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14/03/2023 | FRANCE | N°21TL20944

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 14 mars 2023, 21TL20944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier de Lavaur pendant plus de deux mois sur sa demande indemnitaire préalable du 3 novembre 2017 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Lavaur à lui verser les sommes de 196 384 euros brut au titre de temps de travail additionnel de jour, 79 119,18 euros brut au titre de temps de travail additionnel de nuit, jours fériés, week-end effectu

és de 2004 à 2016 ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Lavaur à lui verser l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier de Lavaur pendant plus de deux mois sur sa demande indemnitaire préalable du 3 novembre 2017 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Lavaur à lui verser les sommes de 196 384 euros brut au titre de temps de travail additionnel de jour, 79 119,18 euros brut au titre de temps de travail additionnel de nuit, jours fériés, week-end effectués de 2004 à 2016 ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Lavaur à lui verser la somme de 66 000 euros brut au titre des jours excédentaires de son compte épargne temps ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Lavaur à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800952 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier de Lavaur à indemniser le temps de travail additionnel de jour et de nuit, week-end et jours fériés accompli par M. A... de 2004 à 2016 pour un montant de 275 503,18 euros, a mis à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021 sous le n° 21BX00944 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL20944, et des mémoires enregistrés les 17 octobre et 19 décembre 2022, le centre hospitalier de Lavaur, représenté par Me Hirtzlin-Pinçon, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 24 décembre 2020 en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation du temps de travail additionnel de M. A... et à celle présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes de M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse et, à titre subsidiaire, de ramener ses demandes à une plus juste mesure ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Il soutient que :

- il y a lieu de confirmer le jugement s'agissant de la demande relative au compte épargne temps ;

S'agissant de la critique du jugement :

- le jugement est erroné s'agissant de la demande relative au temps de travail additionnel en ce que M. A... n'a pas déposé de demande préalable au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, sauf en novembre 2017 ; le tribunal a inversé la charge de la preuve en estimant qu'il n'était pas établi que le requérant n'ait pas sollicité l'indemnisation de ses plages additionnelles ou en aurait refusé le paiement ;

- les tableaux produits par M. A... devant le tribunal ne permettent pas d'établir une créance et les modalités de calcul sont contestées ; le jugement ne se fonde sur aucun fait démontré et est ainsi irrégulier ;

- à défaut de contrat spécifique conclu en application de l'article 4 de l'arrêté du 30 avril 2003, M. A... a effectué des astreintes et non des temps de travail additionnels ;

S'agissant des autres moyens :

- la demande relative au temps de travail additionnel est prescrite ; seules les sommes réclamées dans les quarante-huit mois précédant la réclamation préalable peuvent être prises en compte ; l'établissement n'a pas entendu renoncer à la prescription ;

- l'intéressé gérait lui-même son temps de travail et n'était pas obligé de faire de telles plages additionnelles, d'autres praticiens pouvant le remplacer ; il a ainsi plus que doublé ses journées de travail sans nécessité de service, ni médicale et allègue de sa propre faute pour obtenir un avantage pécuniaire ; il a constamment refusé le paiement de son temps de travail additionnel malgré l'insistance de son employeur ;

- s'il devait être retenu des périodes, celles-ci devraient être considérées comme des astreintes et comptabilisées comme telles, sous réserve de la production par l'intéressé des documents prouvant l'effectivité des dépassements horaires ;

- la demande relative au compte épargne temps sera rejetée pour les années antérieures à 2008, sauf pour M. A... de démontrer avoir déposé une demande dans le temps imparti par le décret de 2008 ; il n'a pas effectué la démarche prévue par le code de la santé publique pour solliciter l'indemnisation de jours de son compte épargne temps.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse la requête du centre hospitalier de Lavaur.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juin 2022, 10 novembre 2022 et 9 janvier 2023, le dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Duverneuil, conclut au rejet de la requête, demande de confirmer le jugement du 24 décembre 2020 en ce qu'il a condamné le centre hospitalier de Lavaur à lui verser une indemnité d'un montant total de 275 503,18 euros, de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas annulé la décision implicite de refus de l'indemniser de ses jours de travail additionnel de janvier à mars 2017 et, par la voie de l'appel incident, de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme complémentaire de 7 808,98 euros brut, et de mettre à la charge du centre hospitalier de Lavaur le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le contentieux est lié dès lors qu'il a bien présenté une réclamation préalable ; le centre hospitalier, qui a lié le contentieux devant le tribunal, ne démontre pas que cette réclamation n'aurait pas été présentée dans les délais opposables de la prescription quadriennale ; le directeur général de l'établissement a renoncé à la prescription les 30 et 31 août 2016 en remettant en cause l'option envisagée par le directeur des ressources humaines concernant les années 2003 à 2006 : il s'agit d'une décision créatrice de droit ne permettant plus à l'appelant de soulever la prescription dans le cadre de ce contentieux ;

