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27/06/2023 | FRANCE | N°21TL03412

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 27 juin 2023, 21TL03412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Orange a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement la société EI Montagne et son assureur, la société AXA Corporate Solutions Assurance, à lui verser la somme de 374 325 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice lié au coût des réparations nécessaires pour remédier aux désordres du parc de stationnement du théâtre antique.

Par un jugement n° 1901260 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, par l'article 1er du jugement, r

ejeté les conclusions dirigées contre la société AXA Corporate Solutions Assurance comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Orange a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement la société EI Montagne et son assureur, la société AXA Corporate Solutions Assurance, à lui verser la somme de 374 325 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice lié au coût des réparations nécessaires pour remédier aux désordres du parc de stationnement du théâtre antique.

Par un jugement n° 1901260 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, par l'article 1er du jugement, rejeté les conclusions dirigées contre la société AXA Corporate Solutions Assurance comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et, à l'article 2 du jugement, a condamné la société EI Montagne à verser à la commune d'Orange la somme de 374 325 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019 et de la capitalisation des intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 6 août 2021, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse le 1er mars 2022, et deux mémoires, enregistrés les 4 mai et 1er juin 2022, la société EI Montagne et la compagnie d'assurance XL Insurance Company SE, représentées par Me Job Ricouart, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par la commune d'Orange ;

3°) d'appeler en la cause les sociétés Meridion, Axa France Iard, Pyrénées Études Ingénierie, SMABTP et Apave Sud Europe ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Orange le versement, à chacune d'entre elles, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- en premier lieu, le fait qu'elles n'aient pas produit d'observations en première instance, ne saurait valoir en appel acquiescement aux faits ;

- l'existence d'un désordre au sens des articles 1792 et suivants du code civil n'est pas caractérisée, ainsi que cela résulte des constats opérés lors des opérations d'expertise, puisque les désordres ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage et ne rendaient pas l'immeuble impropre à sa destination, perturbant seulement l'exploitation de l'ouvrage en période hivernale ; à cet égard, la commune d'Orange ne justifie pas de la perte de recettes d'exploitation afférentes à la fermeture du deuxième sous-sol du parc souterrain concerné, dans la mesure où il est sous-exploité et qu'il a été fermé en 2020 et 2021 pendant la crise sanitaire ;

- l'expert n'a pas apporté de réponse quant au fait de savoir si les infiltrations avaient pour cause la défaillance de l'ouvrage existant, un problème dans l'exécution des travaux par la société EI Montagne, un défaut de conception de l'ouvrage ou toute autre cause ; de plus, ces désordres résultent de plusieurs causes dont aucune ne pouvait être imputée avec certitude à la société ; par ailleurs, la jurisprudence exige que l'atteinte à la destination alléguée affecte l'ouvrage dans son ensemble et non l'ouvrage seulement partiellement.

Par un mémoire, enregistré le 18 mars 2022 , et des pièces, enregistrées les 1er avril, 25 mai, 17 juin et 21 octobre 2022, ces deux dernières productions de pièces n'ayant pas été communiquées, la commune d'Orange, représentée par Me Sindres, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société EI Montagne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la société AXA Corporate Solutions Assurance n'a pas intérêt pour agir, faute d'avoir été condamnée en première instance, et que, par ailleurs, les moyens invoqués par la société EI Montagne ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 avril 2023.

Par un courrier du 5 juin 2023, les parties ont été informées sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie présentées par la société EI Montagne et la compagnie d'assurance XL Insurance Company contre les sociétés Meridion, Axa France Iard, Pyrénées Etudes Ingénierie, SMABTP, et la société Apave Sud Europe faute d'avoir été appelées en la cause en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Gomina, représentant les sociétés appelantes, et de Me Chavalarias, représentant la commune intimée ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement signé le 26 mai 2003, la commune d'Orange a attribué à la société EI Montagne un marché relatif à l'étanchéité par cuvelage du parc de stationnement souterrain municipal du théâtre antique, pour un prix de 1 498 565,27 euros toutes taxes comprises. Un marché complémentaire d'un montant de 308 055,63 euros toutes taxes comprises a été conclu entre les parties le 21 avril 2004. Les travaux ont été réceptionnés, d'abord avec réserves, entre juin et décembre 2004, puis, une fois ces réserves levées, par un procès-verbal du 17 décembre 2004. Au printemps 2009, des infiltrations d'eau ont affecté le deuxième sous-sol de l'ouvrage. Par une ordonnance du 7 juillet 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a nommé un expert afin de décrire les désordres affectant le parc de stationnement, d'en rechercher les causes, de déterminer leur impact sur la solidité et l'exploitation de l'ouvrage et de chiffrer le montant des réparations nécessaires pour remédier aux désordres. L'expert a remis son rapport le 24 décembre 2015. La commune d'Orange a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement la société EI Montagne et son assureur, la société AXA Corporate Solutions Assurance, à lui verser la somme de 374 325 euros toutes taxes comprises au titre des coûts de réparation des désordres affectant le deuxième sous-sol. La société EI Montagne et la compagnie d'assurance XL Insurance Company SE relèvent appel du jugement du 18 juin 2021 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a condamné la société EI Montagne à verser à la commune d'Orange la somme de 374 325 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019 et de la capitalisation des intérêts.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions présentées par la société AXA Corporate Solutions Assurance :

