux mobiliers dont ils ont disposé en 2013, alors qu'ils résidaient à Saint-Laurent-le-Minier (Gard), pouvait être régulièrement établie par la direction départementale des finances publiques du Gard, nonobstant la circonstance que les requérants se sont établis en Suisse le 1er juin 2014. Ainsi, et sans qu'y fassent obstacle les stipulations invoquées par les requérants de l'article 4 de la convention fiscale franco-suisse alors en vigueur, lesquelles sont étrangères à la définition du ressort territorial des agents appartenant aux services des impôts habilités à fixer les bases d'imposition ou à notifier des redressements, la direction départementale des finances publiques du Gard avait qualité pour procéder à la proposition de rectification contestée.

8. En second lieu, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-CF-DG-30, dès lors que les instructions ou réponses ministérielles relatives à la procédure d'imposition sont exclues du champ d'application de la garantie instituée par cet article.

En ce qui concerne la date d'engagement de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle :

9. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".

10. Les requérants, qui ont été informés de l'engagement de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle par un avis de vérification du 22 décembre 2014, soutiennent que l'examen a en réalité commencé avant l'envoi de cet avis, la proposition de rectification mentionnant des éléments recueillis préalablement dans le cadre de la vérification de comptabilité d'une société. Toutefois, outre qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne s'oppose à ce que l'administration utilise, dans le cadre d'un examen de la situation fiscale personnelle d'une personne physique, les éléments recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité d'une personne morale, qui constitue une procédure de contrôle distincte, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que l'administration aurait entrepris irrégulièrement de contrôler la cohérence des revenus déclarés par les requérants préalablement à l'envoi de l'avis de vérification. Par suite, le moyen tiré de ce que l'examen de leur situation fiscale personnelle aurait débuté avant le 22 décembre 2014 doit être écarté.

En ce qui concerne la durée des opérations de contrôle :

11. Aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. (...) / Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. (...) / Cette période est prorogée (...) des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration (...) ".

12. Comme il a été indiqué au point 10, les requérants ont été informés de l'engagement d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle par un avis de vérification du 22 décembre 2014, qu'ils indiquent avoir reçu le 5 janvier 2015. Cet examen s'est achevé par la notification de la proposition de rectification du 21 décembre 2015, qu'ils indiquent avoir reçue le 4 janvier 2016. Par suite, le moyen tiré de ce que la durée du contrôle dont ils ont fait l'objet aurait excédé la durée d'un an manque en fait. La circonstance que la proposition de rectification mentionne, par erreur, que " le délai d'un an prévu à l'article L. 12 du livre des procédures fiscales a débuté le 08/11/2013, date de retrait du pli recommandé comportant l'avis d'ESFP " est sans incidence à cet égard. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne les irrégularités de la vérification de comptabilité de l'association Sud Environnement :

13. En application du principe de l'indépendance des procédures menées à l'encontre d'une association soumise à l'impôt sur les sociétés, d'une part, et à l'encontre de son membre soumis à l'impôt sur le revenu, d'autre part, les irrégularités commises lors de la procédure de rectification suivie à l'encontre de l'association restent sans incidence sur l'imposition personnelle de son membre, alors même qu'il s'agirait d'un excédent de distribution révélé par un redressement des bases de l'impôt sur les sociétés que l'administration entend imposer à l'impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire. Dès lors, les requérants ne peuvent, en tout état de cause, se prévaloir des irrégularités qui auraient entaché la procédure de rectification de l'association Sud Environnement pour soutenir que la procédure suivie à leur encontre serait elle aussi irrégulière.

En ce qui concerne la garantie prévue à l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales :

14. Aux termes de l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales : " La notification d'une proposition de rectification doit mentionner, sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter la proposition de rectification ou pour y répondre ". Ces dispositions instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi que, n'ayant privé le contribuable d'aucune garantie, elle n'a pas pu avoir d'influence sur la décision d'imposition.

15. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 21 décembre 2015 comportait en première page la mention suivante : " Pour discuter cette proposition de rectification ou y répondre, vous pouvez vous faire assister d'un conseil de votre choix ". Les requérants soutiennent que l'obligation d'information prévue à l'article L. 54 B a néanmoins été méconnue au motif que cette mention était assortie d'une note de bas de page rédigée comme suit : " en cas d'application notamment des majorations pour manquement délibéré, pour manœuvres frauduleuses, ou pour abus de droit fiscal ". Toutefois, contrairement à ce que prétendent les requérants, cette note de bas de page, qui comprend l'adverbe " notamment " n'a pas pour effet de restreindre le droit d'être assisté d'un conseil aux seuls cas où lesdites pénalités seraient appliquées. En tout état de cause il est constant que les requérants se sont vu appliquer la majoration pour manquement délibéré visée dans la note de bas de page litigieuse, ainsi qu'il ressort de la page 9 de la proposition de rectification. Par suite, ils n'ont été pas privés de la garantie instituée à l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne les garanties entourant l'exercice du droit de communication :

16. Aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents ". Aux termes de l'article L. 83 du même livre : " Les administrations de l'État, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques dans le cadre de l'article L.34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique " et aux termes de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

17. En premier lieu, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire les investigations que prévoient les dispositions de la loi fiscale en vue de faciliter la tâche des services chargés de contrôler l'assiette de l'impôt sur le revenu, notamment par la mise en œuvre d'une procédure de vérification de comptabilité et du droit de communication auprès de tiers prévu par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales. Compte tenu des garanties offertes au contribuable par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et du fait que les informations recueillies à cette occasion par l'administration fiscale sont soumises à l'obligation de secret professionnel prescrite par l'article L. 103 de ce même livre, l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de tiers, conformément à ces dispositions et sous le contrôle du juge de l'impôt, est de nature à satisfaire aux exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Il résulte de l'instruction que, pour établir les impositions contestées, l'administration fiscale s'est fondée notamment sur des documents obtenus auprès des établissements bancaires dans lesquels les requérants détenaient des comptes et auprès de clients de la société Midi Développement dont ils ont appréhendé des recettes. Ils ne contestent pas que ce droit de communication a été exercé conformément aux articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, la proposition de rectification du 21 décembre 2015 mentionnait avec une précision suffisante l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers. Les requérants ne soutiennent pas en avoir demandé la communication. Dès lors, en se bornant à soutenir que l'administration a exercé, sans autorisation préalable d'un magistrat, sans contrôle d'une autorité indépendante et sans les en avoir informés ni leur avoir permis de contester ces investigations préalablement, son droit de communication sur des correspondances professionnelles et familiales, des relevés bancaires et " des données collectées dans un autre dossier ", les requérants n'établissent pas la réalité d'une saisie irrégulière auprès de tiers de documents de nature privée ni leur utilisation dans des conditions de nature à porter une atteinte disproportionnée au secret bancaire ou au secret des correspondances. Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que l'administration aurait mis en œuvre son droit de communication en violation des exigences procédurales prévues par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. En second lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux, lesquelles s'appliquent aux Etats membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union européenne et non aux situations seulement régies par le droit interne.

En ce qui concerne l'usage d'informations rendues publiques sur des réseaux sociaux :

20. Les requérants reprochent à l'administration d'avoir utilisé des informations relatives à leurs fils majeurs, A.... B... et I..., que ceux-ci ont rendu publiques sur des réseaux sociaux, à propos de leur parcours universitaire et professionnel, et estiment que l'administration a, ce faisant, mis en œuvre un traitement de données à caractère personnel, en violation de la directive 95/46/CE et de la directive 2002/58/CE.

21. Toutefois, contrairement à ce que prétendent les requérants, il résulte de l'instruction que, pour asseoir les suppléments d'imposition au titre de l'année 2013, seuls en litige dans la présente instance, l'administration n'a pas utilisé d'informations rendues publiques par leurs fils sur les réseaux sociaux, la proposition de rectification du 21 décembre 2015 ne faisant nullement état des circonstances alléguées par eux. Par suite, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé des impositions :

22. En premier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

23. D'une part, il résulte de l'instruction que Mme C... a encaissé sur ses comptes bancaires trois chèques, pour un montant total de 7 447 euros, émis par M. et Mme D..., la société immobilière du Languedoc et le comité d'entreprise de la société " STCN " en règlement de factures émises par la société Midi Développement. L'administration a réintégré cette somme dans les revenus imposables des requérants dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

24. Si les requérants soutiennent que les sommes encaissées en lieu et place de la société Midi Développement correspondraient à la rémunération de prestations de service effectuées par eux en tant que sous-traitants de la société Midi Développement, ils ne fournissent aucune justification à l'appui de leurs allégations. Par suite, eu égard aux encaissements mentionnés au point 23, l'administration établit le caractère de revenus distribués des sommes en cause.

25. En deuxième lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

26. Il résulte de l'instruction que M. G... et Mme C... ont encaissé sur leurs comptes bancaires des chèques émis par l'association Sud Environnement, dont ils étaient respectivement le président et la secrétaire, pour un montant total de 85 100 euros. L'administration a réintégré cette somme dans leurs revenus imposables, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.

27. Les requérants soutiennent que l'association Sud Environnement n'était pas propriétaire des sommes qui auraient transité par son compte bancaire et qu'elle se serait bornée, d'une part, à encaisser des sommes qui étaient dues à la société Sud Environnement par les débiteurs de cette société et, d'autre part, à reverser lesdites sommes aux créanciers de cette même société. Toutefois, ils ne fournissent aucune justification à l'appui de leurs allégations. Par suite, l'administration établit le caractère de revenus occultes des sommes en cause.

28. En dernier lieu, si les requérants soutiennent qu'une " bonne partie des sommes visées appartenait en réalité " à leurs deux fils majeurs, avec lesquels ils faisaient " bourse commune ", ils n'assortissent pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée.

29. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de saisir la cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser aux requérants, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... et M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... C..., à M. F... G... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

V. E...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL00526 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00526
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : BRUNEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-29;22tl00526 ?
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