La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2022 | FRANCE | N°22TL20056

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 30 novembre 2022, 22TL20056


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et F... C... et A... D... H... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de G... à leur verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 96 000 euros sous réserve de meilleure évaluation, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au règlement et de leur capitalisation, et de condamner la commune à leur verser la somme de 3 435,85 euros au titre des frais et honoraires de l'expert judiciaire tels que taxés et

liquidés selon l'ordonnance du 23 novembre 2020 du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et F... C... et A... D... H... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de G... à leur verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 96 000 euros sous réserve de meilleure évaluation, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au règlement et de leur capitalisation, et de condamner la commune à leur verser la somme de 3 435,85 euros au titre des frais et honoraires de l'expert judiciaire tels que taxés et liquidés selon l'ordonnance du 23 novembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au règlement et de leur capitalisation.

Par une ordonnance n° 2105317 du 29 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2022, M. et Mme C... et A... H..., représentés par Me Vimini, demandent au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de condamner la commune de G... à leur verser, à titre provisionnel, la somme totale de 96 000 euros, assortie des intérêts au taux légal jusqu'au règlement et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de G... la somme de 3 435,85 euros au titre des frais et honoraires de l'expert judiciaire tels que taxés et liquidés selon l'ordonnance du 23 novembre 2020, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la commune de G... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- la responsabilité de la commune peut être engagée en l'absence de faute, dès lors qu'ils ont la qualité de tiers à l'ouvrage public et aux travaux publics litigieux ;

- les dégradations de leur habitation sont exclusivement imputables à la démolition de l'ouvrage public mitoyen, ainsi qu'il ressort notamment du rapport d'expertise contradictoire et du constat d'huissier antérieur aux travaux publics de démolition qui n'a pas relevé l'existence d'infiltrations ;

- la dégradation de leur habitation à la suite des travaux publics de démolition a occasionné un préjudice matériel dont l'expert a estimé le montant à la somme de 34 000 euros qui doit être augmentée de 10 % pour les frais de maîtrise d'œuvre, soit une somme totale de 37 400 euros ;

- l'impossibilité d'occuper leur logement et de proposer leur bien à la location depuis janvier 2018 a occasionné un préjudice de jouissance dont la réparation est estimée à la somme de 33 600 euros, calculée sur la base d'un loyer de 700 euros mensuels ;

- leur préjudice moral peut être justement réparé par une somme de 10 000 euros ;

- la réparation de leur préjudice financier résultant des frais et honoraires d'huissiers, d'avocat, de déplacements et d'expert, qui ne sauraient rester à leur charge, peut être fixée à une somme de 15 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, la commune de G..., représentée par Me Courrech, demande au juge des référés de la cour :

- de rejeter la requête ;

- de mettre à la charge définitive des consorts C... la somme de 3 435,85 euros au titre des frais et honoraires de l'expert judiciaire tels que taxés et liquidés par l'ordonnance du 23 novembre 2020 ;

- de mettre à la charge des consorts C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité sans faute ne peut être engagée, dès lors que les travaux de démolition de l'abattoir mitoyen à l'habitation des consorts C..., constitutif d'un ouvrage public, ne constitue pas ni la cause exclusive ni même la cause déterminante des dommages qu'ils ont subis ;

- le défaut d'étanchéité de la toiture de l'habitation des consorts C..., en raison de sa vétusté et du manque d'entretien, d'un vice de conception et d'un incendie est à l'origine des dommages, au moins partiellement ;

- l'absence d'infiltration antérieure aux travaux litigieux de démolition de l'abattoir mitoyen n'est pas établie ;

- la somme de 37 400 euros réclamée par les consorts C... au titre du préjudice matériel qu'ils invoquent apparaît sérieusement contestable, la commune ayant déjà procédé à la réalisation des travaux de zinguerie pour un montant de 3 689 euros et l'absence d'étanchéité de la toiture résultant d'un défaut de conception originel ;

- la somme de 33 600 euros réclamée au titre du préjudice de jouissance qu'ils invoquent apparaît sérieusement contestable, dès lors que leur habitation n'avait pas une finalité locative et que cette évaluation est fondée sur une estimation élevée du prix de location de leur bien ;

- le préjudice moral invoqué par les consorts C... n'est pas fondé, dès lors que la totalité des frais de remise en état de la toiture n'avait pas à être supportée par la commune, qui a en outre réalisé les travaux de zinguerie demandés, et que l'indemnisation de 1609,30 euros proposée aux consorts C... correspond à la part du préjudice moral relevant de la responsabilité de la commune ;

