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13/02/2024 | FRANCE | N°23TL01964

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 13 février 2024, 23TL01964


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé son transfert aux autorités espagnoles et l'arrêté du même jour par lequel il l'a assignée à résidence.



Par un jugement n° 2303935 du 13 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté précité.



Procédure devant

la cour :



I. Par une requête, enregistrée le 1er août 2023 sous le n° 2301964, le préfet de la Haute-Garonne ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé son transfert aux autorités espagnoles et l'arrêté du même jour par lequel il l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2303935 du 13 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté précité.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 1er août 2023 sous le n° 2301964, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de Mme B....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé la première juge, l'arrêté préfectoral du 6 juillet 2023 par lequel il a été décidé du transfert de Mme B... aux autorités espagnoles n'est pas entaché d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- en effet, il a été remis à Mme B..., le 15 mai 2023, à l'occasion de son entretien individuel, le guide du demandeur d'asile, les brochures A et B " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne " et " Je suis sous procédure Dublin " constituant la brochure commune prévue au 3 de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, documents tous rédigés en langue bambara et à l'issue de son entretien, l'intéressée, qui a bénéficié, de plus, de l'assistance d'un interprète, a signé le compte-rendu d'entretien et a déclaré sur l'honneur avoir compris la procédure engagée à son encontre ainsi que l'exactitude des renseignements délivrés et la remise de l'information sur les règlements communautaires ;

- par ailleurs, si la première juge a considéré que la durée de l'entretien, de l'ordre de vingt minutes, n'avait pas permis que les documents en cause, représentant au total quatre-vingt pages, lui soient lus en français dans leur totalité, les informations devant être données en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ne concernent que la remise de la brochure commune (brochures A et B) composée d'environ une vingtaine de pages ; de plus, l'article 4 du règlement ne prévoit pas de traduction des brochures ni de durée minimale pour la durée de l'entretien.

II. Par une requête, enregistrée 1er août 2023 sous le n° 23TL01965, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 13 juillet 2023 précité.

Il soutient que les conditions d'octroi du sursis à exécution de ce jugement sont remplies dès lors qu'il justifie dans sa requête au fond, de moyens sérieux d'annulation du jugement et à l'appui du rejet des conclusions en annulation et en injonction présentées par Mme B....

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Après avoir entendu le rapport de M. Rey-Bèthbéder au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, née le 22 décembre 1980, a déposé, le 15 mai 2023, auprès de la préfecture du Val-de-Marne une demande d'asile. Lors de l'enregistrement de son dossier complet, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'elle avait introduit une demande similaire le 27 février 2023 en Espagne. Par deux arrêtés du 6 juillet 2023, le préfet de la Haute-Garonne a décidé du transfert de l'intéressée aux autorités espagnoles et l'a assignée à résidence.

2. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel, par la requête n° 23TL01964, du jugement du 13 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés précités. Par la requête n° 23TL01965 il demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement du 13 juillet 2023

3. Les requêtes précitées n° 23TL01964 et n° 23TL01965 concernent la situation de Mme B.... Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'arrêté de transfert :

4. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

5. L'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 04/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'État requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

6. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de la Haute-Garonne pour procéder à l'exécution du transfert de Mme B... vers l'Espagne a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Toulouse. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification au préfet, le 18 juillet 2023, du jugement du 13 juillet 2023 rendu par ce dernier. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt et la France est devenue responsable de la demande d'asile de Mme B.... Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement précité, en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2023, décidant le transfert de Mme B... aux autorités espagnoles italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

7. Pour annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 portant assignation à résidence, le magistrat désigné s'est fondé sur l'annulation de l'arrêté prononçant le transfert de Mme B... aux autorités espagnoles. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressée ayant reçu exécution, cet arrêté n'est pas privé d'objet du fait du non-lieu à statuer prononcé sur les conclusions tendant à son annulation de l'arrêté de transfert dont il convient donc d'apprécier la légalité par la voie de l'exception.

8. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 / (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement ".