- le calcul de sa créance au titre du travail additionnel est déterminé à partir du dernier tableau validé le 9 février 2017 dans sa version V 15*2 du 9 février 2017 dûment signée par le directeur par intérim, qui annule et remplace toutes les versions précédentes ; la direction du centre hospitalier de Lavaur a bien validé son temps de travail additionnel, lequel a été contrôlé et calculé dans des tableaux régulièrement mis à jour ;

- il n'a pas refusé d'être indemnisé, mais a à chaque fois réservé ses droits sans y renoncer ;

- il demande de confirmer qu'il se réserve de solliciter le bénéfice de l'indemnisation de son compte épargne temps ultérieurement en application de l'article R 6152-807-3 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 22 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2023.

Les parties ont été informées le 2 février 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à réserver les droits de M. A... concernant le bénéfice de l'indemnisation de son compte épargne temps en application de l'article R. 6152-807-3 du code de la santé publique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 2012-1481 du 27 décembre 2012 ;

- l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;

- l'arrêté du 27 décembre 2012 pris en application du décret n° 2012-1481 du 27 décembre 2012 modifiant certaines dispositions relatives au compte épargne-temps et aux congés annuels des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques des établissements publics de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Duverneuil, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., praticien hospitalier dans la spécialité anesthésiologie-réanimation chirurgicale, a exercé ses fonctions au centre hospitalier de Lavaur jusqu'au 29 mars 2017, date à laquelle il a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire. Par un courrier du 31 octobre 2017, il a demandé au centre hospitalier de lui verser les sommes de 196 384 euros bruts au titre des plages additionnelles de jour et 79 119,18 euros bruts correspondant aux plages additionnelles de nuit, jours fériés et week-end, correspondant au temps de travail additionnel accompli au cours de la période allant de 2004 à 2016, ainsi que la somme de 66 000 euros bruts au titre d'indemnisation de deux-cent-vingt jours excédentaires figurant sur son compte épargne temps. En l'absence de réponse à ses demandes, M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier de Lavaur au paiement des sommes précitées. Le centre hospitalier de Lavaur relève appel du jugement du 24 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à indemniser le temps de travail additionnel de jour et de nuit, week-end et jours fériés accompli par M. A... de 2004 à 2016 pour un montant de 275 503,18 euros et rejeté le surplus de ses demandes. M. A... demande, par la voie de l'appel incident, de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme complémentaire de 7 808,98 euros bruts correspondant au temps de travail additionnel qu'il a effectué au titre de la dernière période du 1er janvier au 29 mars 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le centre hospitalier soutient que le jugement ne se fonde sur aucun fait démontré et est ainsi irrégulier, une telle critique se rattache toutefois au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité.

Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal :

3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. /(...) ".

4. Le centre hospitalier expose pour la première fois en appel l'absence de présentation par M. A... d'une demande préalable au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, sauf en novembre 2017. Toutefois, par son courrier recommandé du 31 octobre 2017 reçu par le centre hospitalier le 7 novembre suivant, M. A... sollicitait l'indemnisation d'une part des plages additionnelles effectuées entre 2004 et 2016, ainsi que jusqu'en février 2017, d'autre part de deux-cent-vingt jours excédentaires sur son compte épargne-temps. La fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier ne peut dès lors qu'être écartée comme manquant en fait.

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier de Lavaur :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. " Aux termes de l'article 6 de la même loi : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi. / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier. / La même décision peut être prise en faveur des créanciers des départements, des communes et des établissements publics (...) "

6. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 précité de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date l'étendue de cette créance puisse être mesurée.

