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14/11/2023 | FRANCE | N°21TL22563

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 14 novembre 2023, 21TL22563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... Diakoff a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) à lui verser une indemnité de 3 368 553 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi en raison de sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018 et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par

une ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021, le président de la 5ème chambre du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... Diakoff a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) à lui verser une indemnité de 3 368 553 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi en raison de sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018 et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. Diakoff comme tardive.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juin 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX02563 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL22563, et des mémoires, enregistrés les 6 octobre 2022, 14 novembre 2022 et 12 janvier 2023, M. Diakoff, représenté par Me Akpo, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 mars 2021 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner l'Etat, pris en la personne de France AgriMer, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à lui verser une somme de 1 623 270,34 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête de première instance n'était pas tardive ; c'est donc à tort que, par l'ordonnance attaquée, elle a été rejetée pour irrecevabilité ;

- la responsabilité pour faute de l'Etat, pris en la personne de France AgriMer, est engagée, en conséquence de l'aggravation de son accident de service et de sa tentative de suicide ;

- la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée, eu égard à l'irrégularité de la procédure de mise à la retraite et l'arrêté du 30 août 2019 portant mise à la retraite est ainsi intervenu au terme d'une procédure irrégulière ; l'administration a omis de consulter la commission de réforme au titre de l'octroi de la tierce personne et la procédure simplifiée sans consultation préalable de cette commission, prévue par circulaire interministérielle, n'était, dans ce cas, pas applicable ; l'administration ne l'a pas informé des voies de recours contre l'avis du comité médical départemental ; il n'a pas été informé de la possibilité de prendre connaissance de son dossier et de faire entendre le médecin de son choix avant la séance du comité médical départemental ; l'arrêté du 30 août 2019 est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été précédé d'un avis du comité médical supérieur ;

- ses préjudices patrimoniaux temporaires s'élèvent à 314 734,58 euros ;

- au titre de la privation d'une rente d'invalidité, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 389 733,74 euros ;

- au titre de l'allocation de majoration pour tierce personne, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 329 844,48 euros ;

- au titre de l'incidence professionnelle, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 68 303,51 euros et une somme de 212 539,32 euros pour cette incidence au titre de la pension de retraite ;

- au titre de l'allocation temporaire d'invalidité, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 120 017,16 euros ;

- ses souffrances endurées et son préjudice esthétique temporaire s'élèvent chacun à une somme de 35 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2022, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer), représenté par la SELAS Seban et associés, agissant par Me Carrère, conclut au rejet de la requête de M. Diakoff et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête de première instance de M. Diakoff était irrecevable ;

- les conclusions indemnitaires de ce dernier, qui se rapportent à l'engagement de la responsabilité de l'établissement à raison du refus d'imputabilité au service de son syndrome anxiodépressif et de sa tentative de suicide sont irrecevables car le contentieux n'est pas lié sur ces points ;

- subsidiairement, sa requête est mal fondée, en l'absence de faute ;

- ses prétentions, au titre de l'indemnisation des préjudices, ne pourront qu'être rejetées.

Une mise en demeure du 22 mars 2022 a été adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Par une ordonnance du 13 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2023.

Un mémoire, enregistré le 21 février 2023 a été présenté pour M. Diakoff et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Akpo, représentant M. Diakoff et les observations de Me Hubert-Hugoud, représentant l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. Diakoff, secrétaire administratif des administrations de l'Etat, affecté dans les offices agricoles puis au sein de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer) depuis le 1er novembre 1979, a été victime d'une chute sur son lieu de travail le 21 juin 2011. Il a été placé en congé de longue maladie à compter du 2 juillet 2011 jusqu'au 2 avril 2013 puis en congé de longue durée à compter de cette dernière date. Arrivant à épuisement de ses droits à congé de longue durée au 1er avril 2018, il a demandé, le 1er octobre 2017, à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. A la suite d'un avis du comité médical départemental de la Haute-Garonne réuni le 15 mai 2019, la directrice générale de France AgriMer, par un arrêté du 15 juillet 2019, l'a déclaré inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de toutes fonctions à compter du 2 avril 2018 et l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter de la même date. Par un arrêté du 30 août 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'a radié des cadres et l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. Par une lettre du 13 octobre 2019, M. Diakoff a formé un recours préalable indemnitaire tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'arrêté du 15 juillet 2019, qui a été implicitement rejeté, puis, par une lettre du 13 mars 2020, il a réitéré sa demande qui a, de nouveau, été implicitement rejetée. M. Diakoff relève appel de l'ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire comme tardive.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article 7 de l'ordonnance susvisée du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, applicable notamment aux administrations de l'Etat et à ses établissements publics administratifs : " (...) les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci. (...) ". L'article 1r de la même ordonnance dispose : " I. - Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ".

