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27/02/2024 | FRANCE | N°21TL24466

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 27 février 2024, 21TL24466


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 1 093 845,92 euros, en réparation du préjudice subi résultant de sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B ainsi qu'une rente de 922 euros par an au titre du remboursement du matériel spécialisé et de mettre à la charge de cet Office une somme de 5 000 euros en app

lication des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 1 093 845,92 euros, en réparation du préjudice subi résultant de sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B ainsi qu'une rente de 922 euros par an au titre du remboursement du matériel spécialisé et de mettre à la charge de cet Office une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Par un jugement n°1904506 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à verser à Mme B... une indemnité de 705 256,82 euros en réparation de ses préjudices. Il a également condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme B... un capital représentatif des frais de renouvellement de son fauteuil roulant, dans la limite d'un renouvellement tous les cinq ans, et sous réserve, d'une part, d'une présentation des factures y afférentes et d'autre part, d'une absence de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou tout tiers payeur, un capital représentatif des frais de mise en place d'une boîte de vitesse automatique sur son véhicule, dans la limite d'un renouvellement tous les 10 ans, et sous réserve, d'une part, d'une présentation des factures y afférentes et d'autre part, d'une absence de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou tout tiers payeur ainsi qu'une rente annuelle à terme échu de 8 034 euros au titre de l'assistance par tierce personne à compter du 31 août 2020, sous réserve de la déduction du montant de la prestation de compensation du handicap éventuellement perçue durant cette période, versée sur justificatif du montant perçu au titre de cette prestation pour permettre à l'Office d'en chiffrer le montant exact et revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Enfin, le tribunal a mis à la charge définitive de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les frais d'expertise d'un montant total de 1 100 euros et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2021, sous le n°21BX04466 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL24466, et des mémoires, enregistrés les 8 mai, 10 juin, 6 juillet 2022 et le 21 septembre 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la SCP UGGC Avocats, agissant par Me Welsch, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il l'a condamné à indemniser les pertes de gains professionnels et futurs de Mme B... ;

2°) de réduire à de plus justes proportions les indemnisations mises à sa charge sans que ces sommes n'excèdent celle de 187 244,51 euros au titre des pertes de gains professionnels du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2016 et de rejeter, à défaut de communication des avis d'imposition par Mme B..., les demandes indemnitaires au titre des pertes de gains professionnels futurs ; subsidiairement, en cas de communication des avis d'imposition postérieurs à 2016, déduire de toute indemnisation mise à sa charge, les aides versées dont il appartient à la requérante de justifier et réduire à de plus justes proportions l'indemnisation au titre des pertes de gains professionnels futurs sans que les sommes mises à sa charge n'excèdent 25 604,38 euros au titre des arrérages échus du 1er octobre 2016 au 20 octobre 2018 et 4 381,21 euros au titre de la minoration des droits de retraite ;

3°) de rejeter comme irrecevable l'intervention de M. D... ; subsidiairement, de réduire à de plus justes proportions les indemnisations sans que les montants n'excèdent 5 000 euros au titre du préjudice d'affection et 5 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement ;

4°) de confirmer le jugement pour le surplus ;

5°) de rejeter les demandes de Mme B... au titre de l'appel incident et toute demande à son encontre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne conteste pas le droit à indemnisation de Mme B... sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ;

- les aides versées ou à venir, dont la requérante doit justifier, viendront en déduction de toute indemnisation mise à sa charge ;

- au titre des pertes de gains professionnels, le calcul des premiers juges se fonde sur un revenu de référence erroné ; le tribunal s'est référé au revenu brut revalorisé mentionné dans le relevé de carrière produit alors qu'il aurait dû tenir compte du bulletin de salaire de décembre 2002, lequel permet de constater que le revenu imposable de l'intéressée s'élevait à 25 979 euros ; le tribunal n'a également pas tenu compte de la carence de Mme B... dans la communication des avis d'imposition pour la période de 2002 à 2016 alors qu'il avait sollicité ces documents au cours de la procédure de première instance ;

- l'indemnisation du poste des pertes de gains professionnels actuels n'excèdera pas la somme de 187 244,51 euros ;

