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26/10/2023 | FRANCE | N°21TL03570

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 26 octobre 2023, 21TL03570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme D... A... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler deux mises en demeure tenant lieu de commandement de payer émises le 24 septembre 2018 pour avoir paiement des sommes de 109 137 euros et 35 768 euros, correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 ainsi qu'aux pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901335 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Nîme

s a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme D... A... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler deux mises en demeure tenant lieu de commandement de payer émises le 24 septembre 2018 pour avoir paiement des sommes de 109 137 euros et 35 768 euros, correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 ainsi qu'aux pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901335 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 août 2021 et le 17 janvier 2022 sous le n° 21MA03570 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL03570 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. C... et Mme A... épouse C..., représentés par Me Brunel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes qui leur ont été réclamées par deux mises en demeure tenant lieu de commandement de payer émises le 24 septembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il a été rendu en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure administrative contentieuse ;

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que les moyens tirés de l'irrégularité des avis d'imposition étaient relatifs à la régularité de la procédure d'imposition ;

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard de l'article 689 du code de procédure civile ;

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont commis une erreur de droit en se plaçant à la date d'émission des mises en demeure litigieuses pour apprécier si l'action en recouvrement était prescrite alors qu'ils auraient dû se placer à la date à laquelle ils statuaient ;

- les avis d'imposition du 17 septembre 2015 sont irréguliers dès lors qu'ils ont été émis par une autorité incompétente ;

- ces avis d'imposition sont irréguliers dès lors qu'ils mentionnent un lieu d'imposition inexact ;

- ces avis d'imposition sont irréguliers dès lors qu'ils fixent une date d'exigibilité illégale ;

- ces avis d'imposition sont irréguliers dès lors qu'ils ne comportent pas les mentions requises par l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- ces avis d'imposition méconnaissent l'article L. 253 du livre des procédures fiscales dès lors qu'ils mentionnent des pénalités, qui n'ont pas le caractère d'impositions ;

- les pénalités et majorations sont des sanctions, qui ont été établies en méconnaissance du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- ces pénalités et majorations sont dépourvues de base légale ;

- elles ont été prononcées par une autorité incompétente ;

- les avis d'imposition n'ont pas été régulièrement notifiés dès lors qu'ils ont été envoyés à une adresse inexacte ;

- les mises en demeure du 24 septembre 2018 sont irrégulières dès lors, d'une part, que le pôle de recouvrement spécialisé du Gard était incompétent pour émettre ces actes de poursuite compte tenu de leur domiciliation en Suisse et, d'autre part, qu'elles n'ont pas été notifiées à leur domicile ;

- aucun acte n'a interrompu la prescription de l'action en recouvrement.

Par un mémoire, enregistré le 15 octobre 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par lettre du 5 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de moyens portant sur la régularité en la forme des mises en demeure tenant lieu de commandement de payer.

Par ordonnance du 18 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- et les conclusions de M. Hervé Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme A... épouse C... relèvent appel du jugement du 30 avril 2021 du tribunal administratif de Nîmes en tant que, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur leur demande à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, il en a rejeté le surplus.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " et aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-3 du même code : " Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties, en même temps que les copies, produites en exécution des articles R. 411-3 et suivants et de l'article R. 412-2, des requêtes, mémoires et pièces déposés au greffe. La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples. / Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que le directeur départemental des finances publiques du Gard a produit, le 28 janvier 2021, un mémoire en réplique qui comportait des éléments nouveaux, en réponse au moyen soulevé par les requérants et tiré de la prescription de l'action en recouvrement, sur lesquels le jugement du tribunal administratif de Nîmes s'est fondé. Alors que dans un mémoire du 14 janvier 2021 les requérants avaient indiqué que, compte tenu du décès de leur avocat survenu en novembre 2020, ils entendaient " poursuivre la présente affaire en concluant directement " et avaient désigné M. C... comme représentant unique, le tribunal administratif a adressé le mémoire en réplique mentionné ci-dessus du directeur départemental des finances publiques du Gard par pli simple au seul nom de Mme A..., sans y ajouter le nom de C.... Ce pli a été retourné au tribunal administratif le 1er mars 2021 portant la mention : " le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée ". Dans ces conditions, cette communication ne peut être regardée comme ayant été régulièrement effectuée. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire de la procédure administrative contentieuse, faute pour le tribunal administratif de leur avoir régulièrement adressé le mémoire en réplique du directeur départemental des finances publiques du Gard. Les requérants sont dès lors fondés à soutenir que le jugement du 30 avril 2021 est entaché d'irrégularité et doit donc être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de son irrégularité. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande et de statuer par la voie de l'évocation sur cette demande restant en litige présentée par Mme A... et M. C... devant le tribunal.

