La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2023 | FRANCE | N°21TL01556

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 16 mars 2023, 21TL01556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hexis a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution d'un excédent de crédit d'impôt recherche d'un montant de 81 574 euros dont elle s'estimait titulaire au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1902037 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'une restitution de crédit d'impôt prononcée en cours d'instance, et rejeté le surplus de la demande de la société Hexis.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 avril 2021 et le 16 no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hexis a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution d'un excédent de crédit d'impôt recherche d'un montant de 81 574 euros dont elle s'estimait titulaire au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1902037 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'une restitution de crédit d'impôt prononcée en cours d'instance, et rejeté le surplus de la demande de la société Hexis.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 avril 2021 et le 16 novembre 2021 sous le n° 21MA01556 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 21TL01556 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, un mémoire enregistré le 15 décembre 2022 et un mémoire récapitulatif présenté en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 22 décembre 2022, la société Hexis, représentée par Me Divisia, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution du surplus de l'excédent de crédit d'impôt recherche d'un montant de 51 238 euros dont elle s'estime titulaire au titre de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dotations aux amortissements afférentes aux matériels de son laboratoire de recherche doivent être admises dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dès lors que ces matériels sont directement affectés aux opérations de recherche ;

- les immobilisations sur lesquelles ont été constituées ces dotations ont été comptablement affectées au laboratoire de recherche ;

- les dotations aux amortissements afférents aux matériels industriels doivent être admises dans la base de calcul du crédit d'impôt à hauteur de 4,69 % dès lors que ces matériels ont été utilisés pour les besoins des opérations de recherche ;

- elle est fondée à se prévaloir des énonciations des paragraphes 40 et 50 des commentaires administratifs publiés le 4 avril 2014 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-20-10, qui permettent la prise en compte des dotations correspondant aux essais sur le matériel industriel ;

- les dépenses de personnels doivent être admises dans la base de calcul du crédit d'impôt dès lors que les personnels concernés ont assuré un soutien technique indispensable aux travaux de recherche ;

- en particulier, les dépenses de personnel afférentes à son président-directeur général doivent être admises dès lors que, compte tenu de ses fonctions, il est à l'origine des projets de recherche et dispose d'une expérience scientifique incontestable.

Par des mémoires enregistrés le 17 septembre 2021, le 17 janvier 2022 et le 11 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Hexis.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J...,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Babin, représentant la société Hexis.

Une note en délibéré, présentée pour la société Hexis, a été enregistrée le 24 février 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hexis, qui exerce une activité de conception et de production de films plastiques, a déclaré au titre de l'année 2014 des dépenses de recherche d'un montant de 1 281 059 euros et, en conséquence, un crédit d'impôt recherche d'un montant de 384 318 euros. Elle a imputé ce crédit d'impôt à hauteur de 302 744 euros sur sa cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2016. Par une réclamation du 12 avril 2018, elle a vainement demandé la restitution de l'excédent de ce crédit d'impôt, soit 81 574 euros. Par un jugement du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la restitution d'un montant de 30 336 euros prononcée par l'administration en cours d'instance et rejeté le surplus de sa demande. La société Hexis relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande de restitution.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes. (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) ". Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

En ce qui concerne les dotations aux amortissements :

3. Il résulte de l'instruction que la restitution du crédit d'impôt recherche prononcée en cours d'instance devant le tribunal administratif de Montpellier correspond, pour partie, à l'acceptation de dotations aux amortissements dans la base de calcul de ce crédit d'impôt. Le ministre fait valoir sans être contredit que, compte tenu de cette restitution, le montant des dotations aux amortissements dont la prise en compte dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche est en litige devant la cour de céans s'établit à 25 553 euros. Il indique, par ailleurs, toujours sans être contredit qu'à hauteur de 23 421 euros, ces dotations aux amortissements sont afférentes à des matériels industriels affectés à la production.

S'agissant des dotations aux amortissements afférentes aux matériels du laboratoire de recherche :

4. La société requérante soutient que les dotations aux amortissements afférentes aux immobilisations affectées à son laboratoire de recherche, telles que des aménagements extérieurs et des mobiliers de rangement, doivent être admises dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dès lors que ces matériels sont directement affectés aux opérations de recherche. Toutefois, faute de préciser les matériels ayant donné lieu aux dotations aux amortissements en litige d'un montant de 2 132 euros, la société ne met pas la cour à même d'apprécier la portée de son moyen. Par suite, le moyen doit être écarté.