Sur les conclusions présentées par la société EI Montagne tendant à ce que soient appelées en la cause les sociétés Meridion, Axa France Iard, Pyrénées Etudes Ingénierie, SMABTP et société Apave Sud Europe :

2. Ainsi que les parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative en ont été informées par le courrier susvisé du 5 juin 2023, faute pour les sociétés Meridion, Axa France Iard, Pyrénées Etudes Ingénierie, SMABTP et Apave Sud Europe d'avoir été appelées en la cause devant le tribunal administratif, les conclusions d'appel en garantie présentées en appel par la société EI Montagne à l'encontre de ces sociétés ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant du principe de l'engagement de la responsabilité :

3. Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Un constructeur peut voir sa responsabilité engagée dès lors qu'il a participé de manière directe et effective à l'acte de construction en cause, sans que l'administration ait à prouver qu'il a commis une faute, le régime de la responsabilité décennale étant un régime de présomption de responsabilité reposant sur la notion d'imputabilité, et non un régime de responsabilité pour faute. Le fait par ailleurs que le dommage pourrait résulter d'autres causes que l'intervention du constructeur ne suffit pas à exonérer celui-ci de sa responsabilité, dès lors qu'il ne peut en être exonéré que s'il est établi que le dommage ne peut résulter en aucune façon des travaux réalisés.

4. À la suite d'inondations, les 8 et 9 septembre 2002, ayant conduit à ce que le parc municipal de stationnement du théâtre antique d'Orange soit totalement immergé, la commune, après réalisation d'une étude hydrogéologique, a, par acte d'engagement signé le 23 avril 2003, confié à la société EI Montagne, l'exécution des travaux de réhabilitation relatifs à l'étanchéité par cuvelage de cet ouvrage, ainsi que précisé au point 1 du présent arrêt. Cependant, au printemps 2009, soit pendant le délai de la garantie décennale, des infiltrations d'eau ont affecté le deuxième sous-sol de l'ouvrage. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, qu'ont été constatés au deuxième sous-sol de l'ouvrage des écoulements d'eau au droit des descentes d'eaux pluviales, un suintement sur les voiles à la périphérie de l'ouvrage, ainsi que des venues d'eau très abondantes, notamment dans le local Sud Est et dans le local ventilateur Nord-Ouest. Ont été également relevées de faibles, mais continues venues d'eau sur la rampe Est, des venues d'eau insignifiantes sur la rampe Ouest et la présence sous cette rampe " d'une flaque quasi-permanente " avec dépôt de calcaire. Si l'expert a considéré que les désordres constatés ne mettaient pas en cause la solidité de l'ouvrage, il a cependant estimé que ces désordres justifiaient la fermeture du deuxième sous-sol. Dans ces conditions et comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, les désordres affectant le deuxième sous-sol du parc de stationnement rendent l'ouvrage impropre à sa destination. En conséquence, ils sont de nature à engager la responsabilité de la société appelante, en sa qualité de titulaire d'un marché d'étanchéification par cuvelage du parc de stationnement concerné, sur le terrain de la garantie décennale.

S'agissant de la réparation des préjudices :

5. La société appelante se borne, en ce qui concerne la réparation des préjudices subis par la commune d'Orange, à faire valoir que cette dernière n'aurait pas subi de pertes d'exploitation. Toutefois, la commune n'a demandé réparation que du coût des travaux de reprise des désordres affectant le deuxième sous-sol, dont le montant de 374 325 euros toutes taxes comprises estimé par l'expert dans son rapport n'est pas contesté. Par conséquent, la circonstance invoquée par l'appelante est sans incidence sur le droit à réparation ouvert à la commune.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société EI Montagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser à la commune d'Orange une somme de 374 325 euros, toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019 et de la capitalisation des intérêts.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Orange, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société EI Montagne demande sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société EI Montagne au bénéfice de la commune d'Orange, la somme de 2 000 euros sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société EI Montagne et de la société AXA Corporate Solutions Assurance est rejetée.

Article 2 : La société EI Montagne versera à la commune d'Orange la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société EI Montagne, à la société AXA Corporate Solutions Assurance et à la commune d'Orange.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21TL03412

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