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29/06/2023 | FRANCE | N°21TL02134

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 29 juin 2023, 21TL02134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Les Laurons a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Caseneuve à lui verser les sommes de 7 911 000 euros et 4 500 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de la faute de la commune pour avoir illégalement refusé de lui délivrer cinq permis de construire pour la réalisation de hangars agricoles équipés de panneaux photovoltaïques en toiture et un permis de construire pour l'édification de quatre hangars.

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n jugement n° 1900820 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Les Laurons a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Caseneuve à lui verser les sommes de 7 911 000 euros et 4 500 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de la faute de la commune pour avoir illégalement refusé de lui délivrer cinq permis de construire pour la réalisation de hangars agricoles équipés de panneaux photovoltaïques en toiture et un permis de construire pour l'édification de quatre hangars.

Par un jugement n° 1900820 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 6 et 21 juin 2021 sous le n° 21MA02134 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 21TL02134 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Les Laurons, représentée par la SELARL JL Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Caseneuve à lui verser la somme de 7 911 000 euros correspondant à la perte de bénéfices résultant de l'impossibilité de revendre à Électricité de France dans des conditions tarifaires avantageuses l'électricité produite par les panneaux photovoltaïques devant être installés en toiture de cinq hangars agricoles pour lesquels les permis de construire ont été illégalement refusés ainsi que la somme de 4 500 euros au titre des frais engagés pour ce projet ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Caseneuve une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le principe du contradictoire a été méconnu devant le tribunal en l'absence de communication de l'ensemble des écritures produites ; ses dernières écritures n'ont pas été prises en compte par la juridiction ;

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la responsabilité de la commune de Caseneuve est engagée du fait de l'illégalité de cinq refus de permis de construire pour la construction de cinq hangars avec panneaux photovoltaïques en toiture et d'un refus de permis de construire quatre hangars agricoles ;

- le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur dans la qualification juridique des faits ;

- elle subit un préjudice financier de 4 500 euros en raison des frais inutilement engagés pour le montage du projet ;

- elle subit un préjudice commercial de perte de bénéfices qui revêt un caractère direct et certain en raison de l'impossibilité de bénéficier du tarif d'obligation d'achat de 0,60 euro par kilowatt heure fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006 ;

- subsidiairement, elle subit un préjudice commercial de perte de bénéfices en raison de l'impossibilité de bénéficier des tarifs d'obligation d'achat de 0,58 euro par kilowatt heure ou 0,42 euro par kilowatt heure prévus par l'arrêté du 12 janvier 2010 ;

- à titre infiniment subsidiaire, elle pouvait bénéficier du tarif d'obligation d'achat de 0,34 euro par kilowatt heure prévu par l'arrêté du 12 janvier 2010 avec un coefficient multiplicateur R de 1 pour le département de Vaucluse ;

- son préjudice commercial de perte de bénéfices est évalué à 7 911 000 euros.

La commune de Caseneuve a été mise en demeure de produire des observations en défense le 14 novembre 2022.

Par une ordonnance du 24 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

- le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 ;

- le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ;

- l'arrêté NOR DEVE1000820A du 12 janvier 2010 portant abrogation de l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté NOR DEVE0930803A du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 16 mars 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 31 août 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 4 mars 2011 portant abrogation de l'arrêté du 31 août 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabert, président,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Léron, représentant la société Les Laurons,

- et les observations de Me Grisel, représentant la commune de Caseneuve.

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Laurons a sollicité de la commune de Caseneuve (Vaucluse) le versement d'une somme de 7 911 000 euros ainsi qu'une somme de 4 500 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de la faute commise par son maire pour avoir illégalement refusé de délivrer à M. A..., son gérant, des permis de construire pour la réalisation, d'une part, de cinq hangars agricoles avec toiture en panneaux photovoltaïques et, d'autre part, de quatre hangars. Par la présente requête, la société Les Laurons relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Caseneuve à lui verser les sommes ainsi réclamées.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces de première instance que le tribunal administratif de Nîmes a communiqué aux parties l'ensemble des mémoires et pièces produits, dont le dernier mémoire en réplique de l'appelante enregistré le 7 décembre 2020 et communiqué le 11 décembre suivant avec un délai de dix jours ouverts à la commune pour présenter ses observations. Par suite et alors qu'il n'est nullement démontré par l'appelante en quoi les premiers juges n'auraient pas tenu compte de ses dernières écritures, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure manque en fait et doit être écarté.

