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13/02/2024 | FRANCE | N°23TL00409

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 13 février 2024, 23TL00409


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 août 2021 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2106015 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés

les 16 février et 1er juin 2023, Mme B..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 août 2021 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2106015 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février et 1er juin 2023, Mme B..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 février 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 août 2021 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la régularité du jugement, les premiers juges ont omis de statuer sur son moyen tiré de l'absence d'examen particulier par le préfet de l'Hérault de sa situation ;

- le jugement est par ailleurs insuffisamment motivé, faute pour le tribunal d'avoir analysé son moyen invoqué sur le fondement des articles L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , relatif au regroupement familial, et L. 423-14, relatif à la régularisation exceptionnelle au séjour, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement et des décisions attaquées, la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- les décisions attaquées sont par ailleurs entachées d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle du fait de l'absence de prise en compte de l'acceptation du regroupement familial ;

- il est porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où son époux est titulaire d'une carte de résident, vit en France depuis près de 18 ans et qu'elle a été autorisée à séjourner en France au titre du regroupement familial ;

- les décisions de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme B....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 11 janvier 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bentolila, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 20 juillet 1980 et ressortissante de la République démocratique du Congo, est entrée irrégulièrement en France, à une date qu'elle indique être le 5 juin 2017. Elle a présenté, le 19 juin 2017, une demande d'asile qui a été rejetée de façon définitive le 1er juin 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a ensuite sollicité, le 28 juin 2021, la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 5 août 2021, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

2. Mme B... relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, si l'appelante soutient que le jugement de première instance serait entaché d'irrégularité faute pour les premiers juges d'avoir examiné son moyen tiré de l'absence d'examen particulier par le préfet de l'Hérault de sa situation, ils y ont répondu au point 3 du jugement.

4. En second lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., le jugement est suffisamment motivé dans sa réponse aux moyens invoqués sur le fondement des articles L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au regroupement familial et L. 435-1 du même code, relatif à l'admission exceptionnelle du séjour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, l'arrêté de refus de séjour, qui vise l'ensemble des articles des textes dont le préfet a entendu faire application, mentionne la date alléguée du 5 juin 2017 de l'entrée en France de Mme B..., la présentation, le 6 juillet 2017, d'une demande d'asile qui a été rejetée de façon définitive le 1er juin 2018 par la Cour nationale du droit d'asile, et les éléments relatifs à sa vie familiale et à sa situation personnelle tenant notamment à l'absence de justification d'une résidence habituelle en France et de communauté de vie avec son mari, sur lesquels le préfet s'est fondé pour rejeter sa demande. La décision de refus de séjour est donc suffisamment motivée alors même qu'elle ne mentionne pas la décision du 9 septembre 2019, par laquelle le bénéfice du regroupement familial a été accordé par le préfet de l'Hérault au conjoint de Mme B..., au profit de cette dernière, sous réserve qu'elle rentre en République démocratique du Congo pour obtenir un visa de long séjour, ce qu'il est constant que l'intéressée n'a pas fait. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans l'hypothèse, comme en l'espèce, où l'obligation de quitter le territoire est prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 de ce code, relatif au cas dans lequel l'étranger a fait l'objet d'un refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire est inopérant et doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui est indiqué au point précédent que, contrairement à ce que l'appelante soutient, le préfet de l'Hérault a procédé à un examen approfondi de sa situation.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Faute pour l'appelante de contester les motifs de l'arrêté attaqué tenant à l'absence de justification d'une résidence habituelle en France et de communauté de vie avec son mari , et alors même que Mme B... fait valoir qu'elle est suivie en France pour infertilité, c'est sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation que le préfet de l'Hérault a pu, dans le cadre de son pouvoir de régularisation, estimer que l'appelante ne démontrait pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au chapitre IV du titre III, entré en France régulièrement et dont le conjoint est titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an ". Ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, si, par une décision du 9 septembre 2019, le préfet de l'Hérault a accordé au conjoint de Mme B... le bénéfice du regroupement familial au profit de cette dernière, il ressort des pièces du dossier que cette autorisation était subordonnée au fait que l'intéressée rentrât en République démocratique du Congo pour obtenir un visa de long séjour, ce qu'il est constant qu'elle n'a pas fait. Dans ces conditions, le moyen invoqué sur le fondement de l'article L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est inopérant et doit être écarté.

9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Faute, ainsi qu'il est indiqué au point 7 du présent arrêt, de l'absence de justification par l'appelante d'une résidence habituelle en France et de communauté de vie avec son mari, qui ne sont pas plus contestées en appel qu'en première instance, et alors que l'intéressée ne conteste pas par ailleurs l'existence d'attaches familiales en République démocratique du Congo, où réside comme le lui oppose l'arrêté préfectoral, son frère, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Le moyen invoqué sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00409 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00409
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;23tl00409 ?
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