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30/03/2023 | FRANCE | N°21TL01694

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 30 mars 2023, 21TL01694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Chantier Catana a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge ou la réduction de la retenue à la source et du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, et de lui accorder le sursis de paiement.

Par un jugement n° 1902579 du 29 mars 2021 le tribunal administratif de Montpellier a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les

conclusions tendant à l'octroi du sursis de paiement et rejeté le surplus des con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Chantier Catana a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge ou la réduction de la retenue à la source et du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, et de lui accorder le sursis de paiement.

Par un jugement n° 1902579 du 29 mars 2021 le tribunal administratif de Montpellier a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'octroi du sursis de paiement et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et trois mémoires enregistrés le 5 mai 2021, le 3 octobre 2021, le 4 novembre 2021 et le 18 novembre 2021 sous le n° 21MA01694 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL01694 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Chantier Catana, représentée par Me Bernie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de la retenue à la source et du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, et des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge partielle, à hauteur de 135 000 euros, de la retenue à la source ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour opérer le rehaussement de ses résultats dont procèdent les impositions en litige, l'administration a, à l'issue d'un examen critique, tiré les conséquences de pièces obtenues à l'occasion de la vérification de comptabilité portant sur un autre exercice, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification est entachée d'un défaut de motivation en droit s'agissant de la majoration de l'assiette de la retenue à la source ;

- la commission facturée par la société AN Consulting et Management Ltd rémunère une prestation d'intermédiation réelle.

Par des mémoires enregistrés le 10 septembre 2021, le 26 octobre 2021 et le 16 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par ordonnance du 6 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 12 février 2010 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts ;

- l'arrêté du 21 août 2013 modifiant l'arrêté du 12 février 2010 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Chantier Catana, qui exerce une activité de construction et de commercialisation de bateaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'exercice clos en 2014, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déduction d'une commission facturée par une société établie aux Iles Marshall, comme ayant été versée à une personne établie à l'étranger soumise à un régime fiscal privilégié. L'administration a, par ailleurs, regardé cette somme comme constitutive de revenus distribués sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts dès lors que la société requérante a indiqué que la prestation avait été en réalité effectuée par un tiers. L'administration a mis à la charge de la société requérante la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts sur les revenus distribués, assortie de la majoration de 10 % pour défaut de déclaration, laquelle majoration a été dégrevée à l'issue de l'admission partielle de la réclamation préalable. Il est également résulté de ce même rehaussement un supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. La société Chantier Catana relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 mars 2021, en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de décharge ou de réduction de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, notamment de l'avis de vérification de comptabilité du 28 juillet 2015, que la vérification dont la société requérante a fait l'objet portait sur l'ensemble de ses déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées sur la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2014, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 30 juin 2015. La rectification qui fonde les impositions en litige procède de la remise en cause de la déduction d'une facture du 2 décembre 2013 pour la détermination des résultats de l'exercice ouvert le 1er septembre 2013 et clos le 31 août 2014. Il est constant que cette rectification a été opérée au titre d'un exercice visé par l'avis de vérification. Est sans incidence à cet égard la circonstance que la facture du 2 décembre 2013 correspondrait à la rémunération d'une prestation d'intermédiation ayant permis la vente d'un bateau, laquelle a été facturée le 9 septembre 2014 au cours de l'exercice suivant. Il en va de même de la circonstance qu'aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée n'aurait été notifié au titre de la période du 1er septembre 2014 au 30 juin 2015. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, pour établir la rectification en litige, l'administration aurait, à l'issue d'un examen critique, tiré les conséquences de pièces obtenues à l'occasion de la vérification de comptabilité portant sur un autre exercice.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " et aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 8 avril 2016 indique les impositions concernées, les années d'imposition et les bases d'imposition. En particulier, pour motiver l'application de la retenue à la source au titre de l'exercice clos en 2014 sur les revenus réputés distribués correspondant à la facture susmentionnée du 2 décembre 2013, le vérificateur a mentionné les dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts pour ce qui concerne le fondement de la retenue à la source, celle de l'article 187 du même code pour ce qui concerne son taux, et a rappelé la règle selon laquelle l'assiette de la retenue comprend les sommes effectivement versées au bénéficiaire majorées de l'avantage procuré par la non-perception de la retenue. La proposition de rectification procède ensuite à l'application de ces règles au revenu soumis en l'espèce à la retenue à la source et indique le résultat chiffré de ce calcul, dont l'exactitude n'est pas contestée. Si la proposition de rectification mentionne en sus et certes par erreur, l'article 1768 du code général des impôts qui prévoyait, avant son abrogation par l'ordonnance du 7 décembre 2005, l'application d'une amende lorsque le débiteur français d'une retenue à la source ne l'avait pas effectuée spontanément, cette circonstance n'a pas été de nature à induire en erreur la société requérante sur les règles de calcul de l'assiette de la retenue à la source. Au demeurant, ces règles étaient identiques à celles applicables au calcul de l'assiette de l'amende auparavant prévue par l'article 1768 du code général des impôts. La société requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que la proposition de rectification est insuffisamment motivée.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

6. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Aux termes du 2 de l'article 119 bis du même code : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 1586 ter du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies (...) ". L'article 1586 sexies du même code prévoit que la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à la différence entre un chiffre d'affaires, au sens de ces dispositions, et des charges dont il fixe la liste limitative.

7. D'autre part, aux termes de l'article 238 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les rémunérations de services, payé[e]s ou du[e]s par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. / Toutefois, (...) les rémunérations de services, payé[e]s ou du[e]s par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A, ne sont pas admis[es] comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, sauf si le débiteur apporte la preuve mentionnée au premier alinéa et démontre que les opérations auxquelles correspondent les dépenses ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces dépenses dans un Etat ou territoire non coopératif ".

8. Il résulte de l'instruction que la société Chantier Catana a déduit au titre de l'exercice clos en 2014 une facture d'un montant de 60 000 euros émise le 2 décembre 2013 par la société AN Consulting et Management Ltd, établie dans les Iles Marshall. L'administration a remis en cause la déduction de cette charge sur le fondement des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts, aux motifs que les Iles Marshall figuraient en 2013 et 2014 sur la liste des Etats ou territoires non coopératifs, et que la société Chantier Catana n'avait pas rapporté la preuve, d'une part, que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et, d'autre part, qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

9. La société requérante soutient, d'une part, que la facture du 2 décembre 2013 correspond à la rémunération d'une prestation d'intermédiation réalisée par M. B... A... pour la vente d'un bateau Catana 59 à un client de nationalité russe, le 9 septembre 2014 pour un montant de 2 143 902 euros. Elle fait valoir que c'est à la demande de M. A... que la prestation d'intermédiation a été facturée par la société Consulting et Management Ltd et qu'elle a réglé la somme de 60 000 euros par un virement sur le compte bancaire que cette société détient auprès de la banque de Sainte-Lucie, à Sainte-Lucie. Elle ajoute que l'administration a abandonné des rectifications similaires à propos de prestations d'intermédiation également réalisées par M. A.... Enfin, elle fait valoir que les autorités suisses ont indiqué, dans le cadre de l'assistance administrative, que M. A... est l'un des ayants droit économiques du compte bancaire de la société AN Consulting et Management Ltd ouvert auprès du Crédit Suisse. Toutefois, ce faisant, la société requérante ne fournit aucun élément justifiant la réalité de l'intervention de M. A... ou de la société AN Consulting et Management Ltd dans la vente d'un bateau. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de cette charge pour la détermination des résultats imposables de la société Chantier Catana au titre de l'exercice clos en 2014.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Chantier Catana n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Chantier Catana, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Chantier Catana est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Chantier Catana et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

La rapporteure,

V. C...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21TL01694 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01694
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Notion.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : BERNIE-MONTAGNIER, AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-30;21tl01694 ?
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