7. Il résulte de l'instruction que M. A... a demandé au directeur du centre hospitalier l'établissement de tableaux ou d'attestations récapitulant son activité à compter de l'année 2003 et notamment de ses plages additionnelles dès le 28 avril 2008. Toutefois, il a indiqué à plusieurs reprises que l'option de l'indemnisation n'avait pas sa faveur, et doit dès lors être regardé comme ayant ainsi entendu renoncer à solliciter le règlement de sa créance. Ainsi, dans un courrier du 27 octobre 2010 faisant le constat d'un reliquat de 263,5 jours concernant la période allant de 2003 à 2006, il a indiqué au directeur des ressources humaines que " actuellement je ne suis pas en mesure de prendre une décision concernant le devenir de cet excédent d'activité ". Dans un courriel du 4 octobre 2015, M. A... indiquait que s'il souhaitait la poursuite de l'indemnisation des plages additionnelles de nuit, jours fériés et week-end les plus anciennes, il confirmait toutefois qu'il ne donnait toujours pas la priorité à l'indemnisation des plages additionnelles de jour, ajoutant que la récupération de celles-ci pourrait avoir sa faveur dans l'avenir. S'il résulte de courriers du 22 novembre 2007 et du 13 mai 2008 émanant du directeur des ressources humaines que M. A... a sollicité le règlement de son activité excédentaire au titre de 2007 sous forme de plages additionnelles, et que ce règlement a été effectué en décembre 2007 et février 2008, cette demande n'a cependant pu avoir pour effet d'interrompre le délai de prescription concernant sa créance due au titre d'autres années, alors qu'ainsi qu'il a été exposé il a ensuite clairement indiqué ne pas souhaiter le règlement de sa créance. Il en va de même du règlement perçu en juillet 2009 au titre de son activité supplémentaire effectuée au cours du premier semestre 2009, ainsi qu'il en est attesté par le courriel qui lui a été adressé le 29 juillet 2009, et de la demande effectuée le 5 janvier 2015 concernant le règlement des plages additionnelles dues au titre de l'année 2003, alors au surplus que le litige ne porte que sur les années 2004 à 2016. Il résulte ensuite de l'instruction que M. A... a sollicité " l'indemnisation de la partie obligatoirement indemnisable " des années 2014, 2015 et 2016, par courrier électronique du 15 février 2017. Ainsi, selon le courrier du 18 mai 2017 du directeur du centre hospitalier, M. A... a également souhaité, après réflexion, liquider la totalité des jours de 2004, 2005, 2006 et 2012, le directeur lui demandant toutefois de présenter une demande écrite. Il ne résulte cependant pas de l'instruction qu'une demande ait été présentée antérieurement à sa réclamation préalable adressée par le biais de son conseil par courrier du 7 novembre 2017. Si selon l'intimé, le centre hospitalier aurait entendu renoncer à la prescription au regard du courrier du directeur de l'établissement adressé à son directeur adjoint le 30 août 2016, ainsi que du courrier qu'il lui a ensuite adressé le 31 août 2016, il n'y est cependant fait état d'aucune circonstance particulière qui aurait conduit l'autorité administrative à renoncer à opposer la prescription en application des dispositions prévues à l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968 citées au point 5. En effet, s'il résulte de l'instruction que l'organisation du service d'anesthésie a fait obstacle à ce que l'intimé puisse opter pour la récupération de l'intégralité du temps de travail additionnel qu'il a effectué, il en a expressément refusé l'indemnisation à plusieurs reprises. Dans ces conditions, la créance de M. A..., en tant qu'elle concerne l'indemnisation du temps de travail additionnel de nuit, jours fériés, week-end effectués de 2004 à 2016, est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2011, compte-tenu de sa demande effectuée le 4 octobre 2015. En revanche, du fait de son refus réitéré en dernier lieu à cette même date quant au règlement de sa créance relative à l'indemnisation du temps de travail additionnel de jour, celle-ci est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2013, eu égard à sa demande préalable du 7 novembre 2017.

8. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Lavaur est seulement fondé à soutenir que la créance de M. A... est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2011 en ce qui concerne le temps de travail additionnel de nuit, jours fériés, week-end effectué, et pour celle antérieure au 1er janvier 2013 en ce qui concerne le temps de travail additionnel de jour.

Sur l'indemnisation :

9. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité de soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le temps de travail additionnel : Les praticiens hospitaliers, les praticiens des hôpitaux à temps partiel, les assistants, les assistants associés, les praticiens attachés, les praticiens attachés associés, les praticiens contractuels et les praticiens adjoints contractuels peuvent, sur la base du volontariat et sans qu'ils puissent subir aucun préjudice du fait d'un refus, réaliser des périodes de temps de travail additionnel au-delà de leurs obligations de service dans les conditions fixées par leurs statuts respectifs. Des registres de temps travaillé sont établis et comportent les informations suivantes : - contrats de temps de travail additionnel signés ; - spécialité concernée ; - périodes et heures de temps de travail additionnel effectuées par chacun des praticiens concernés. Ces registres sont mis à la disposition du directeur afin de lui permettre de contrôler le recours à la contractualisation pour tout dépassement à la durée maximale du travail de quarante-huit heures et de restreindre ou interdire ce dépassement lorsque la santé et la sécurité des praticiens sont affectées. (...). Par ailleurs, lorsque, dans le cadre de la réalisation de ses obligations de service, le praticien a été conduit à dépasser le seuil maximal de quarante-huit heures hebdomadaires en moyenne lissée sur le quadrimestre, le temps de travail effectué au-delà est décompté en heures de temps de travail additionnel qui, cumulées par plages de cinq heures, sont converties en une demi-période de temps de travail additionnel. Que le recours au temps additionnel soit prévisible ou ponctuel, l'engagement du praticien donne lieu à la signature d'un contrat de temps de travail additionnel par le praticien, le responsable de la structure, le chef de pôle et le directeur de l'établissement. Ce contrat peut être dénoncé, sous réserve d'un préavis d'un mois, par l'une des parties. Les périodes de temps de travail additionnel figurent au tableau de service prévisionnel pour le praticien concerné conformément au contrat qu'il a signé. Le décompte du temps de travail additionnel n'intervient qu'à l'issue de chaque période de référence de quatre mois, après que la réalisation de la totalité des obligations de service hebdomadaires effectuées, en moyenne, sur cette même période a été constatée au vu du tableau de service. Une période de temps de travail additionnel peut être, au choix du praticien, rémunérée, récupérée ou versée au compte épargne-temps. Dans ces deux derniers cas, elle est comptée pour deux demi-journée ".

