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20/07/2023 | FRANCE | N°21TL21719

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 20 juillet 2023, 21TL21719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1901956 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2021 sous le n° 21BX01719 au greffe de la cour administrative d'appe

l de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL21719 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1901956 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2021 sous le n° 21BX01719 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL21719 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B..., représenté par Me Amalric, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme, dont le montant reste à définir, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son activité de location de locaux meublés à usage d'habitation est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'en plus de la mise à disposition des locaux, il propose trois services para-hôteliers, à savoir le nettoyage des appartements, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle ;

- s'agissant du service de nettoyage, la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques-Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 n° 40 précise que cette condition est considérée comme remplie lorsque, bien que ne fournissant pas effectivement un service régulier de nettoyage, l'exploitant dispose des moyens lui permettant de proposer un tel service au client durant son séjour, selon une périodicité régulière ;

- lors d'un précédent contrôle, l'administration n'a pas remis en cause la soumission de l'activité de location à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors que l'activité de location était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et que l'administration ne démontre pas l'intention délibérée d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. B....

Par ordonnance du 13 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... exerce depuis le 1er juillet 2013 une activité de location de cinq appartements meublés à usage d'habitation dans une résidence à ... (Haute-Garonne). Il a fait l'objet, à raison de cette activité, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 étendue jusqu'au 31 décembre 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 février 2021 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. L'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, " 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de Justice de l'Union européenne, d'une part, qu'introduisant une exception à l'exonération prévue pour l'affermage et la location de biens immeubles, elles ne doivent pas recevoir une interprétation stricte, d'autre part, que ne peuvent faire l'objet d'une exonération, dans la législation des Etats membres, les locations de logements meublés qui correspondent à des opérations d'hébergement, soit hôtelières, soit assimilables à ces dernières. S'il appartient à chaque Etat membre de fixer, lors de la transposition de ces dispositions, les critères utiles à la distinction entre la location d'un logement meublé susceptible d'être exonérée et la mise à disposition d'un tel logement dans des conditions l'apparentant à un hébergement hôtelier et, de ce fait, obligatoirement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ces critères doivent être propres à garantir que ne soient exonérés du paiement de cette taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles des entreprises hôtelières, avec lesquelles ils ne se trouvent donc pas en situation de concurrence potentielle.

3. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...) ".

4. Le requérant a acquis en 2009 une parcelle située à ..., qu'il a apportée à son entreprise et où il a fait construire une résidence composée de logements destinés à une activité de location meublée à usage d'habitation, qu'il a débutée le 1er juillet 2013. Estimant que cette activité n'était pas au nombre de celles mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts pour lesquelles l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux locations en meublé ne s'applique pas, l'administration a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur la livraison à soi-même des immeubles ainsi construits.

5. Le requérant soutient que son activité est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que, conformément aux dispositions du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, il proposait aux locataires trois services para-hôteliers, à savoir le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle.

6. D'une part, le requérant soutient qu'il proposait aux locataires d'assurer le nettoyage de leur appartement. S'il se prévaut de la présence d'affiches dans les appartements proposant cette prestation, le ministre fait valoir que le vérificateur n'a pas constaté l'existence de ces affiches dans les appartements qui, au demeurant, sont relatives au règlement de chambres d'hôtel portant les numéros " 7 " et " 73 ", étant rappelé que la résidence ne comportait que cinq appartements. Au demeurant, la prestation de nettoyage mentionnée sur les affiches produites par le requérant est payante. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le requérant proposait le nettoyage des locaux dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle. En outre et en tout état de cause, la circonstance que l'intéressé assurait l'entretien des parties communes et des espaces verts de la résidence est sans incidence pour apprécier le respect de la condition de nettoyage régulier des locaux au sens du b de 4° de l'article 261 D.

7. D'autre part, s'il est constant que le requérant fournissait le linge de lit et de bain à l'entrée des locataires dans les appartements, il ne soutient pas qu'il en proposait un renouvellement périodique. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le requérant proposait le renouvellement du linge de maison dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.

8. Enfin, il est constant que la résidence ne disposait pas d'un local de réception au cours de la période en litige. Les circonstances que le requérant accueillait personnellement les locataires pour leur remettre les clés lors de l'état des lieux d'entrée dans l'appartement loué et procédait personnellement à l'état des lieux de sortie et qu'il communiquait son numéro de téléphone aux locataires sont insuffisantes pour caractériser l'existence d'un accueil physique et téléphonique personnalisé de la clientèle de manière continue. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le requérant assurait la réception, même non personnalisée, de la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.

9. Par conséquent, et alors qu'il est constant que le requérant ne proposait pas la prestation de petit-déjeuner à ses locataires et qu'il ne résulte pas de l'instruction que son activité se trouvait dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les immeubles étaient affectés à une activité de location exonérée de taxe sur la valeur ajoutée.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

11. Le requérant n'est pas fondé à se prévaloir des énonciations du paragraphe n° 40 des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques-Impôts du 12 septembre 2012 sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 qui, s'agissant de la prestation de nettoyage des locaux, ne contient pas d'interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

13. Il résulte de l'instruction que le requérant a débuté son activité de location en juillet 2013. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'administration aurait formellement pris position sur la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée de cette activité en s'abstenant de remettre en cause son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée à l'issue d'une précédente vérification de comptabilité portant sur la période du 1er août 2010 au 31 octobre 2011. Par suite, et en tout état de cause, le moyen doit être écarté.

Sur les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

15. D'une part, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que le moyen tiré de ce que le requérant doit être déchargé de la majoration pour manquement délibéré en conséquence du caractère infondé des impositions contestées doit être écarté.

16. D'autre part, pour justifier l'application de la majoration prévue en cas de manquement délibéré, l'administration a relevé que le requérant a continué de souscrire des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée mentionnant de la taxe déductible après avoir débuté son activité de location, alors qu'en tant que professionnel il ne pouvait ignorer que celle-ci n'était pas imposable, qu'il n'a pas souscrit de déclaration d'achèvement de travaux ni mentionné la livraison à soi-même des immeubles dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, que les contrats de location des appartements ne mentionnaient pas un prix incluant la taxe sur la valeur ajoutée et qu'il n'a déclaré aucune taxe sur la valeur ajoutée sur les produits encaissés. Ce faisant, l'administration a établi l'intention délibérée d'éluder l'impôt. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de ces majorations n'est pas fondée doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme, au demeurant non chiffrée, à verser à M. B..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21TL21719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL21719
Date de la décision : 20/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : AMALRIC

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-20;21tl21719 ?
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