- à défaut de production des avis d'imposition postérieurs à 2016, la demande présentée au titre des pertes de gains professionnels futurs sera rejetée ; subsidiairement, la perte de revenus sur la période du 1er novembre 2016 au 20 octobre 2018 s'établit à 25 604,38 euros et l'indemnisation au titre d'une minoration des droits à retraite sera fixée à 4 381,21 euros ;

- au titre des frais d'assistance par tierce personne, le rapport d'expertise a évalué le besoin en aide humaine de la victime à 1 heure 30 par jour ; le jugement, qui a tenu compte de l'évaluation faite par l'expert et des aides versées à la victime, et qui a alloué à celle-ci une somme de 71 658,32 euros pour la période allant du 12 janvier 2003 au 31 août 2020 et une rente annuelle de 8 034 euros à terme échu pour la période postérieure, sera confirmé dans l'appréciation qu'il a faite de ce poste de préjudice ; le versement d'une rente annuelle est le moyen le plus adéquat pour éviter qu'une double indemnisation ne soit versée à la victime et pour s'assurer que cette dernière n'a pas déjà été indemnisée au titre d'un même préjudice par les organismes sociaux, pourvoyeurs d'aides ;

- la demande présentée au titre des frais de logement adapté devra, en l'état, être rejetée ;

- les premiers juges ont justement apprécié les souffrances endurées et leur appréciation globale des préjudices d'agrément, sexuel et esthétique sera aussi confirmée ;

- l'intervention de victimes indirectes n'est pas recevable lorsque leurs prétentions leur sont propres et divergent de la cause juridique tranchée par la juridiction s'agissant de l'indemnisation de la victime directe ; M. D... n'a donc pas vocation à s'associer à l'indemnisation de Mme B... ; l'indemnisation sollicitée sera réduite à un montant de 5 000 euros pour chacun des postes sollicités.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 28 février et 1er mars 2022, M. A... D..., représenté par Me Babeau, demande à la cour d'admettre son intervention, d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Toulouse et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de son préjudice d'affection et une somme de 15 000 euros au titre de son préjudice d'accompagnement et de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'il a intérêt à intervenir à l'instance pour faire valoir ses préjudices et qu'il a subi un préjudice d'affection et un préjudice d'accompagnement dont chacun doit être évalué à la somme de 15 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er mars, 3 juin, 29 juin 2022, 18 septembre et 6 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, et un dépôt de pièces enregistré le 1er mars 2022, Mme C... B... et M. A... D..., représentés par Me Babeau, demandent à la cour d'admettre l'intervention de M. D..., de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme B... une somme de 294 702,72 euros au titre de la perte de gains professionnels sur la période du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2016, une somme de 41 698,06 euros au titre de la perte de gains professionnels sur la période du 31 octobre 2016 au 20 octobre 2018 et une somme de 90 000 euros au titre de la minoration de ses droits à la retraite, de réformer ce jugement en leur allouant la somme de 130 055,60 euros au titre de l'assistance par tierce personne pour la période avant la date de consolidation, la somme de 34 435,80 euros au titre de l'assistance par tierce personne pour la période allant de cette même date de consolidation jusqu'au 31 août 2020 et celle de 326 635,66 euros au titre de l'assistance par tierce personne servie en capital pour la période à compter du 1er septembre 2020, de le réformer en allouant la somme de 61 446 euros au titre du maintien de Mme B... dans l'habitat, en portant à 35 000 euros l'indemnisation des souffrances endurées par Mme B... et à 40 000 euros celle de son préjudice d'agrément, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à leur verser 15 000 euros au titre du préjudice d'affection de M. D... et 15 000 euros au titre de son préjudice d'accompagnement, de mettre enfin à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les dépens et une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- M. D..., époux de Mme B..., a intérêt à intervenir à l'instance pour faire valoir ses préjudices ;

- les conditions de mise en œuvre de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique sont remplies ;

- Mme B... a fourni les justificatifs de l'intégralité de ses ressources ; elle ne peut produire les avis d'imposition antérieurs à 2011, ceux-ci n'étant pas conservés ; son salaire annuel de référence est bien de 33 643 euros et correspond au salaire revalorisé que le juge doit appliquer ; conforme à son relevé de carrière, il n'est pas erroné ; la perte de gains professionnels durant les années 2003 à 2016 est justifiée et le jugement sera confirmé sur ce point ;