3. Pour regarder comme tardive la requête de M. Diakoff, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a estimé qu'une décision implicite de rejet était née du silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois sur la demande indemnitaire préalable de l'intéressé dont il avait été accusé réception le 16 mars 2020 et que son recours, introduit plus de deux mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, était donc tardif. Il résulte cependant des dispositions précitées de l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 que le point de départ du délai à l'issue duquel était susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet du recours préalable de M. Diakoff, reçu le 16 mars 2020 par FranceAgriMer, a été reporté au 24 juin 2020. Par suite, la décision implicite de rejet dont s'agit n'étant née que le 24 août 2020, la demande de M. Diakoff, enregistrée au greffe du tribunal le 14 septembre 2020, n'était pas tardive.

4. Il résulte de ce qui précède que M. Diakoff est fondé à soutenir que c'est à tort que sa demande a été rejetée comme manifestement irrecevable et à demander l'annulation de l'ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 22 mars 2021. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Diakoff devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de l'administration au titre d'une rechute de l'accident de service et d'une tentative de suicide :

5. Aux termes du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " (...) si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. /(...) ".

6. Les effets d'un accident de service peuvent être aggravés par l'existence d'un état pathologique antérieur. En revanche, la rechute d'un accident de service se caractérise par la récidive ou l'aggravation subite et naturelle de l'affection initiale après sa consolidation sans intervention d'une cause extérieure.

7. Il résulte de l'instruction que M. Diakoff a chuté sur son lieu de travail le 21 juin 2011. Il a alors ressenti des douleurs multiples au niveau des poignets, du dos, du bassin, du genou et de la jambe gauche. Après expertise du professeur A... du 25 octobre 2011 estimant l'ostéonécrose de hanche dont était affecté le requérant préexistante à la chute, l'administration a reconnu par une décision du 12 décembre 2011, l'imputabilité de l'accident au service uniquement en ce qui concerne la contusion des poignets, du genou gauche et les douleurs lombaires. Après une expertise du professeur F... du 13 mars 2012 indiquant que la chute avait été le facteur déclenchant de l'ostéonécrose par ailleurs latente et d'origine non traumatique, que la lésion du genou gauche était en rapport avec l'accident et que ce dernier ne pouvait être considéré comme consolidé, la commission de réforme, réunie le 24 septembre 2012, a toutefois émis l'avis que l'ostéonécrose de hanche n'était pas imputable au service et indiqué une date de consolidation de l'état de santé de l'agent au 1er juillet 2011. Par une décision du 19 octobre 2012, l'administration a confirmé la date du 1er juillet 2011 comme date de consolidation et refusé de reconnaître l'imputabilité des séquelles du genou gauche au service. Les recours de M. Diakoff contre cette dernière décision ont été rejetés par un jugement n°1300876-1303586 du tribunal administratif de Toulouse en date du 21 août 2016, devenu définitif.

8. Par une lettre du 22 août 2019 adressée à la directrice générale de l'établissement FranceAgriMer, M. Diakoff s'est plaint d'une aggravation de son état en invoquant un rapport d'expertise rendu en décembre 2012 par le docteur D..., favorable à l'attribution d'un congé de longue maladie à compter du 2 juillet 2011 du fait de la nécessité de mise en place d'une prothèse totale de hanche pour ostéonécrose, ainsi qu'un extrait du rapport du docteur B... du 11 août 2016 indiquant un état psychique enkysté, " mêlant sinistrose en relation à la procédure administrative d'accident de travail et réaction dépressive, sans aucune possibilité d'évolution ". Toutefois, d'une part, dès lors qu'il résulte de l'instruction et notamment des constats des professeurs C... et A..., que l'ostéonécrose de hanche découverte chez M. Diakoff à la suite de sa chute était préexistante à celle-ci, elle ne peut être regardée comme une récidive ou une aggravation subite et naturelle de l'affection initiale de M. Diakoff, directement liée à l'accident survenu en service le 21 juin 2011. D'autre part, le seul extrait du rapport du docteur B... ne permet pas, en lui-même, de regarder le syndrome dépressif de M. Diakoff comme une aggravation directement liée à l'accident de travail. En outre, il résulte de l'instruction que le rapport du médecin agréé E..., intervenu pour éclairer le comité médical départemental sur la mise en retraite pour invalidité de M. Diakoff fait mention de la teneur d'une expertise médicale du 26 octobre 2017 du docteur B... identifiant un état anxio-dépressif, dont la date de début est fixée au mois d'avril 2013, et estimé non imputable au service. Dès lors et nonobstant les termes du certificat médical du médecin psychiatre de l'agent en date du 5 septembre 2019, cet état ne peut être regardé comme une récidive ou une aggravation subite et naturelle de l'affection initiale de M. Diakoff, directement liée à l'accident.

