La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2023 | FRANCE | N°21TL01680

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 26 janvier 2023, 21TL01680


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Garage des églantiers a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 avril 2014.

Par un jugement n° 1901767 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2021 sous le n° 21MA01680 au greffe

de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 21TL01680 au greffe de la cour admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Garage des églantiers a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 avril 2014.

Par un jugement n° 1901767 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2021 sous le n° 21MA01680 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 21TL01680 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Garage des églantiers, représentée par Me Larcena, liquidateur judiciaire, représenté par Me Amiel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 avril 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a omis de répondre à un moyen ;

- l'administration ne démontre pas que la mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge figurant sur les factures de ses fournisseurs était erronée ; en particulier, l'administration ne démontre pas que les véhicules qu'elle a revendus avaient donné lieu à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'administration ne démontre pas qu'elle savait ou aurait dû savoir qu'elle participait à une fraude commise en amont ;

- la délivrance par l'administration, pour chacun des véhicules en cause, du certificat fiscal a constitué un élément de nature à conforter les mentions figurant sur les factures de ses fournisseurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de la requête sont irrecevables à hauteur du dégrèvement des intérêts de retard et de l'amende de 5 % prononcé le 8 décembre 2016 ;

- les conclusions de la requête tendant à la décharge des rappels au soutien desquelles aucun moyen n'est exposé sont irrecevables ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 12 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Babin, représentant la société Garage des églantiers.

Considérant ce qui suit :

1. La société Garage des églantiers, auparavant dénommée société Garage de la pinède, qui avait pour activité le négoce de véhicules automobiles neufs et d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2011 au 30 avril 2014. Par une proposition de rectification du 16 décembre 2014 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et une proposition de rectification du 22 juillet 2015 pour la période du 1er janvier 2012 au 30 avril 2014, notifiées suivant la procédure de rectification contradictoire, l'administration a remis en cause le régime de la taxation sur la marge que la société requérante avait appliqué lors de la revente de 55 véhicules d'occasion au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et de 44 véhicules d'occasion au titre de la période du 1er janvier 2012 au 30 avril 2014. La société requérante relève appel du jugement du 1er mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 avril 2014.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés dans la demande, ont suffisamment répondu, au point 5 du jugement, au moyen tiré de ce que l'administration n'avait pas démontré que la mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sur les factures de ses fournisseurs était erronée. A supposer, par ailleurs, que la société requérante ait entendu invoquer la doctrine administrative référencée BOI-TVA-SECT-70-30-10 du 12 septembre 2012, les premiers juges ont répondu à ce moyen, au point 6 du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) " et aux termes de l'article 297 E de ce code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en est de même lorsque le bien est acquis auprès d'un fournisseur situé en France et dont le fournisseur est situé quant à lui dans un autre Etat membre. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

5. La société requérante a revendu, en appliquant le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, 55 véhicules d'occasion au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et 44 véhicules au cours de la période du 1er janvier 2012 au 30 avril 2014, acquis indirectement, via des sociétés françaises intermédiaires, auprès de sociétés allemandes ou belges exerçant une activité de concessionnaire " Audi " ou " Volkswagen ", de loueur ou de garage automobile.

6. Il résulte de l'instruction que, pour un véhicule revendu en 2011, référencé sous le numéro de livre de police LP5228, la société requérante n'a pas présenté la facture de son fournisseur mentionnant l'application du régime de la marge à cette vente, ni fait valoir aucun autre élément justifiant l'application de ce régime. Par suite, l'administration était fondée à remettre en cause l'application du régime d'imposition à la marge appliqué à ce véhicule.

7. Il résulte de l'instruction que, pour les 54 autres véhicules revendus en 2011 et les 44 véhicules revendus au cours de la période du 1er janvier 2012 au 30 avril 2014, la société requérante a présenté des factures émanant de ses fournisseurs français mentionnant l'application du régime de la taxe sur la marge. D'une part, l'administration fait valoir que ces véhicules ont été achetés auprès de professionnels allemands ou belges qui, en leur qualité de concessionnaires, de loueurs ou de garagistes, étaient autorisés à facturer la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente des véhicules qu'ils cédaient en vertu de règles objectives applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, même si l'administration ne rapporte pas la preuve que chaque véhicule revendu par la société requérante avait été affecté par son propriétaire allemand ou belge à une opération ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, elle établit le caractère inexact des mentions portées sur les factures émises par les fournisseurs de la société requérante. D'autre part, se fondant sur les éléments recueillis dans la cadre de la vérification de comptabilité et de l'exercice du droit de communication auprès de la préfecture de l'Hérault, l'administration fait encore valoir que la société requérante connaissait l'origine exacte des véhicules ainsi achetés dès lors, d'une part, qu'elle était en possession des cartes grises ou des certificats d'immatriculation dont les mentions révélaient l'origine des véhicules achetés par ses fournisseurs et l'identité de leurs propriétaires et, d'autre part, que la société requérante recherchait des véhicules à vendre après avoir été sollicitée par ses clients, en consultant les sites d'annonces professionnelles, qu'elle contactait elle-même les propriétaires des véhicules en Allemagne ou en Belgique et, qu'une fois son choix arrêté, elle effectuait des virements à ses fournisseurs français afin qu'ils acquièrent ces véhicules. L'administration a également relevé que les véhicules étaient directement acheminés, parfois par le gérant de la société requérante lui-même, depuis l'Allemagne ou la Belgique vers la société requérante, sans être livrés à ses fournisseurs. Ainsi, l'administration démontre que la société requérante savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients. Il en résulte que l'administration était fondée à remettre en cause l'application du régime d'imposition à la marge appliqué à ces véhicules.

8. En second lieu, aux termes du I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne qui acquiert un moyen de transport mentionné au 1 du III de l'article 298 sexies du code général des impôts, en provenance d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, est tenue de demander auprès de l'administration fiscale dont elle relève le certificat fiscal prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts. / Le certificat doit être obligatoirement présenté pour obtenir l'immatriculation ou la francisation d'un moyen de transport mentionné au premier alinéa et provenant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ". Il résulte de ces dispositions que le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat fiscal est délivré par l'administration, sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi d'ailleurs qu'en témoignent les mentions figurant sur ce certificat. La délivrance de ce document ne peut être regardée, en l'absence de toute mention expresse en ce sens, comme ayant le caractère d'une prise de position formelle de l'administration sur le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la transaction. Par suite, la société requérante ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation de sa situation de fait au regard de la loi fiscale résultant de la seule apposition de ce visa.

9. Il résulte de ce tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre, que la société Garage des églantiers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Garage des églantiers, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Société Garage des églantiers est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Garage des églantiers et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

La rapporteure,

V. A...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL01680 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01680
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-04 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SCP ALCADE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-01-26;21tl01680 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award