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13/04/2023 | FRANCE | N°21TL03663

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 13 avril 2023, 21TL03663


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) du Château de Félines et la société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Château de Félines ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 30 janvier 2020 portant suppression définitive du passage à niveau de 4ème catégorie n° 247 bis situé au point kilométrique 343,027 de la ligne ferroviaire de Bordeaux à Sète sur le territoire de la commune de Pennautier.

Par un jugement n° 2002023 du 1er juillet

2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) du Château de Félines et la société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Château de Félines ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 30 janvier 2020 portant suppression définitive du passage à niveau de 4ème catégorie n° 247 bis situé au point kilométrique 343,027 de la ligne ferroviaire de Bordeaux à Sète sur le territoire de la commune de Pennautier.

Par un jugement n° 2002023 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2021 sous le n° 21MA03663 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 21TL03663 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le groupement foncier agricole du Château de Félines et la société civile d'exploitation agricole du Château de Félines, représentés par Me Vaissière, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 30 janvier 2020 portant suppression définitive du passage à niveau de 4ème catégorie n° 247 bis situé au point kilométrique 343,027 de la ligne ferroviaire de Bordeaux à Sète sur le territoire de la commune de Pennautier ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le défaut d'entretien du passage à niveau, qui en justifie la suppression, n'est pas démontré ;

- l'arrêté du préfet de l'Aude est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- cet arrêté procède d'un détournement de procédure dès lors que la suppression du passage à niveau est fondée sur une politique nationale de suppression systématique des passages à niveau ;

- les quatre parcelles appartenant au groupement foncier agricole, cadastrées section BW n° 52, section CH n° 18 et section IR n° 1 et 30 sont désormais enclavées, en méconnaissance du droit de propriété.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 15 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code civil ;

- l'arrêté du 18 mars 1991 relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement des passages à niveau ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 mars 1993, le préfet de l'Aude a classé en 4ème catégorie le passage à niveau privé n° 247 bis situé au kilomètre 343,027 de la ligne ferroviaire de Bordeaux à Sète, sur le territoire de la commune de Pennautier. Le 11 janvier 1995, une convention relative à ce passage à niveau a été conclue entre l'établissement public industriel et commercial SNCF et M. A..., co-gérant du groupement requérant et de la société requérante, en tant que concessionnaire du passage à niveau. Se prévalant de dysfonctionnements dans la gestion du passage à niveau par ce dernier, la société SNCF Réseau a résilié, le 26 septembre 2017, cette convention et sollicité du préfet de l'Aude la suppression du passage à niveau. Le préfet de l'Aude a fait droit à cette demande par arrêté du 2 janvier 2018. Par un jugement du 20 juin 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté au motif qu'il était intervenu au terme d'une procédure irrégulière en l'absence d'enquête publique. Faisant suite à une demande de la société SNCF Réseau et à l'issue d'une enquête publique, le préfet de l'Aude a, par un arrêté du 30 janvier 2020, supprimé ce passage à niveau. Le groupement requérant et la société requérante, respectivement propriétaire et exploitante des parcelles viticoles situées de part et d'autre de la voie ferrée et reliées entre elles par le passage à niveau n° 247 bis, relèvent appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, selon l'article 23 de l'arrêté susvisé du 18 mars 1991 : " Les passages à niveau de 4e catégorie sont privés et ne sont astreints à aucune surveillance spéciale par un agent habilité par l'exploitant ferroviaire. Ils sont utilisés sous la responsabilité des particuliers ou des personnes morales publiques ou privées, auxquels, à leurs risque et périls, le droit d'utilisation de ces traversées est réservé dans les conditions prévues dans une convention signée avec l'exploitant ferroviaire. / Sur les lignes ouvertes au trafic voyageurs, ainsi que chaque fois que l'importance du trafic ferroviaire le justifie, ils doivent être munis d'une signalisation automatique, ou de barrières ou de portillons. / Dans le cas où ils sont munis de barrières manœuvrées à la main ou de portillons, ces équipements doivent être fermés à clé lorsqu'ils ne sont pas utilisés ".