9. Si M. Diakoff soutient, par ailleurs, que la responsabilité pour faute de l'administration est engagée du fait de sa tentative de suicide, il ne précise cependant pas la nature de la faute qui aurait été commise à son égard. A supposer qu'il reproche à l'administration un refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de cet acte, il ne conteste pas ne pas avoir effectué de demande sur ce point. Enfin, en se bornant à indiquer qu'il a fait d'une tentative de suicide, il ne démontre aucun lien de l'acte avec le service alors même qu'il se trouvait, lors de cette tentative, en arrêt maladie pour dépression.

10. Il résulte de ce qui précède que M. Diakoff n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'administration à raison d'une rechute de son accident ou d'une tentative de suicide.

En ce qui concerne la régularité de la procédure de mise à la retraite pour invalidité non imputable au service :

11. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ;(...). ". Aux termes de l'article L. 31 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article 47 du décret susvisé du 14 mars 1986 dispose : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme./(...) "

12. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article 9 du décret susvisé du 14 mars 1986 : " Le comité médical supérieur, saisi par l'autorité administrative compétente, soit de son initiative, soit à la demande du fonctionnaire, peut être consulté sur les cas dans lesquels l'avis donné en premier ressort par le comité médical compétent est contesté. / (...) ". Il résulte de ce premier alinéa que, dans ce cas, l'autorité administrative ne peut prendre sa décision qu'après avoir recueilli l'avis du comité médical supérieur.

13. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, arrivant à épuisement de ses droits à congé de longue durée au 1er avril 2018, M. Diakoff a demandé, le 1er octobre 2017, à être admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. La directrice générale de France AgriMer, par un arrêté du 15 juillet 2019, l'a déclaré inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de toutes fonctions à compter du 2 avril 2018 et a transmis son dossier aux services du ministre de l'agriculture et de l'alimentation qui, par un arrêté du 30 août 2019, l'a radié des cadres et l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. L'administration n'a cependant pas consulté la commission de réforme en méconnaissance des dispositions citées au point 11. Il est constant que seul le comité médical a été consulté en application d'une circulaire interministérielle du 27 juillet 1979 prévoyant que la mise à la retraite pour invalidité des agents souffrant d'invalidités non imputables à l'exercice des fonctions et réunissant plus de vingt-cinq années de services civils et militaires valables pour la retraite et non rémunérés par une pension ou une solde de réforme pourrait être prononcée sur simple avis médical et sans consultation de la commission de réforme. Toutefois, alors que le requérant a contesté l'avis du comité médical départemental, l'autorité administrative a pris sa décision sans avoir recueilli l'avis du comité médical supérieur. Il en résulte que M. Diakoff est fondé à soutenir que l'arrêté contesté, pris sans consultation de la commission de réforme et du comité médical supérieur, est intervenu au terme d'une procédure irrégulière.

14. Si toute décision illégale est en principe fautive, cette illégalité fautive n'entraîne cependant pas une indemnisation de la victime lorsque la décision est justifiée au fond.

15. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le comité médical départemental a émis, après sa séance du 15 mai 2019, un avis favorable à une mise en retraite pour invalidité en estimant que l'état de santé de l'agent le rendait inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de toutes fonctions. L'arrêté contesté du 30 juillet 2019 vise cet avis comme " reconnaissant l'incapacité permanente de l'intéressé à continuer ses fonctions " et M. Diakoff ne conteste pas, dans ses écritures, cette incapacité. Pour critiquer la légalité interne de l'arrêté attaqué, il se borne à soutenir que son invalidité serait imputable au service. Toutefois, il a lui-même sollicité sa mise à la retraite en raison d'une invalidité non imputable à celui-ci. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que sa nécrose de la hanche est antérieure à l'accident de service dont il a été victime, et, par suite, non imputable au service et il n'établit pas, pour les motifs exposés au point 8, que son syndrome dépressif serait directement lié et imputable à l'accident de service du 21 juin 2011. Ainsi, l'arrêté du ministre n'étant pas entaché d'illégalité interne, le requérant ne justifie pas d'un lien direct entre l'illégalité fautive et les préjudices invoqués.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que les conclusions indemnitaires présentées par M. Diakoff devant le tribunal administratif de Toulouse et, par voie de conséquence, celles tendant au paiement d'intérêts légaux et à leur capitalisation, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés aux litiges :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mise à la charge de l'Etat ou de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, qui ne sont pas parties perdantes, les sommes que demande M. Diakoff au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. Diakoff devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : les conclusions présentées par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... Diakoff, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer).

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21TL22563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL22563
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Responsabilité et illégalité. - Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SCP SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-14;21tl22563 ?
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