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29/12/2022 | FRANCE | N°20TL21115

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 29 décembre 2022, 20TL21115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée de la Capelle a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 15 février 2018 prise par la présidente de la région Occitanie et par le préfet de la Haute-Garonne portant engagement de la mesure d'aide à l'agriculture biologique et fixant le montant de l'aide à 30 000 euros, et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803784 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejet

é sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée de la Capelle a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 15 février 2018 prise par la présidente de la région Occitanie et par le préfet de la Haute-Garonne portant engagement de la mesure d'aide à l'agriculture biologique et fixant le montant de l'aide à 30 000 euros, et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803784 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mars 2020 sous le n° 20BX01115 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et ensuite sous le n° 20TL21115 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, l'exploitation agricole de la Capelle, représentée par Me Thalamas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 15 février 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la région Occitanie une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation de sa réponse au moyen tiré de l'incompétence des auteurs de la décision du 15 février 2018 contestée dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur l'absence de mesures de publicité des décisions portant délégation de signature ;

- la décision contestée du 15 février 2018 est entachée d'un vice d'incompétence, en l'absence de mesures de publicité des décisions portant délégation de signature les rendant opposables ;

- les décisions individuelles contestées de 2018 portent atteinte au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ;

- elles auraient dû être assorties de mesures transitoires ;

- elles méconnaissent le principe de confiance légitime ;

- elles méconnaissent le droit de propriété garanti par la Constitution et l'article 1er du protocole n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont fondées sur des décisions réglementaires, notamment l'arrêté du préfet de la région Occitanie du 23 décembre 2016, qui sont illégales dès lors qu'elles méconnaissent elles-aussi ces mêmes principes et droits.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation se déclare incompétent pour produire des observations et s'en remet aux conclusions présentées par la région Occitanie dans son mémoire en défense.

Il précise que le point 5.4.2. de la convention du 6 février 2015 relative à la mise en œuvre du règlement (UE) n° 1305/2013 prévoit que la région assure sa propre défense devant les juridictions administratives en cas de contestations notamment des décisions d'attribution d'aides.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2020, la région Occitanie, représentée par Me de Faÿ, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'exploitation requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'exploitation agricole de la Capelle ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de l'exploitation agricole de la Capelle.

Une ordonnance du 30 août 2022 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole n° 1 ;

- le règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;

- le décret n° 2015-445 au 16 avril 2015 ;

- le décret n° 2017-1286 du 21 août 2017 ;

- l'arrêté du 12 septembre 2007 relatif aux engagements agroenvironnementaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Thalamas, représentant l'exploitation agricole de la Capelle, et de Me de Faÿ, représentant la région Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. L'exploitation agricole de la Capelle a sollicité le 7 juin 2015, dans le cadre de son engagement dans l'agriculture biologique, l'octroi d'une aide à la conversion pour une surface de 191,54 hectares. Par une décision du 15 février 2018, la présidente de la région Occitanie et le préfet de la Haute-Garonne ont fait partiellement droit à sa demande en lui accordant une aide d'un montant annuel plafonné de 30 000 euros correspondant à une surface de 100 hectares. Le 13 avril 2018, elle a adressé à la présidente de la région Occitanie et au préfet de la Haute-Garonne un recours gracieux contre cette décision, demeuré sans réponse. L'exploitation agricole de la Capelle fait appel du jugement du 17 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 15 février 2018 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Toulouse a répondu aux points 2 à 6 du jugement attaqué, notamment en indiquant la date des deux arrêtés portant délégation de signature, au moyen soulevé par l'exploitation agricole de la Capelle relatif à l'incompétence du fonctionnaire qui a signé la décision du 15 février 2018 au nom du préfet de la Haute-Garonne. L'exploitation agricole de la Capelle n'est pas fondée à soutenir que cette réponse serait entachée d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne les mesures de publicité de ces arrêtés et leur opposabilité, dès lors que cet argument n'était pas invoqué en première instance et qu'au surplus, la région Occitanie avait produit devant le tribunal administratif de Toulouse des extraits des recueils des actes administratifs de l'Etat établissant l'existence d'une publication de ces arrêtés du préfet de la Haute-Garonne.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. / Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement (...) ".

4. D'une part, par une délibération 30 juin 2017, le conseil régional d'Occitanie a donné délégation, à compter du 1er août 2017, à Mme Carole Delga, présidente de la région Occitanie, en ce qui concerne les attributions relatives à la programmation des fonds européens, dont fait partie le Fonds européen agricole pour le développement rural, afin notamment de procéder à l'attribution des subventions. Cette délégation, qui comporte la mention de sa date d'affichage au 3 juillet 2017, a ainsi fait l'objet d'une publicité suffisante au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.