- elle ne doit pas supporter les frais et honoraires d'huissiers, d'avocats, de déplacements et d'expert, dès lors que l'état vétuste de la toiture constitue la cause principale des dégradations constatées.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de :

- l'irrecevabilité des conclusions des consorts C... tendant à ce que soit mise à la charge de la commune de G... une provision correspondant aux frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse, les consorts C... disposant d'une voie de droit spéciale pour contester leur désignation par l'ordonnance de taxation comme devant supporter ces frais et honoraires ;

- l'irrecevabilité des conclusions de la commune de G... tendant à ce que ces frais et honoraires soient mis à la charge définitive des consorts C..., de telles conclusions ne tendant pas au prononcé d'une provision et n'entrant donc pas dans l'office du juge des référés de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a, par une décision du 1er septembre 2022, désigné M. Alain Barthez, président de la 1ère chambre, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. En 2009, la commune de G... a entrepris des travaux de démolition d'un abattoir mitoyen de la maison d'habitation dont M. et Mme C... avaient fait l'acquisition le 27 septembre 2007. A la suite de ces travaux, elle a procédé à la reprise de l'enduit du mur mitoyen dont les maçonneries avaient été mises à nu. Saisie, au cours de l'année 2016, d'une plainte de Mme C... concernant la dégradation de l'enduit qui avait été appliqué sur ce mur, la commune a fait réaliser une reprise.

2. Les consorts C... ont ensuite constaté, à partir de l'année 2017, des infiltrations d'eau. Le compte-rendu de recherche de fuite, établi le 20 février 2017 par l'entreprise Vitale Assistance à leur demande, après avoir relevé que le pignon de la façade sinistrée n'était pas entièrement protégé et que le pignon intérieur présentait des traces importantes d'humidité, a conclu que les dégradations de l'habitation provenaient de la toiture. Un devis du 5 octobre 2018 a évalué les travaux de reprise à une somme de 18 383,42 euros et, par un courrier du 2 juillet 2019, le cabinet SMACL assurances, assureur de la commune, sur la base d'une évaluation du cabinet Saretec du 21 mai 2019, a fait partiellement droit à la réclamation des consorts C... relative au montant de ces réparations et leur a proposé une indemnisation de 1 609,30 euros qui a été refusée. Par une lettre du 13 novembre 2019, les consorts C... ont mis en demeure la commune de G... de prendre des mesures pour la sécurité de leur habitation et de la voie publique. La commune a alors missionné le cabinet d'expertise Escert Immo afin de déterminer la ou les causes du sinistre ainsi que les risques encourus du fait de ces infiltrations sur le mur-pignon et la charpente de cette maison et ce cabinet a établi son rapport après une visite des lieux le 10 décembre 2019. La commune de G... a, en outre, demandé au tribunal administratif de Toulouse de désigner un expert afin de déterminer l'état de l'immeuble et, à la suite du rapport du 24 février 2020, le maire de G... a pris le 4 mars 2020 un arrêté de péril imminent prescrivant aux consorts C... diverses mesures conservatoires.

3. Le 30 juin 2020, saisi par les consorts C... sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Toulouse a désigné un expert judiciaire afin de procéder à la constatation des désordres de l'habitation, d'en rechercher l'origine et les causes, d'indiquer les travaux nécessaires, d'apprécier et de chiffrer les préjudices allégués à ces désordres et M. E..., expert désigné par le tribunal administratif, a rendu son rapport le 4 novembre 2020. Eu égard aux conclusions de ce rapport, les consorts C..., par une réclamation du 10 mai 2021 demeurée sans réponse, ont demandé à la commune de leur verser la somme de 96 000 euros au titre des préjudices subis, y compris le remboursement des frais de procédure et d'expertise. Ils font appel de l'ordonnance du 29 décembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce que la commune leur verse une provision de 96 000 euros.

4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

Sur la responsabilité de la commune de G... :

5. Lorsqu'il n'est pas sérieusement contestable que des dommages causés à des tiers sont imputables à l'exécution de travaux publics, ces tiers peuvent se prévaloir d'une obligation non sérieusement contestable pour obtenir une provision. En l'espèce, les travaux de démolition de l'abattoir afin de permettre la construction d'un parking, réalisés pour le compte de la commune de G... dans un but d'intérêt général, présentent le caractère de travaux publics. Les consorts C..., propriétaires d'une maison d'habitation mitoyenne, sont des tiers par rapport à ces travaux. Ils peuvent ainsi obtenir une provision sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative sous la réserve qu'il ne soit pas sérieusement contestable que les dommages qu'ils ont subis soient imputables à l'exécution de ces travaux publics.