Sur la régularité et le bien-fondé des impositions dont la décharge de l'obligation de payer est en litige :

4. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, concernant les contestations relatives au recouvrement des impôts : " (...) Les contestations ne peuvent porter que : / 1°) Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2°) Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt (...) ". Il résulte de ces dispositions que les moyens relatifs à la régularité ou au bien-fondé des impositions dont le recouvrement est poursuivi par l'administration sont inopérants à l'appui de la contestation du recouvrement formée dans les conditions prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales.

5. En premier lieu, les moyens tirés de ce que les avis d'imposition du 17 septembre 2015 auraient été émis par une autorité incompétente, ne comporteraient pas les mentions requises par l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, qu'ils mentionneraient un lieu d'imposition inexact, qu'ils fixeraient une date d'exigibilité illégale et qu'ils méconnaîtraient l'article L. 253 du livre des procédures fiscales au motif qu'ils mentionnent des pénalités n'ayant pas le caractère d'imposition sont relatifs à la régularité de la procédure d'imposition. Ils doivent être écartés comme inopérants à l'appui des conclusions de la présente requête.

6. En second lieu, les moyens tirés de ce que les pénalités sont dépourvues de base légale, ont été prononcées par une autorité incompétente et méconnaissent les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sont relatifs au bien-fondé de ces pénalités. Ils doivent donc être écartés comme inopérants à l'appui des conclusions de la requête.

Sur les mises en demeure du 24 septembre 2018 :

En ce qui concerne la régularité en la forme des mises en demeure :

7. En soutenant que les mises en demeure contestées ont été émises par une autorité incompétente territorialement et qu'elles n'ont pas été notifiées à leur domicile, les requérants contestent la régularité en la forme de ces actes de poursuite. Une telle contestation ne peut être portée que devant le juge de l'exécution et doit donc être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

En ce qui concerne l'exigibilité des sommes réclamées :

8. En premier lieu, la circonstance que les actes de la procédure d'imposition aient été adressés à une adresse erronée ou aient été retirés par des personnes qui n'y avaient pas été habilitées est sans incidence dès lors que le contribuable a eu connaissance de ces actes.

9. Il est constant que les requérants ont eu connaissance des avis d'imposition du 17 septembre 2015, comme en attestent d'ailleurs les quatre demandes en décharge qu'ils ont formées devant le tribunal administratif de Nîmes le 28 octobre 2015, enregistrées sous les nos 1503383, 1503384, 1503385 et 1503386 à l'encontre des impositions mises à leur charge par ces avis. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (...) ". L'article R. 281-3-1 du même livre dispose que les contestations relatives au recouvrement adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites doivent être présentées dans un délai de deux mois à partir de la notification de " tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette " ou du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée. Lorsque le redevable d'une imposition se prévaut de la prescription de l'action en recouvrement, il soulève une contestation qui ne porte pas sur l'obligation de payer mais qui a trait à l'exigibilité de l'impôt. Un tel moyen doit donc être soulevé dès le premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir.

11. Il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles les requérants ont été assujettis ont été mises en recouvrement par voie de rôle le 30 septembre 2015. Le délai de prescription de l'action en recouvrement a donc commencé à courir à compter de cette date. Le 24 septembre 2018, l'administration a émis deux mises en demeure tenant lieu de commandement de payer nos 2M00007 et 2M00008 pour avoir paiement, respectivement, des sommes de 109 137 euros et 35 768 euros, correspondant aux cotisations supplémentaires et aux pénalités correspondantes ainsi mises en recouvrement. Les requérants ont formé le 20 novembre 2018, à l'intérieur du délai de deux mois prévu par l'article R. 281-3 du livre des procédures fiscales, une réclamation préalable à l'encontre de ces deux mises en demeure. Par conséquent, ils ont nécessairement eu connaissance de ces actes de poursuite à la date à laquelle la réclamation a été formée. Par suite, le pli contenant les deux mises en demeure du 24 septembre 2018 a été notifié à une date où l'action en recouvrement n'était pas prescrite.

12. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander la décharge de l'obligation de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, qui restent en litige.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1901335 du 30 avril 2021 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande de Mme A... et de M. C....

Article 2 : Le surplus de la demande présentée par Mme A... et M. C... devant le tribunal administratif de Nîmes ainsi que leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme D... A... épouse C..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Provence Alpes Côte-d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL03570 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03570
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05 Contributions et taxes. - Généralités. - Recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : BRUNEL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-26;21tl03570 ?
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