5. D'autre part, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation, par arrêté n° 31-2017-08-11-001, à M. A... E..., directeur départemental des territoires, pour signer les actes relatifs aux opérations de recettes et de dépenses imputées notamment sur la mission " Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales " et, conformément aux dispositions de l'article 11 de cet arrêté, celui-ci a été publié au recueil des actes administratifs spécial du 11 août 2017. Il ressort également des pièces du dossier que, par arrêté du 16 août 2017, M. E... a donné subdélégation à M. D... B..., signataire de la décision attaquée, chef du service " Economie agricole ", en matière de compétence administrative générale, d'ordonnancement secondaire et d'ingénierie dans le cadre de ses attributions et que, conformément à l'article 8 de cet arrêté, il a été publié au recueil des actes administratifs spécial du 17 août 2017. Dès lors, ces arrêtés, régulièrement publiés, ont fait l'objet d'une publicité conforme aux dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration et ont été rendus opposables à la date de leur entrée en vigueur, le lendemain de leur publication.

6. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des auteurs de la décision du 15 février 2018 doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural qui concerne les mesures en faveur de l'agriculture biologique, les aides allouées au titre de ces mesures sont accordées en contrepartie d'engagements pris sur une durée de cinq à sept ans d'adopter des pratiques allant au-delà des normes obligatoires et " indemnisent les bénéficiaires pour une partie ou la totalité des coûts supplémentaires et des pertes de revenus résultant des engagements pris ". Il ressort également de cet article que les aides allouées au titre de ces mesures sont plafonnées, l'annexe II au même règlement détaillant le plafond prévu pour chaque mesure, en euros, par an et par unité d'œuvre, exprimée notamment, selon les cas, en hectare ou en unité de gros bétail.

8. Aux termes de l'article 78 de la loi du 27 janvier 2014 de la modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles : " I. - (...) 1°) L'Etat confie aux régions (...), à leur demande, tout ou partie de la gestion des programmes européens soit en qualité d'autorité de gestion, soit par délégation de gestion. (...) / III. ' Pour le Fonds européen agricole pour le développement rural, un décret en Conseil d'Etat précise en tant que de besoin les orientations stratégiques et méthodologiques pour la mise en œuvre des programmes (...) ". Le décret du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020 dispose, en son annexe I, que, pour les mesures relevant notamment de l'article 29 du règlement (UE) n° 1305/2013, " leur construction au niveau régional s'appuie sur le cadrage défini au niveau national ", comme l'autorise le point 3 de l'article 6 de ce règlement. Le cadre national de référence ainsi prévu, qui a été approuvé le 30 juin 2015 par la Commission européenne selon la procédure prévue à l'article 10 du même règlement, détaille pour chaque mesure, notamment, le montant de l'aide prévue en euros par an et par unité d'œuvre pertinente, les bénéficiaires et les coûts admissibles et précise les conditions d'admissibilité communes à toutes les mesures, ou spécifiques à chacune, et, le cas échéant, des critères de sélection.

9. En premier lieu, les exploitants ayant présenté des engagements en faveur de l'agriculture biologique ne sauraient se prévaloir d'une situation juridiquement constituée qu'à compter de la décision d'engagement par laquelle l'autorité compétente valide les engagements qu'elle retient ou les contraintes invoquées et fixe le montant de l'aide qui en découle. Par suite, en l'absence d'une situation juridiquement constituée antérieure, la décision d'engagement du 15 février 2018 et la décision implicite de rejet du recours gracieux ne méconnaissent pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs. La circonstance que l'instruction de la demande d'engagement de l'exploitation agricole de la Capelle ait duré plusieurs années est par elle-même sans incidence sur cette appréciation.

10. En outre, si le régime de plafonnement des aides établi par l'arrêté du préfet de la région Occitanie du 23 décembre 2016 relatif aux engagements en agriculture biologique soutenus par l'Etat au titre de l'année 2015 dans le cadre du programme de développement rural Midi-Pyrénées 2014-2020 ne saurait, sans méconnaître le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, s'appliquer à des décisions d'engagement prises avant son entrée en vigueur, il peut en revanche légalement s'appliquer, sans porter atteinte à une situation juridiquement constituée, à des engagements présentés avant la date de son entrée en vigueur dès lors qu'aucune décision n'a été prise sur ces engagements avant cette date.

11. En l'espèce, l'arrêté du préfet de la région Occitanie du 23 décembre 2016 ne s'applique pas à des décisions d'engagement antérieures à son entrée en vigueur. Dès lors, l'exploitation agricole requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il porterait atteinte à des droits acquis et méconnaîtrait le principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

12. En deuxième lieu, l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante. En principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. Ces mesures transitoires peuvent résider dans le report de l'entrée en vigueur de cette réglementation nouvelle.

13. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 11, l'arrêté du préfet de la région Occitanie ne s'applique qu'aux décisions d'engagement postérieures à son entrée en vigueur et ne porte donc pas atteinte à une situation juridiquement constituée. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que les demandes de conversion à l'agriculture biologique dans la région Occitanie, supérieures aux prévisions, ont nécessité une adaptation de la capacité de financement dans le cadre du Fonds européen agricole pour le développement rural. Par suite, l'application immédiate de l'arrêté réglementaire du 23 décembre 2016 n'a pas entraîné une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause et l'exploitation agricole de la Capelle n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté, qui notamment a décidé le plafonnement contesté, serait entaché d'illégalité dès lors qu'il n'est pas assorti de mesures transitoires.