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la société Les Laurons, ont suffisamment répondu aux points 7 et 9 du jugement au moyen tiré de ce que cette société aurait été en mesure de remplir, avant l'entrée en vigueur de l'arrêté tarifaire du 12 janvier 2010, les conditions règlementairement fixées pour bénéficier de l'obligation d'achat au tarif défini par l'arrêté tarifaire du 10 juillet 2006. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. L'article R. 612-6 du code de justice administrative dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 14 novembre 2022, la commune de Caseneuve n'a produit aucun mémoire avant la clôture de l'instruction. Elle est donc réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient toutefois au juge de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par l'instruction et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant. En outre, l'acquiescement aux faits est en lui-même sans conséquence sur la qualification juridique au regard des textes sur lesquels l'administration s'est fondée ou dont le requérant revendique l'application.

En ce qui concerne la responsabilité :

5. Il résulte de l'instruction que les cinq arrêtés du 12 novembre 2009 par lesquels le maire de Caseneuve a refusé de délivrer des permis de construire à M. A... pour la réalisation de cinq hangars agricoles recouverts de panneaux photovoltaïques ont été annulés par un arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Lyon n° 12LY20788 du 29 avril 2014 au motif que, contrairement à ce qu'avait estimé l'administration, ces constructions revêtent un caractère agricole et doivent être regardées comme étant nécessaires à l'exploitation agricole du pétitionnaire. Par un autre arrêt rendu le même jour n° 12LY22578 également définitif, la cour également a annulé l'arrêté du maire de Caseneuve du 4 mars 2010 en tant seulement qu'il refuse à M. A... la délivrance d'un permis de construire pour l'édification de quatre hangars pour le même motif. En refusant illégalement à M. A... la délivrance des permis de construire sollicités, le maire de Caseneuve a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Pour apprécier si la responsabilité de la puissance publique peut être engagée, il appartient au juge de déterminer si le préjudice invoqué est en lien direct et certain avec une faute de l'administration.

En ce qui concerne le lien de causalité entre les préjudices invoqués et la faute résultant de l'illégalité du refus de permis de construire du 4 mars 2010 :

6. La société Les Laurons sollicite l'indemnisation des préjudices résultant selon elle de l'impossibilité de revendre à Électricité de France dans des conditions tarifaires avantageuses l'électricité produite par les panneaux photovoltaïques devant être installés en toiture des hangars agricoles. Elle sollicite également l'indemnisation des frais engagés pour le montage de ce projet photovoltaïque et l'évaluation du préjudice économique subi. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les quatre hangars agricoles faisant l'objet d'une demande de permis de construire unique avec une habitation étaient destinés à recevoir en toiture des panneaux photovoltaïques. Par suite, il n'existe aucun lien de causalité entre l'illégalité de l'arrêté du 4 mars 2010 refusant d'autoriser ces quatre hangars et les préjudices dont il est demandé réparation.

En ce qui concerne les préjudices :

7. L'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération

S'agissant du préjudice commercial :

8. Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 février 2000, repris désormais à l'article L. 314-1 du code de l'énergie : " (...) Électricité de France (...) [est] tenue de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par : (...) 2° Les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables (...). Un décret en Conseil d'Etat fixe les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l'obligation d'achat (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, repris désormais à l'article D. 314-15 du code de l'énergie : " Lorsque les conditions fixées par l'article 10 de la loi du 10 février 2000 susvisée sont réunies, les producteurs qui en font la demande bénéficient de l'obligation d'achat d'électricité prévue par ledit article, pour les installations de production d'électricité utilisant des énergies renouvelables correspondant aux catégories suivantes : (...) 3° Installations, d'une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts, utilisant l'énergie radiative du soleil (...) ".