10. L'article 4 de l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité de soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes met à la charge des structures hospitalières l'obligation de tenir un registre de temps de travail accompli afin que leur directeur puisse contrôler le dépassement à la durée maximale de travail, restreindre ou interdire ce dépassement lorsque la santé et la sécurité des praticiens sont affectées. Il résulte de l'instruction que M. A... a dû accomplir, durant la période non prescrite, des plages de travail additionnel mentionnées dans les différents tableaux récapitulatifs établis année après année en raison d'un manque structurel de médecins anesthésistes au centre hospitalier de Lavaur. Cette situation a été exposée dans plusieurs échanges de courriers entre la direction de l'hôpital, l'agence régionale de santé et le praticien. Par la suite, les tableaux récapitulatifs de temps de travail de M. A... ont été validés par les directeurs généraux du centre hospitalier de Lavaur qui, par là même, avaient connaissance du temps de travail additionnel accompli par leur praticien. Ainsi, la circonstance qu'il n'ait pas été conclu de contrat spécifique en application des dispositions énoncées au point 9, ne saurait permettre de considérer que M. A... a effectué des astreintes et non des temps de travail additionnels. En outre, si l'intimé exerçait au centre hospitalier de Lavaur en tant que chef de service, il ne pouvait pas imposer son temps de travail à la direction de l'hôpital qui avait l'obligation de contrôler et au besoin de restreindre celui-ci. En conséquence, M. A... est fondé à demander l'indemnisation du temps de travail additionnel qu'il a effectué durant la période non prescrite, dont la réalité n'est pas sérieusement contestée.

11. Il résulte de l'instruction, notamment du tableau récapitulatif du temps de travail de M. A... établi par le centre hospitalier le 9 février 2017, que celui-ci a effectué un total de 392 plages additionnelles de jour au titre des années 2013 à 2016. Le montant de l'indemnisation qui lui est due s'élève ainsi à la somme de 126 616 euros bruts. Compte-tenu des plages additionnelles de nuit, jours fériés et week-end dont M. A... a été indemnisé au cours des années 2016 et 2017, ainsi qu'il est mentionné dans le tableau récapitulatif précité, il y a lieu de lui allouer la somme de 79 119,18 euros qu'il demande, au titre du solde qui lui est dû à ce titre pour la période non prescrite.

12. Il résulte de ce qui précède que la somme que le centre hospitalier de Lavaur a été condamné à verser à M. A... doit être limitée à 205 735,18 euros bruts.

Sur l'appel incident :

13. En premier lieu, M. A... justifie avoir effectué soixante-quatre jours de travail en janvier et février 2017, dont 14,67 plages additionnelles de jour ainsi que 14,67 plages additionnelles de nuit, jours fériés et week-end, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles auraient été indemnisées ou récupérées avant qu'il ne soit placé en arrêt de travail à compter du 27 février 2017. Il y a lieu de lui allouer la somme de 7 808,98 euros bruts qu'il demande à ce titre.

14. En second lieu, M. A... demande à la cour de confirmer qu'il se réserve le droit de solliciter le bénéfice de l'indemnisation de son compte épargne temps ultérieurement en application de l'article R 6152-807-3 du code de la santé publique. Toutefois, il n'appartient pas à la cour de faire droit à de telles conclusions qui doivent donc être rejetées comme irrecevables.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Lavaur est seulement fondé à demander que la somme qu'il a été condamné de verser à M. A... soit ramenée à 213 544,16 euros bruts.

Sur les frais de l'instance :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier de Lavaur présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En l'absence de dépens, les conclusions présentées sur le fondement de l'article R.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

17. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A... dirigées contre le centre hospitalier de Lavaur qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Lavaur a été condamné à verser à M. A... est ramenée à 213 544,16 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1800952 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Lavaur et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 21 février 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21TL20944 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL20944
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-11-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Dispositions propres aux personnels hospitaliers. - Personnel médical. - Praticiens à temps plein.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CABINET VACARIE et DUVERNEUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-14;21tl20944 ?
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