14. D'autre part et en tout état de cause, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point précédent, la décision du 15 février 2018 et la décision de rejet du recours gracieux ne méconnaissent pas le principe de sécurité juridique.

15. En troisième lieu, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire. Tel est le cas en l'espèce, dès lors que l'attribution de la subvention en litige met notamment en œuvre des règles du droit de l'Union européenne en matière de soutien au développement rural. La possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique de bonne foi auprès duquel une institution publique a fait naître des espérances fondées, y compris, sous réserve que cela ne porte pas une atteinte excessive à un intérêt public ou au principe de légalité, dans le cas où elle l'a fait bénéficier d'un avantage indu mais que l'opérateur pouvait néanmoins, eu égard à la nature de cet avantage, aux conditions dans lesquelles il a été attribué et au comportement de l'administration postérieurement à cette attribution, légitimement regarder comme lui étant définitivement acquis.

16. D'une part, aux termes de l'article D. 341-7 du code rural et de la pêche maritime en vigueur jusqu'au 23 août 2017 : " (...) Les paiements agroenvironnementaux sont versés annuellement et couvrent les coûts supplémentaires, les pertes de revenus et les coûts induits résultant de l'application des cahiers des charges correspondant aux engagements souscrits. Les montants maximums des paiements sont précisés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'écologie (...) ". Les articles 4, 5, 6 et 7 de l'arrêté du 12 septembre 2007 relatif aux engagements agroenvironnementaux, pris pour l'application de ces dispositions prévoient un montant maximal des paiements et un montant minimal et précisent les modalités de ce plafonnement et de ce seuil, en fixant dans certains cas directement leur montant ou en renvoyant la fixation de ce montant, selon les cas, au préfet de région ou au préfet de département. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article D. 341-9 du même code, applicable notamment aux paiements agroenvironnementaux et climatiques et aux aides en faveur de l'agriculture biologique, dans sa rédaction résultant du décret du 21 août 2017, rendue applicable aux engagements souscrits à compter du 1er janvier 2015 par l'article 2 de ce décret : " Chaque financeur national des paiements et aides prévus à la présente section peut fixer le montant maximum de la part qu'il finance. Pour l'Etat, ce montant est fixé par le préfet de région ".

17. Il ressort de ces dispositions, en vigueur durant la période entre la demande de subvention à la conversion faite le 15 juin 2015 et la décision d'engagement du 15 février 2018, ainsi que des dispositions mentionnées aux points 7 et 8 du présent arrêt, qu'un plafonnement des aides était possible. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement de l'administration à l'égard de l'exploitation agricole de la Capelle lui aurait permis d'estimer légitimement qu'une aide non plafonnée lui était définitivement acquise. Par suite, l'exploitation agricole requérante ne pouvait exclure qu'un arrêté du préfet de la région Occitanie fixerait le cas échéant un montant maximal de ces aides et que la décision d'engagement à la suite de sa demande d'aide porterait sur un montant plafonné. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 23 décembre 2016 et les décisions individuelles contestées de 2018 auraient méconnu le principe de protection de la confiance légitime.

18. En quatrième lieu, à défaut de décision d'engagement avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du préfet de la région Occitanie du 23 décembre 2016 et dès lors qu'aucun principe ou disposition n'excluait le principe d'un plafonnement des aides allouées dans le cadre des mesures prévues à l'article 29 du règlement (UE) n° 1305/2013, l'exploitation agricole requérante n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté et les décisions individuelles contestées porteraient atteinte, par elles-mêmes, à une créance certaine ou, à défaut d'une telle créance, à une espérance légitime devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du protocole n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 23 décembre 2016 et les décisions individuelles contestées porteraient atteinte au droit de propriété garanti par ces stipulations ainsi que par la Constitution doit être écarté.

19. En dernier lieu, à supposer que l'exploitation agricole de la Capelle ait entendu se prévaloir par la voie de l'exception de l'illégalité de la délibération du conseil régional d'Occitanie du 14 avril 2016 relative aux notices pour les aides à la conversion et au maintien en agriculture biologique, cette délibération n'a pas pour objet de fixer un plafonnement des aides accordées pour la conversion à l'agriculture biologique. Par suite, en soutenant qu'un tel plafonnement méconnaît les principes de non-rétroactivité des actes administratifs, de sécurité juridique et de confiance légitime et le droit de propriété, l'exploitation agricole de la Capelle ne conteste pas utilement la légalité de cette délibération.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'exploitation agricole de la Capelle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la région Occitanie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme sur le fondement de cet article. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'exploitation agricole de la Capelle une somme à verser à la région Occitanie sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'exploitation agricole de la Capelle est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Occitanie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée de la Capelle, à la région Occitanie et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022.

Le président-rapporteur,

A. C...

L'assesseur le plus ancien,

N. Lafon Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL21115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL21115
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides à l'exploitation.

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS THALAMAS LACLAU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-29;20tl21115 ?
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