9. Par arrêté du 10 juillet 2006, le ministre de l'économie et le ministre délégué à l'industrie ont fixé les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000. Par un premier arrêté du 12 janvier 2010, le ministre de l'énergie et la ministre de l'économie ont abrogé l'arrêté du 10 juillet 2006. Par un second arrêté du 16 mars 2010, les mêmes ministres ont rétabli le bénéfice des conditions d'achat qui résultaient des dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 pour certaines des installations qui n'avaient pas été mises en service avant le 15 janvier 2010. Enfin, un nouvel arrêté tarifaire du 31 août 2010 a abrogé l'arrêté du 12 janvier 2010 et a revu une nouvelle fois les tarifs d'achat à la baisse.

10. Il résulte de l'instruction que la société Les Laurons, créée le 21 septembre 2009, a pour activité la production et la vente d'énergie électrique par panneaux photovoltaïques ou tout autre matériel ainsi que la construction et l'exploitation d'une centrale photovoltaïque. Elle sollicite l'indemnisation d'un préjudice commercial évalué à 7 911 000 euros correspondant à la perte des bénéfices escomptés de la revente à Électricité de France, sur une période de vingt ans, de l'électricité produite par les panneaux photovoltaïques destinés à être installés sur les toitures des cinq hangars agricoles pour lesquels des permis de construire ont été illégalement refusés à son gérant par cinq arrêtés du 12 novembre 2009 du maire de Caseneuve

11. Il résulte de l'instruction que le gérant de la société Les Laurons a pris contact à partir du mois de mai 2009 avec diverses sociétés commerciales spécialisées dans le déploiement de centrales photovoltaïques. Le 23 juillet 2009, des demandes de permis de construire pour la réalisation de cinq hangars agricoles avec toitures photovoltaïques ont été déposées auprès des services de la commune de Caseneuve. Des devis ont été établis pour ce projet pour des montants compris entre 3 563 368,98 euros et 4 356 326,26 euros. La société Les Laurons produit une étude financière prévisionnelle réalisée le 11 septembre 2009 par son gérant, prévoyant un financement global de 5 520 000 euros comprenant un emprunt de 5 500 000 euros. A la suite de l'annulation des refus de permis de construire illégalement opposés le 12 novembre 2009 pour les cinq hangars agricoles à toiture photovoltaïques, des autorisations d'urbanisme ont été accordées par le maire de Caseneuve le 15 juillet 2014 et la société Les Laurons indique dans ses écritures que son gérant " a dû faire réaliser les panneaux photovoltaïques avec un autre montage financier moins avantageux et plus contraignant juridiquement, en raison de l'évolution de la réglementation ".

12. Pour justifier de circonstances particulières et solliciter l'indemnisation de la perte de bénéfice évaluée à 7 911 000 euros, la société Les Laurons soutient, à titre principal, qu'elle était en situation d'obtenir à titre dérogatoire les anciennes conditions tarifaires prévues par l'arrêté du 10 juillet 2006 prévoyant un prix de rachat de 0,60 euro par kilowatt heure (kWh) par Électricité de France. Subsidiairement, la société appelante fait valoir qu'à défaut d'avoir pu bénéficier à titre dérogatoire des tarifs fixés par l'arrêté du 10 juillet 2006, l'obtention des permis de construire cinq hangars recouverts de panneaux photovoltaïques dès le 12 novembre 2009 lui aurait au moins assuré le bénéfice des tarifs fixés par l'arrêté du 12 janvier 2010 de 0,58 euro ou de 0,42 euro par kWh pour les installations bénéficiant de la prime d'intégration simplifiée au bâti.