- le tribunal a fait une juste appréciation de la perte de gains professionnels futurs sur la base de ce même revenu revalorisé ;

- jusqu'à la date de consolidation, le besoin d'assistance par tierce personne peut être évalué, à raison d'1 heure 30 par jour du 12 janvier 2003 au 31 décembre 2007 puis de 2 heures 30 par jour du 1er janvier 2008 au 21 mai 2017 sur la base d'un tarif horaire de 13 euros, à 130 055,60 euros et le montant total d'aides à déduire s'établit à 29 676,61 euros ; de la date de consolidation jusqu'au 31 août 2020, ce besoin peut être évalué, à raison de 2 heures 30 par jour sur la base d'un tarif horaire de 13 euros, à 34 435,80 euros ; les arrérages à échoir pour ce poste à compter du 1er septembre 2020 peuvent être calculés en retenant un prix de l'euro de rente viagère de 24,394 ; Mme B... est libre de solliciter une indemnisation sous forme de capital tandis que l'Office ne peut exiger une indemnisation sous forme de rente ;

- les frais d'adaptation de son logement s'élèvent, d'après le devis produit pour l'aménagement de l'espace habitable de sa maison qu'il convient de prendre en compte, à 61 446 euros ;

- l'indemnisation des souffrances endurées par Mme B... doit être évaluée à 35 000 euros et celle de son préjudice d'agrément à 40 000 euros ;

- M. D... a subi un préjudice d'affection et un préjudice d'accompagnement dont chacun sera évalué à 15 000 euros.

Par une ordonnance du 22 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., qui exerçait la profession d'infirmière dans l'association des parents d'enfants inadaptés et handicapés de la société Airbus depuis le 23 décembre 1985, a été à ce titre soumise à une vaccination contre l'hépatite B. Elle a ainsi reçu trois injections de vaccin les 18 février, 18 mars et 22 avril 1991 ainsi que deux rappels le 13 avril 1992 et le 12 novembre 1997. Trois mois après l'administration de l'ultime dose de rappel, Mme B... a présenté une monoparésie gauche et quelques anomalies de la sensibilité. Mme B... a consulté, le 20 décembre 2002, un médecin neurologue qui a évoqué le diagnostic de sclérose en plaques, que des examens pratiqués au cours d'une hospitalisation en janvier 2003 ont permis de confirmer. Ayant refusé l'offre d'indemnisation partielle présentée par une lettre du 6 juillet 2016 de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, Mme B... a alors recherché, devant le tribunal administratif de Toulouse, l'indemnisation de ses préjudices par cet établissement public sur le fondement des articles L. 3111-1 et suivants du code de la santé publique. Par un jugement n°1904506 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a notamment condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme B... une indemnité de 705 256,82 euros en réparation de ses préjudices ainsi qu'une rente annuelle à terme échu de 8 034 euros au titre de l'assistance par tierce personne à compter du 31 août 2020. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales relève appel de ce jugement et Mme B... et son époux forment, quant à eux, appel incident.

Sur l'intervention volontaire de l'époux de Mme B... :

2. Une intervention ne peut intervenir qu'au soutien des conclusions du requérant ou du défendeur. L'intervenant peut néanmoins faire valoir des prétentions propres à condition de ne pas présenter des questions différentes de celles soumises au juge par les parties.

3. En l'espèce, l'intervention de l'époux de Mme B..., qui n'était pas partie en première instance, tend à la réparation, par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de ses propres préjudices d'affection et d'accompagnement, en tant que victime indirecte, résultant de la contamination de son épouse par le virus de l'hépatite B. Cette intervention des 28 février et 1er mars 2022, qui ne tend pas aux mêmes fins que les conclusions présentées en défense le 1er mars 2022 par Mme B... et présente des questions distinctes de celles soumises au juge par les parties n'est, par suite, pas recevable.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la réparation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale :

4. Aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent titre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale ".

5. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a considéré comme établi le lien de causalité entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B à laquelle Mme B... a été soumise dans le cadre de son activité professionnelle et l'apparition de sa sclérose en plaques et il a, en conséquence, jugé que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales était tenu d'indemniser Mme B... des conséquences dommageables des injections vaccinales contre l'hépatite B. Le jugement n'est pas contesté sur ce point.

En ce qui concerne les préjudices de Mme B... :

S'agissant des pertes de gains professionnels :

6. Il résulte de l'instruction que Mme B..., qui occupait un emploi à temps complet d'infirmière dans l'association des parents d'enfants inadaptés et handicapés de la société Airbus, a été placée en congé de maladie à compter du 16 décembre 2002, licenciée pour inaptitude à son poste le 3 novembre 2005, puis admise à la retraite pour inaptitude le 1er novembre 2016. L'indemnisation des pertes de gains professionnels de l'intéressée doit se fonder sur les salaires effectivement perçus devant servir de revenu de référence plutôt que sur un revenu revalorisé théoriquement pour le calcul de sa retraite. Ainsi, en tenant compte du salaire annuel reçu par l'intéressée préalablement à son arrêt de travail tel qu'il ressort de son bulletin de salaire du mois de décembre 2002 d'un montant de 25 979 euros, et non du montant revalorisé de 33 643 euros au titre de l'année 2002 mentionné sur son relevé de carrière, ainsi que des montants tels que retenus par les premiers juges versés à Mme B... par la sécurité sociale au titre des indemnités journalières et par son organisme de prévoyance au titre de sa pension d'invalidité pour la période allant du 1er juillet 2015 au 31 octobre 2016, les pertes de gains professionnels de Mme B... s'établissent à la somme de 187 244,51 euros pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2016 au lieu des 294 702,72 euros retenus par les premiers juges. S'agissant de la période allant du 1er novembre 2016 au 20 octobre 2018, au titre de laquelle il est vraisemblable que la victime aurait continué à travailler si elle n'avait pas contracté de sclérose en plaque, ses pertes de gains professionnels peuvent être évaluées à 26 604,38 euros au lieu des 41 698,06 euros retenus par les premiers juges, à partir d'un salaire annuel de référence de 25 979 euros et après déduction d'un montant de pension de retraite de 24 574,04 euros au titre de la période considérée.

7. Enfin, il ressort de son relevé de carrière que le revenu annuel revalorisé de Mme B... pour l'année 2002, soit avant son arrêt de travail, pris en compte pour le calcul de sa retraite s'élevait à 33 643 euros tandis que son revenu de base mentionné sur ce même document s'établit à 24 950,22 euros, correspondant à un montant de pension de retraite annuel de 12 475 euros après application d'un taux de 50%. Eu égard aux chances de Mme B... de conserver durablement le niveau de revenu de l'année 2002 si elle n'avait pas contracté de sclérose en plaque, le tribunal n'a pas fait une appréciation excessive de la perte moyenne annuelle de revenus subie par Mme B... à compter de son départ en retraite, en l'estimant à 4 150 euros et en fixant, par suite, à 90 000 euros le montant de l'indemnité à lui allouer au titre de la minoration de ses droits à retraite. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne conteste d'ailleurs pas sérieusement cette évaluation et l'absence de production par Mme B... des avis d'imposition des années postérieures à 2016 ne fait pas obstacle au constat d'une telle minoration.

S'agissant de l'assistance par tierce personne :

8. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il fixe, ensuite, le montant de l'indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce titre, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant.

9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, que l'état de Mme B... rend nécessaire, avant et après sa consolidation du 22 mai 2017, l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure et demie par jour pour les actes essentiels de la vie quotidienne, l'aide au ménage et aux courses et il est constant que son époux lui a apporté cette aide. Si Mme B... sollicite la prise en compte d'un besoin quotidien d'assistance à raison de 2 heures et demie à compter de janvier 2008, supérieur à celui retenu par l'expert, elle ne justifie à ce titre que d'un recours ponctuel à l'assistance d'une employée à domicile, en novembre et décembre 2017, à raison de 22 heures par mois pour un salaire horaire net de 9,20 euros. Dès lors et eu égard aux éléments qui précèdent, il y a lieu de fixer à 13 euros le tarif moyen horaire, tel que retenu par les premiers juges. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. Ainsi, sur la période comprise entre le 12 janvier 2003 et le 31 août 2020, cette assistance s'établit ainsi à la somme de 111 063,80 euros, de laquelle il convient de déduire l'aide versée à ce titre par la maison départementale des personnes handicapées telle que retenue par les premiers juges, soit le montant de 39 405,48 euros. Les frais d'assistance par une tierce personne doivent donc être évalués à une somme de 71 658,32 euros pour la période correspondante.