6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de constatations du 24 février 2020, que les rives du rampant de toiture ne sont pas adaptées et que " l'essentiel des pénétrations d'eau à l'intérieur de l'immeuble prend son origine depuis le rampant de pignon ". En outre, selon le rapport d'expertise contradictoire établi le 9 novembre 2020, " les infiltrations à l'intérieur de l'habitation appartenant aux consorts C..., proviennent du défaut d'étanchéité en tête du mur pignon ", et " toutes ces dégradations sont la conséquence d'une absence d'ouvrage lors de la démolition de 2009 par la commune de G... de l'abattoir qui était accolé à [cette habitation] ".

7. Nonobstant ces conclusions des experts désignés par le tribunal administratif de Toulouse, il convient de noter le long délai s'étant écoulé entre les travaux publics en cause et la découverte des infiltrations. En outre, le rapport d'expertise du cabinet Escert Immo, établi à la demande de la commune de G... après une visite sur les lieux le 10 décembre 2019 en présence de l'avocat des consorts C..., aboutit à des conclusions différentes de celles des experts rappelées au point 6. Ce rapport relève la présence de traces d'humidité descendante sur le mur pignon, en indiquant que de telles coulées pluviales ne peuvent traverser le mur à l'horizontale sur un tel revêtement. A l'intérieur de la maison d'habitation, ce rapport constate de multiples auréoles révélant des infiltrations qu'il attribue au pan de toiture situé côté jardin qui, du fait de son mauvais état, notamment révélées par la présence de moisissures sur les chevrons imprégnés d'eau " sûrement depuis longtemps ", n'assure pas sa fonction d'étanchéité. Le rapport, étayé de nombreuses photographies des lieux, conclut ainsi que les diverses infiltrations et fuites proviennent de plusieurs points non étanches, répartis sur un pan de toiture situé côté jardin et que, alors que l'étanchéité est la fonction principale que doit assurer une toiture, cette fonction ne peut en l'occurrence être assurée du fait de l'absence d'entretien et de rénovation de charpente qui aurait dû être entreprise dès l'acquisition de la maison. Toutefois, même ce rapport retient que l'espace existant entre le mur-pignon et la toiture entraîne également une partie des infiltrations et indique qu'après les travaux de démolition, il aurait fallu mettre en place, soit une " couvertine " sur ce mur, soit sceller au ciment une rangée de tuiles " canal " recouvrant la tranche murale.

8. Eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux points 6 et 7, qui sont partiellement contradictoires, il n'est pas sérieusement contestable que des infiltrations provenant du mur-pignon désormais découvert à la suite de la démolition de l'abattoir existent et contribuent aux dommages que subissent les consorts C.... Il est à l'inverse sérieusement contestable que ces infiltrations constitueraient la cause unique ou même principale des dommages, ceux-ci pouvant également provenir de la forte dégradation du pan de la toiture situé côté jardin qui n'est plus étanche et dont l'absence d'étanchéité proviendrait de sa vétusté en raison d'une insuffisance d'entretien. Il résulte de l'instruction, notamment des éléments mentionnés aux points précédents, que seule une proportion de 25 % des dommages peut être attribuée, avec un caractère de certitude suffisant, aux infiltrations provenant du mur pignon et donc à l'exécution des travaux publics, entraînant la responsabilité de la commune de G... dans cette mesure.

Sur le montant du préjudice :

9. En premier lieu, le rapport d'expertise contradictoire du 9 novembre 2020 a estimé le coût des travaux de réparation à une somme de 34 000 euros, dont 4 000 euros de travaux de zinguerie à titre conservatoire, 20 000 euros de travaux de reprise de la charpente et 10 000 euros de travaux de reprise des embellissements à l'intérieur du logement. Toutefois, il est constant que la commune a procédé à la réalisation des travaux de zinguerie pour un montant de 3 617,90 euros et il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux seraient insuffisants. Les consorts C..., qui réclament une indemnisation supplémentaire de 3 400 euros en raison des frais de maîtrise d'œuvre engagés pour les travaux, ne produisent aucun élément de nature à justifier l'allocation d'une telle somme. Il s'en suit que les sommes de 3 617,90 euros et de 3 400 euros doivent être déduites du montant de la réparation demandée par les consorts C... au titre de leur préjudice matériel et que le montant de ce préjudice n'est dès lors pas sérieusement contestable à hauteur de 30 382,10 euros.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la maison n'était plus habitable en raison des infiltrations d'eau. Toutefois, les consorts C... ne la mettaient pas en location et ne produisent aucun élément de nature à établir qu'ils avaient entrepris des démarches afin de la proposer à la location. Ils ne peuvent donc demander à bénéficier d'une indemnisation correspondant aux loyers qu'ils auraient perçus. En outre, ils n'habitaient pas dans cette maison et il est constant qu'ils ne prévoyaient pas de le faire. Ainsi, en l'état de l'argumentation des requérants, les troubles de jouissance présentent un caractère sérieusement contestable.