Quant à la demande principale tendant à bénéficier des conditions d'achat résultant de l'arrêté du 10 juillet 2006 :

13. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2010 : " Les installations mises en service avant le 15 janvier 2010 bénéficient des conditions d'achat telles qu'elles résultaient des dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000. / Parmi les installations non mises en service avant le 15 janvier 2010, seules peuvent bénéficier des conditions d'achat mentionnées ci-dessus les installations suivantes : / Installations pour lesquelles le producteur a donné son accord sur la proposition technique et financière de raccordement transmise par le gestionnaire de réseau et a versé, avant le 11 janvier 2010, le premier acompte dans les conditions définies par la documentation technique de référence du gestionnaire de réseau ; (...) Installations de puissance crête supérieure à 36 kW et inférieure ou égale à 250 kW, pour lesquelles une demande de contrat d'achat, conforme aux dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 modifié, et une demande complète de raccordement au réseau public, comportant les éléments précisés dans la documentation technique de référence du gestionnaire de réseau en vue d'obtenir une proposition technique et financière de raccordement, ont été déposées avant le 11 janvier 2010 ; / Installations de puissance crête supérieure à 36 kW et inférieure ou égale à 250 kW, pour lesquelles une demande de contrat d'achat, conforme aux dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 modifié, a été déposée avant le 11 janvier 2010, et qui remplissent toutes les conditions suivantes : / a) L'installation est intégrée, au sens de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité, à un bâtiment agricole ; / b) L'installation a fait l'objet d'une déclaration préalable ou d'une demande de permis de construire avant le 11 janvier 2010, et le producteur dispose du récépissé mentionné à l'article R. 423-3 du code de l'urbanisme ; / c) Le producteur dispose d'une attestation du préfet de département, sollicitée par le producteur au plus tard un mois après la date de publication du présent arrêté, certifiant que, au 11 janvier 2010 : / i) Le producteur est l'exploitant agricole de la parcelle sur laquelle est situé le bâtiment, ou une société détenue majoritairement par la ou les personnes exploitant ladite parcelle à titre individuel ou par l'intermédiaire d'une société d'exploitation agricole ; / ii) L'exploitant agricole est propriétaire ou usufruitier du bâtiment, ou en dispose dans le cadre d'un bail rural ou d'une convention de mise à disposition visée aux articles L. 323-14, L. 411-2 ou L. 411-37 du code rural ; / iii) Le bâtiment est nécessaire au maintien ou au développement de l'exploitation agricole (...) ".

14. Selon la documentation technique de référence mentionnée dans les dispositions citées au point précédent, il a été instauré, pour l'instruction des demandes de raccordement, un système dit de " file d'attente " dans laquelle se trouvent les projets dont la probabilité d'aboutissement est forte. La demande de proposition technique et financière du porteur de projet doit être accompagnée des fiches de collecte de données de l'installation dûment complétées par l'utilisateur. Lorsque la totalité des données requises a été transmise par l'utilisateur, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE réalise l'étude complète du raccordement et lui adresse sous trois mois une proposition technique et financière, portant sur le schéma de raccordement et les conditions techniques et financières de raccordement. Le demandeur dispose alors d'un délai de trois mois pour accepter cette proposition et verser un acompte de 10 % du prix du raccordement. Après ce paiement, la proposition technique et financière est considérée comme définitivement acceptée et les démarches et études nécessaires au raccordement sont engagées.

15. D'une part, il résulte de l'instruction que la société Les Laurons a renseigné le 22 décembre 2009 un formulaire de demande de contrat d'achat d'énergie électrique produite par une installation utilisant l'énergie radiative du soleil au titre de l'année 2009. Il est précisé sur ce formulaire que cette demande annule et remplace une précédente demande du 17 décembre 2009 à la suite d'un changement de puissance suite à l'abandon d'une des surfaces. Toutefois, compte tenu des délais d'instruction mentionnés au point 14 ci-dessus, il n'est pas établi qu'en cas de délivrance des cinq permis de construire à la date du 12 novembre 2009, la société aurait été de façon certaine en mesure de donner son accord sur une proposition technique et financière de raccordement et de verser, avant le 11 janvier 2010 le premier acompte dans les conditions définies par la documentation technique de référence du gestionnaire de réseau.