10. S'agissant des frais d'assistance par tierce personne à compter du 1er septembre 2020, date à compter de laquelle la majoration tierce personne dont bénéficie Mme B... est devenue supérieure au montant de sa prestation de compensation de handicap au titre de l'aide humaine effectuée par un aidant familial, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'indemniser le préjudice subi sous la forme d'une rente sur la base du taux horaire de 13 euros. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une évolution ultérieure du mode de prise en charge de la victime aurait pour conséquence de la décharger de tout ou partie de ses frais d'assistance par une tierce personne. Il y a lieu par suite et ainsi que l'a jugé le tribunal, de mettre à ce titre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une rente annuelle à terme échu d'un montant de 8 034 euros, sous réserve de la déduction du montant des prestations éventuellement perçues ayant pour objet la prise en charge de tels frais durant cette période. Cette rente, versée sur justificatif du montant perçu au titre de ces prestations, sera revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

S'agissant des frais d'adaptation du logement :

11. Mme B... sollicite une indemnité de 61 446 euros au titre des frais d'adaptation de sa maison, notamment pour permettre la circulation de son fauteuil roulant. Cependant, le seul devis de travaux d'aménagement et de mise en conformité qu'elle produit, en date du 9 mai 2022, est présenté par une entreprise dont l'activité principale exercée consiste seulement en des travaux de peinture et vitrerie et qui est gérée par son fils. Dans ces conditions, cette demande est injustifiée en l'état et ne peut donc qu'être rejetée.

S'agissant des préjudices personnels :

12. Les souffrances endurées par Mme B..., ont été évaluées par l'expert à 5 sur une échelle de 7. Le préjudice subi à ce titre peut être évalué à la somme de 15 000 euros. Par suite, en allouant cette dernière somme à l'intéressée, le tribunal n'a pas procédé à une inexacte évaluation de ce poste de préjudice.

13. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, que Mme B... a subi un préjudice d'agrément du fait de l'impossibilité de pratiquer les activités physiques qu'elle exerçait auparavant, un préjudice sexuel et un préjudice esthétique permanent, évalué par l'expert à 4 sur une échelle de 7. Les premiers juges n'ont pas procédé à une insuffisante appréciation de ces préjudices en les évaluant globalement à la somme de 15 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices de l'époux de Mme B... :

14. Mme B... n'est pas recevable à solliciter l'indemnisation des préjudices propres de son époux alors que lesdites conclusions ont déjà fait l'objet d'une fin de non-recevoir accueillie par le tribunal dont le bien-fondé n'est pas contesté en appel. De même, M. D..., qui n'était pas partie en première instance, n'est pas recevable à contester le jugement attaqué et à solliciter, par voie d'appel incident, l'indemnisation de ses préjudices propres.

15. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est fondé à demander que l'indemnité qu'il a été condamné à verser à Mme B... soit réduite de 705 256, 82 euros à 582 704,93 euros et d'autre part, que les conclusions d'appel incident présentées par Mme B... et son époux doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Le jugement attaqué n'étant pas contesté en ce qu'il a mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les frais d'expertise d'un montant de 1 100 euros, la demande de Mme B... relative aux dépens est sans objet et doit donc être rejetée. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de M. D... n'est pas admise.

Article 2 : L'indemnité que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à Mme B... est réduite de 705 256, 82 euros à 582 704,93 euros.

Article 3 : Le jugement n°1904506 du 30 septembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., M. A... D... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21TL24466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL24466
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Service des vaccinations.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BABEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;21tl24466 ?
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