9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle il décide la réadmission de l'intéressé dans l'État membre responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

10. Il ressort des pièces du dossier que les services préfectoraux ont remis à l'intimée, le 15 mai 2023, à l'occasion de son entretien individuel, le guide du demandeur d'asile, les brochures A et B " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne " et " Je suis sous procédure Dublin " constituant la brochure commune prévue au 3 de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que la brochure " les empreintes digitales et Eurodac " et que ces documents étaient tous rédigés en langue française, langue que l'intéressée comprend. De plus, à l'issue de son entretien, elle a signé le compte-rendu d'entretien et a déclaré sur l'honneur avoir compris la procédure engagée à son encontre ainsi que l'exactitude des renseignements délivrés et la remise de l'information sur les règlements communautaires. Ainsi, la totalité de la procédure lui a été expliquée lors de son entretien dans une langue qu'elle a déclaré comprendre, le bambara, au moyen d'un interprète du service ISM Interprétariat agréé par le ministère de l'intérieur. Mme B... a donc bénéficié de la communication orale, en bambara, des informations contenues dans les brochures prévues par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. À cet égard, la circonstance invoquée par l'intéressée et selon laquelle l'entretien n'aurait duré qu'une dizaine de minutes, n'est, à la supposer établie, pas de nature à faire considérer qu'elle aurait été privée des garanties prévues par l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a considéré que l'arrêté de transfert dont Mme B... avait invoqué l'illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté d'assignation à résidence était entaché d'illégalité pour ce motif.

12. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse à l'encontre de l'assignation à résidence par voie d'exception d'illégalité de l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile.

S'agissant des autres moyens présentés par Mme B... :

13. En premier lieu, par un arrêté du 30 janvier 2023, publié le même jour au recueil administratif spécial, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme D... C..., directrice des migrations et de l'intégration à l'effet de signer l'ensemble des décisions relatives à la police des étrangers, notamment pour signer les arrêtés portant transfert d'un étranger dans le cadre de l'Union européenne et portant assignation à résidence pour permettre l'exécution de ce transfert. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions concernées manque en fait et doit être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

15. L'arrêté de transfert vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, la convention de Genève du 28 juillet 1951 modifiée par le protocole de New-York du 31 janvier 1967, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que Mme B... déclarant être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 7 mai 2023, s'est présentée à la préfecture du Val-de-Marne le 15 mai 2023 pour y présenter une demande d'asile. Il précise également que, lors de l'enregistrement de son dossier, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé le fait que le relevé de ses empreintes avait également été effectué en Espagne le 27 février 2023, pays dont les autorités ont été saisies, le 25 mai 2023, d'une demande de prise en charge de l'intéressée et l'ont acceptée le 31 mai 2023. Il précise en outre que lors de l'entretien individuel du 15 mai 2023, Mme B... n'a présenté aucune observation particulière. Ces éléments permettent à l'intéressée de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de la Haute-Garonne pour déterminer que l'Espagne était responsable de l'examen de sa demande d'asile et prendre la décision de transfert. Par suite, cet arrêté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé. Il en va de même de l'arrêté portant assignation à résidence, qui comporte les considérations de droit qui en constituent le fondement, précise notamment que l'intéressée bénéficie d'une domiciliation postale dans le département de Haute-Garonne et fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités espagnoles dont l'exécution demeurait, à la date à laquelle elle avait été prise, une perspective raisonnable, eu égard à l'accord implicite de ces autorités le 31 mai 2023, valable six mois.

16. Il résulte de ce qui a été exposé au point précédent, que le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intimée ne peut qu'être écarté.

17. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé en situation de compétence liée pour ne pas appliquer l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. Doit également être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet dans l'application de cet article, qui est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

18. Il découle de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que l'arrêté assignant à résidence serait dépourvu de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert vers l'Espagne ne peut qu'être écarté.

19. Enfin, l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée (...) ".

20. L'accord explicite des autorités espagnoles du 31 mai 2023 étant valide pour une période de six mois, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que l'exécution de la mesure de transfert demeurait une perspective raisonnable et que Mme B... pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit en méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, a annulé l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel il a assigné à résidence Mme B....

Sur la requête n° 23TL01965 :

22. Dès lors qu'il est statué au fond par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 13 juillet 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

23. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions au bénéfice de Mme B....

DÉCIDE:

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement du 13 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé le transfert de Mme B... aux autorités espagnoles.

Article 2 : Le jugement du 13 juillet 2023 de la magistrat désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2023 assignant à résidence Mme B... et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a assignée à résidence est rejetée.

Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23TL01965 présentée par le préfet de la Haute-Garonne.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01964-23TL01965


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01964
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;23tl01964 ?
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