16. D'autre part, si la puissance de l'installation projetée est comprise entre 36 kW et 250 kW, la société Les Laurons ne justifie pas avoir déposé avant le 11 janvier 2010 la demande de contrat d'achat conforme aux dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 et du décret du 10 mai 2001 ainsi qu'une demande complète de raccordement au réseau public comportant les éléments précisés dans la documentation technique de référence du gestionnaire du réseau en vue d'obtenir une proposition technique et financière de raccordement.

17. Enfin, l'installation photovoltaïque projetée devant être intégrée à un bâtiment agricole au sens de l'arrêté du 10 juillet 2006, la demande de la société Les Laurons, pour prétendre à la dérogation prévue par l'arrêté du 16 mars 2010, relevait de l'hypothèse applicable à ce type d'installation. Or il ne résulte pas de l'instruction que le producteur disposait de l'attestation du préfet de Vaucluse répondant aux exigences fixées par les dispositions des i), ii) et iii) du même arrêté. Si la société appelante établit qu'une telle attestation a été demandée par courrier du 10 avril 2010 reçu le 23 avril suivant, soit dans le délai d'un mois après la date de publication de l'arrêté au journal officiel de la République français n° 0069 du 23 mars 2010, l'absence d'une telle attestation, dont la délivrance suppose pour le préfet de vérifier si les conditions posées par l'arrêté sont réunies, fait obstacle à ce que la société Les Laurons se prévale d'un droit à bénéficier du tarif de rachat prévu par l'arrêté du 10 juillet 2006. Par ailleurs, le défaut de délivrance d'une telle attestation à la société Les Laurons ne saurait être rattachée à la faute commise par le maire de Caseneuve pour avoir illégalement refusé la délivrance des cinq permis de construire.

Quant aux demandes subsidiaires tendant à bénéficier des conditions d'achat postérieures à celles fixées par l'arrêté du 10 juillet 2006 :

18. Selon l'article 3 de l'arrêté du 12 janvier 2010 : " La date de demande complète de raccordement au réseau public par le producteur détermine les tarifs applicables à une installation. La demande complète doit comporter les éléments définis à l'article 2 ainsi que les éléments précisés dans la documentation technique de référence du gestionnaire de réseau public auquel l'installation est raccordée. Les tarifs applicables sont définis à l'annexe 1 du présent arrêté. Pour les installations utilisant des technologies photovoltaïques, les tarifs peuvent inclure une prime d'intégration au bâti ou une prime d'intégration simplifiée au bâti. Les règles d'éligibilité à ces primes sont définies à l'annexe 2 du présent arrêté. Les définitions relatives à une installation photovoltaïque pour l'application des règles d'éligibilité sont à l'annexe 4 du présent arrêté ". ". En application de l'article 5 de cet arrêté : " Peut bénéficier d'un contrat d'achat aux tarifs définis dans les conditions indiquées à l'article 3 ci-dessus, dans la mesure où elle respecte à la date de signature du contrat d'achat les conditions des décrets du 6 décembre 2000 et du 10 mai 2001 (...), une installation mise en service pour la première fois après la date de publication du présent arrêté et dont les générateurs n'ont jamais produit d'électricité à des fins d'autoconsommation ou dans le cadre d'un contrat commercial. / La date de mise en service de l'installation correspond à la date de mise en service de son raccordement au réseau public (...) ". Toutefois, cet arrêté a été abrogé par l'arrêté du 31 août 2010, lequel n'a maintenu lesdits tarifs que pour les installations pour lesquelles le producteur avait envoyé, avant son entrée en vigueur le 2 septembre 2010, une demande complète de raccordement et qui ne pouvaient bénéficier des conditions d'achat définies par l'arrêté du 10 juillet 2006 en application des dispositions de l'arrêté du 16 mars 2010. Les articles 1er et 3 du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ont ensuite suspendu l'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé pour une durée de trois mois, sauf si le producteur avait notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau. Enfin, l'arrêté du 4 mars 2011 a abrogé celui du 31 août 2010.