3. La convention conclue le 11 janvier 1995 entre l'établissement public industriel et commercial SNCF et M. A..., en application des dispositions de l'article 23 de l'arrêté du 18 mars 1991, stipule en son article 2 que : " Le P[assage à] N[iveau] est équipé de barrières roulantes de 4 m et de portillons de 1 m qui sont normalement fermés et cadenassés par le concessionnaire. / Leur manœuvre est effectuée par celui-ci ou par ses préposés et sous sa responsabilité. / L'approche d'une circulation est annoncée dans les deux sens sur chaque voie par des voyants qui passent du vert au rouge. " et, en son article 4, que : " Lorsqu'un voyant ne fonctionne pas normalement ou si aucun train ne se présente au P[assage à] N[iveau] dans un délai de 10 minutes après une annonce. L'utilisation doit être considérée en dérangement. M. A... s'engage à signaler à la gare de Carcassonne tout dérangement éventuel de l'annonce automatique des trains et à veiller, en prenant notamment toutes dispositions utiles, à ce que la traversée ne soit pas utilisée (maintenir les barrières et les portillons fermés cadenassés) jusqu'au rétablissement complet des installations par le chemin de fer. En aucun cas, la S.N.C.F. ne pourra être tenue pour responsable d'un non fonctionnement de ces installations, si le concessionnaire ne respecte pas les dispositions ci-dessus. La S.N.C.F. sera responsable de la remise en état des voyants ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, chaque jour, 80 trains en moyenne circulent sur la ligne de Bordeaux à Sète et que la vitesse des trains peut atteindre 160 kilomètres par heure au droit du passage à niveau n° 247 bis, où une collision survenue le 26 septembre 1996 entre un train de marchandises et un tracteur agricole, a provoqué le décès du conducteur du tracteur, employé de M. A.... Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les stipulations de la convention du 11 janvier 1995 n'imposaient pas seulement au concessionnaire une obligation de signalement des défauts de signalisation au gestionnaire du réseau ferré, mais également une obligation générale de sécurité par le maintien de barrières et de portillons fermés cadenassés, en vertu de l'obligation générale de sécurité du concessionnaire d'un passage à niveau privé qui découle des dispositions de l'article 23 de l'arrêté du 18 mars 1991. Or, il ressort notamment des comptes rendus des visites effectuées par la SNCF les 7 juin 2007, 15 mai 2008 et 11 mai 2016, que des manquements aux obligations de sécurité ont été relevés, notamment le défaut de cadenas sur les barrières ou les portillons destinés au passage des piétons, l'absence de plaque d'identification du passage à niveau ou encore l'absence de pancarte de sécurité. Contrairement à ce qui est soutenu, la réalité et le caractère répété des manquements du concessionnaire du passage à niveau à son obligation de sécurité sont établis. Par conséquent, les conditions prévues dans la convention signée avec la SNCF n'étant pas respectées, ce qui a d'ailleurs conduit à sa résiliation, le préfet de l'Aude a pu, sans commettre le détournement de procédure allégué, ni entacher sa décision d'erreur de fait ou d'appréciation, décider la fermeture définitive du passage à niveau privé n° 247 bis à Pennautier.

5. En second lieu, d'une part, la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Aux termes de son article 17 : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ". En l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.

6. D'autre part, aux termes de l'article 682 du code civil : " Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la suppression du passage à niveau n° 247 bis a pour effet d'enclaver la parcelle cadastrée section BW n° 52 située sur le territoire de la commune de Pennautier et les parcelles cadastrées section CH n° 18 et section IR n° 1 et 30 situées sur le territoire de la commune de Carcassonne appartenant au groupement requérant et exploitées par la société requérante, qui se trouvent de l'autre côté de la voie ferrée, sans accès à une voie publique. Toutefois, il ressort du rapport du commissaire enquêteur que ces parcelles sont accessibles, en traversant la propriété du domaine de Conquet, conformément aux dispositions de l'article 682 du code civil, qui garantit un accès à la voie publique. Par suite, le moyen tiré d'une atteinte au droit de propriété du groupement requérant doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser aux requérants, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du groupement foncier agricole du Château de Félines et de la société civile d'exploitation agricole du Château de Félines est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au groupement foncier agricole du Château de Félines, à la société civile d'exploitation agricole du Château de Félines et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude et à SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

La rapporteure,

V. B...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03663
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

65-01-005-05 Transports. - Transports ferroviaires. - Lignes de chemin de fer.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SELARL CIRERA - VAISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-13;21tl03663 ?
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