11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les désordres qui affectent la maison d'habitation dont les consorts C... sont propriétaires entraînent des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation de la part non sérieusement contestable en l'évaluant à la somme de 3 000 euros.

12. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction qu'en raison de ces désordres, les consorts C... ont entrepris des démarches nécessaires afin que soit évaluée la situation de leur bien et soient recherchées les causes des sinistres dont il est affecté. Pour ces démarches, ils ont eu besoin de faire appel à un huissier pour qu'il fasse des constats de la situation ainsi qu'à l'aide d'un conseil. Eu égard aux factures produites, et en excluant les coûts qui correspondent aux frais exposés dans d'autres litiges, il sera fait une juste évaluation de la part non sérieusement contestable de ces frais en les évaluant à la somme de 3 500 euros.

13. Ainsi, le montant des préjudices dont l'existence est établie avec un degré suffisant de certitude s'élève à la somme de 36 882,10 euros. Eu égard à la proportion de 25 % mentionnée au point 8, les consorts C... sont seulement fondés à demander la condamnation de la commune de G... à leur verser la somme de 9 221 euros.

14. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. En l'espèce, la demande préalable a été reçue par la commune de G... le 12 mai 2021. Les intérêts moratoires courent donc à compter de cette date.

15. Pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. En l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée dans la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 10 septembre 2021. Les intérêts doivent donc être capitalisés le 12 mai 2022 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais et honoraires d'expertise :

16. En premier lieu, aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance (...) ". L'article R. 761-5 du même code dispose que : " Les parties, l'Etat lorsque les frais d'expertise sont avancés au titre de l'aide juridictionnelle ainsi que, le cas échéant, l'expert, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 devant la juridiction à laquelle appartient l'auteur de l'ordonnance. / (...) / Le recours mentionné au précédent alinéa est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention de la décision par laquelle la charge des frais est attribuée ".

17. L'ordonnance par laquelle le président du tribunal administratif liquide et taxe les frais et honoraires d'expertise, qui revêt un caractère administratif, peut faire l'objet, en vertu des dispositions précitées des articles R. 621-13 et R. 761-5 du code de justice administrative, d'un recours de plein contentieux par lequel le juge détermine les droits à rémunération de l'expert ainsi que les parties devant supporter la charge de cette rémunération. En vertu de l'avant-dernier alinéa de ce même article R. 621-13, ce n'est que lorsque les frais d'expertise sont compris dans les dépens d'une instance principale que la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que ces frais seront mis définitivement à la charge d'une partie autre que celle qui est désignée par l'ordonnance de taxation ou le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. Dès lors que la partie désignée par l'ordonnance de taxation comme devant supporter les frais d'expertise dispose d'une voie de droit spéciale pour contester cette désignation et que le juge du référé provision n'est pas saisi de l'instance principale, cette partie n'est pas recevable à demander à ce juge l'octroi d'une provision au titre de ces frais.

18. Il résulte de l'instruction que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, par une ordonnance du 23 novembre 2020, mis à la charge des consorts C... les frais et honoraires de l'expertise. En application de l'article R. 621-13 du même code, ils disposaient de la faculté de contester les frais et honoraires de l'expert par le recours spécifique prévu par l'article R. 761-5 du code de justice administrative. Les conclusions des consorts C... tendant à ce que la commune de G... soit condamnée à leur accorder une provision correspondant aux frais et honoraires d'expertise sont donc irrecevables.

19. En second lieu, les conclusions de la commune de G... tendant à ce que le juge des référés mette à la charge définitive des consorts C... les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse du 23 novembre 2020 ne tendent pas au prononcé d'une provision. N'entrant pas dans l'office du juge des référés de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, elles sont irrecevables.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande et qu'il y a lieu de condamner la commune de G... à leur verser la somme de 9 221 euros.

Sur les frais liés au litige :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des consorts C... et de la commune de G... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2105317 du 29 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La commune de G... est condamnée à verser à Mme C..., à M. C... et à Mme H... une provision d'un montant de 9 221 euros.

Article 3 : La somme mentionnée à l'article 2 est assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2021. Les intérêts échus à la date du 12 mai 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme F... C..., à M. B... C..., à Mme D... H... et à la commune de G....

Fait à Toulouse, le 30 novembre 2022.

Le juge des référés,

A. Barthez

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 22TL20056
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-30;22tl20056 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award