19. La société Les Laurons verse à l'appui de sa requête d'appel des pièces établissant la réalité des démarches entreprises par son gérant à partir du mois de mai 2009 auprès d'installateurs de centrales photovoltaïques pour l'établissement de devis, des services de la préfecture de Vaucluse, de son assureur et de Électricité de France pour le rachat de l'électricité devant être produite par les panneaux photovoltaïques prévus en toiture des hangars agricoles projetés. En particulier, le courrier du 8 avril 2010 de la société EDF mentionne le dépôt le 24 décembre 2009 de la " demande de contrat dans le cadre du dispositif d'obligation d'achat instauré par les pouvoirs publics " et que " cette demande ouvre droit à l'obligation d'achat photovoltaïque sous le n° BTA0099685 (...) pour une installation (...) d'une puissance totale de 248,72 kWc ". Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la date des refus de permis de construire annulés, la société appelante n'avait pas obtenu l'accord sur la proposition technique et financière de raccordement transmise par le gestionnaire de réseau et aucune acceptation d'une telle proposition n'a été notifiée avant le 2 décembre 2010. Dans ces conditions, l'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite à partir de l'énergie radiative du soleil s'est ensuite trouvée suspendue pour une période de trois mois. Par ailleurs, aucun des devis produits pour la réalisation de cette installation photovoltaïque ne revêt un accord de la société Les Laurons, le cas échéant sous condition suspensive d'obtenir les permis de construire sollicités. De même aucune des pièces produites tant en première en instance qu'en appel ne contient une offre de financement bancaire, le cas échéant sous condition suspensive d'obtention des permis de construire, portant sur l'octroi d'un prêt d'un montant de 5 500 000 euros sur un projet évalué par le gérant de la société appelante à 5 520 000 euros. La société Les Laurons ne justifie pas du contrat de prêt accordé selon elle par une banque " au vu du bilan prévisionnel produit ". Si la société appelante précise également que " en 2009-2010, les banques n'opposaient aucune difficulté pour consentir un prêt en vue d'une installation photovoltaïque, du fait de leur rentabilité assurée " et qu'un projet a été autorisé sur la même commune au lieu-dit B... par un permis de construire délivré le 15 octobre 2009, ces éléments, compte tenu de l'importance du coût du projet et de son mode de financement, ne démontrent pas de façon certaine qu'en cas de délivrance des permis de construire le 12 novembre 2009, la société Les Laurons était en situation de mettre en service l'installation projetée en bénéficiant des tarifs de rachat fixés ultérieurement dont elle se prévaut à titre subsidiaire. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la seule baisse du tarif de rachat par la société EDF serait à l'origine du renoncement de la société Les Laurons à exploiter elle-même l'installation photovoltaïque finalement réalisée sur le terrain d'assiette après la délivrance des permis de construire le 15 juillet 2014. Par suite, le préjudice économique dont il est demandé réparation ne revêt pas un caractère certain et direct permettant d'ouvrir un droit à indemnisation dans les conditions rappelées au point 7 du présent arrêt.

S'agissant des frais engagés pour le montage du projet :

20. D'une part, la société Les Laurons soutient en appel qu'elle a exposé des frais d'un montant de 3 000 euros correspondant aux honoraires d'experts-comptables engagés le 25 mars 2015 pour chiffrer le préjudice tiré de la perte de bénéfice. Il résulte toutefois de ce qui a été exposé que cette perte de bénéfice ne revêt pas le caractère d'un préjudice certain et les sommes exposées pour évaluer un tel préjudice ne peuvent ouvrir droit à indemnisation. D'autre part, si la société Les Laurons indique que des frais notariés ont été acquittés pour sa création afin de passer les contrats d'obligation d'achat, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, que son renoncement à exploiter elle-même les installations ainsi édifiées procéderait de la faute de la commune de Caseneuve.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les Laurons n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Caseneuve à lui verser les sommes de 7 911 000 euros et 4 500 euros.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la commune de Caseneuve, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Les Laurons au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Les Laurons est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité Les Laurons et à la commune de Caseneuve.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Haïli, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président assesseur,

X. Haïli La greffière,

P. Calendini

La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL02134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02134
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme - Permis de construire - Préjudice.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS JAKUBOWICZ MALLET-GUY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-29;21tl02134 ?
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