S'agissant des dotations aux amortissements afférents aux matériels industriels :

Quant à l'application de la loi fiscale :

5. Il résulte de l'instruction que l'administration a refusé d'admettre la prise en compte, dans la base de calcul du crédit impôt recherche au titre de l'année 2014, d'une somme de 23 421 euros correspondant à un prorata de 4,69 % des dotations aux amortissements afférents à des matériels industriels affectés à l'activité de production de la société requérante. Celle-ci soutient que ce prorata correspond à l'utilisation de ces matériels pour la réalisation d'essais dans le cadre de ses opérations de recherche et n'est pas excessif compte tenu du nombre de ses projets de recherche. Toutefois, en se bornant à produire une liste comportant le montant de dotations aux amortissements afférents à des matériels industriels et le montant résultant de l'application de ce prorata, ainsi que des demandes d'essai, dont on ignore les destinataires et les matériels concernés, elle ne justifie ni que les matériels en cause ont été affectés directement à la réalisation d'opérations de recherche ni, le cas échéant, qu'ils l'ont tous été dans une proportion identique de 4,69 %. Par suite, le moyen doit être écarté.

Quant à l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

7. La décision refusant le remboursement d'un crédit d'impôt ne constitue ni un rehaussement d'imposition ni un redressement. La garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne pouvant donc être invoquée, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des conditions d'éligibilité au crédit d'impôt recherche prévues par les commentaires administratifs publiés le 4 avril 2014 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-20-10.

En ce qui concerne les dépenses de personnel :

8. Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. / Notamment : / Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; / Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; / Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. / Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche ". Il résulte des dispositions précitées du b du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et de celles de l'article 49 septies G de l'annexe III à ce code qu'ouvrent droit au crédit d'impôt recherche les dépenses qu'une entreprise engage à raison de l'emploi des personnels qui ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental, travaillant ainsi en étroite collaboration avec les chercheurs pour leur assurer le soutien technique indispensable à leurs travaux de recherche et de développement expérimental, quels que soient leurs diplômes.

9. Il résulte de l'instruction que l'administration a refusé d'admettre la prise en compte, dans la base de calcul du crédit impôt recherche au titre de l'année 2014, des dépenses de personnel d'un montant de 59 841 euros correspondant à onze salariés, à raison du soutien technique qu'ils auraient ponctuellement apporté aux travaux de recherche réalisés sous l'autorité du directeur du laboratoire de recherche de la société Hexis : M. G..., responsable qualité ; M. K..., cariste ; M. C..., directeur de production ; M. H..., directeur des achats ; M. D..., conducteur de machine ; M. A..., aide conducteur de machine ; M. L..., responsable maintenance travaux ; M. E..., responsable produits industriels ; M. F..., président-directeur général ; M. B..., ingénieur process ; M. I..., conducteur.

10. La société requérante soutient que ces personnels ont assuré un soutien technique indispensable à ses opérations de recherche, dont l'éligibilité au crédit impôt recherche a été reconnue par l'administration. Elle ajoute, s'agissant de M. F... qu'il est, en tant que président-directeur général, à l'origine des projets de recherche et qu'il dispose d'une expérience scientifique incontestable. Au soutien de ses prétentions, elle produit, pour la première fois devant la cour, une attestation du directeur de son laboratoire de recherche en date du 9 décembre 2022 indiquant de manière synthétique, pour chacun des onze salariés susmentionnés, les projets de recherche dans le cadre desquels ils sont intervenus, la tâche réalisée et le nombre de jours consacrés aux travaux de recherche. Toutefois, cette attestation ne précise pas les dates de ces interventions ni n'indique, pour chacune de ces interventions, le projet de recherche qui était concerné. Elle produit également les fiches de temps des onze salariés, indiquant le nombre de jours consacrés aux travaux de recherche, ventilés par opération de recherche et par mois, sans préciser cependant les dates et la durée exacte de la participation des intéressés. Elle produit enfin les fiches de poste de MM. D..., B... et I... qui, si elles prévoient une participation à la réalisation des essais de recherche et développement sur machines d'enduction, ne justifient pas de la participation effective de ces trois salariés à des opérations de recherche au cours de l'année 2014. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que ces onze salariés auraient participé aux opérations de recherche menées dans son laboratoire de recherche en 2014 en étroite collaboration avec les chercheurs. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hexis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la somme Hexis au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Hexis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hexis et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 23 février 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

La rapporteure,

V. J...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL01556 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01556
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SCP ALCADE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-16;21tl01556 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award