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14/03/2024 | FRANCE | N°22TL20948

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 14 mars 2024, 22TL20948


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Empumat Impex SL a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat au paiement de la somme de 749 800 euros avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la mise en œuvre de procédures fautives par les services fiscaux.



Par un jugement n° 2001126 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une ordonnance du 11 avril 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Empumat Impex SL a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat au paiement de la somme de 749 800 euros avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la mise en œuvre de procédures fautives par les services fiscaux.

Par un jugement n° 2001126 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance du 11 avril 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis à la cour administrative d'appel de Toulouse le dossier de la requête de la société Empumat Impex SL.

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2022 sous le n° 22MA00985 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite le 12 avril 2022 sous le n° 22TL20948 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Empumat Impex SL, représentée par Me Sanchez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 749 800 euros avec capitalisation des intérêts en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la mise en œuvre de procédures fautives par les services fiscaux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale a commis une faute en engageant une procédure de visite domiciliaire puis de flagrance fiscale alors qu'elle n'ignorait pas, grâce aux informations obtenues par assistance administrative dès 2014, qu'elle ne disposait d'aucun établissement stable en France ;

- il en va de même s'agissant de l'engagement d'une vérification de comptabilité et l'engagement de ces procédures ne peut donc s'expliquer que par la volonté de l'administration d'entraver son bon fonctionnement ;

- l'administration fiscale a entamé des opérations de contrôle à son encontre bien avant l'envoi d'un avis de vérification de comptabilité, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- les agissements fautifs des services fiscaux ont gravement impacté son fonctionnement et son activité entre le 21 avril 2017 et le 18 mars 2019 et entraîné son discrédit auprès de ses fournisseurs et principaux clients, ce qui a induit une baisse de 50 % de son chiffre d'affaires, soit un préjudice commercial pouvant être évalué à 374 900 euros ;

- une somme équivalente doit lui être allouée en réparation du préjudice moral subi par son dirigeant et associé unique, M. A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société n'a pas d'intérêt à agir s'agissant des conclusions indemnitaires tendant à l'indemnisation du préjudice moral de son dirigeant et présentées pour le compte de ce dernier, celles-ci sont donc irrecevables ;

- aucune faute ne peut être imputée aux services fiscaux et, à titre subsidiaire, la réalité des préjudices dont il est demandé réparation, de même que leur lien de causalité avec la faute invoquée, ne sont pas établis.

Une ordonnance du 25 octobre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société espagnole Empumat Impex SL, qui exerce une activité de commerce de véhicules et accessoires ainsi que de lavage de voiture, a pour gérant et associé unique M. A..., ce dernier exerçant également une activité individuelle de transports routiers et de vente de véhicules en France. Au cours du mois de décembre 2016, des agents de la direction nationale des enquêtes fiscales ont procédé, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Mende, à une visite de locaux avec saisie, au cours de laquelle a été établi un procès-verbal de flagrance fiscale, concernant des fraudes présumées de la part de la société Empumat Impex SL ainsi que de son gérant dans le cadre de son activité individuelle. L'administration a ensuite décidé, en avril 2017, d'engager une procédure de vérification de comptabilité de la société et un examen de la situation fiscale personnelle de M. A.... Il a toutefois été mis fin à ces procédures de contrôle, sans rectification, respectivement le 15 novembre 2018 et le 8 mars 2019. Estimant avoir été victime de dysfonctionnements de la part de l'administration fiscale, caractérisés par la mise en œuvre abusive de diverses procédures, la société Empumat Impex a adressé une réclamation préalable tendant à la réparation des préjudices commercial et moral qu'elle aurait subis, reçue le 7 janvier 2020 par l'administration fiscale qui n'y a pas donné suite. Elle fait appel du jugement du 11 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie.

3. En premier lieu, la société requérante reproche à la direction nationale des enquêtes fiscales d'avoir saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Mende afin de mettre en œuvre la procédure de visite domiciliaire avec saisie sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans le seul but de lui nuire et alors qu'elle n'en ignorait pas le caractère vain au vu des informations recueillies dans le cadre de l'assistance administrative internationale en 2014. Partant, la société invoque un dysfonctionnement des services fiscaux ayant conduit à engager la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dont il se détache. Elle soutient que, pour les mêmes raisons, revêt également un caractère fautif l'engagement de procédures de contrôles sur place à son encontre et à celle de son dirigeant.

4. Il résulte de l'instruction que les informations recueillies par l'administration fiscale dans le cadre de sa demande d'assistance adressée aux autorités espagnoles le 10 septembre 2014 portaient sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013 et étaient donc antérieures à la décision de saisir le juge des libertés et de la détention, de sorte que la situation de la société pouvait avoir évolué. Ces informations, selon lesquelles la société Empumat Impex SL était connue des services fiscaux espagnols et disposait d'un établissement stable en Espagne, résultent des propres déclarations de la société auprès des autorités espagnoles et ne faisaient nullement obstacle à ce que l'administration fiscale recherche, le cas échéant dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'existence d'un établissement stable de la société en France, laquelle ne pouvait être exclue du seul fait que l'entreprise disposerait déjà d'un établissement stable dans un autre Etat. La procédure de visite domiciliaire ayant conduit à l'établissement d'un procès-verbal de flagrance fiscale a été autorisée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Mende par une ordonnance du 12 décembre 2016, au vu d'éléments réunis par l'administration fiscale et parmi lesquels figurait d'ailleurs la demande d'assistance administrative de 2014. Dans ces conditions, et alors que la société n'apporte aucun élément de nature à établir que l'administration fiscale aurait mis en œuvre les procédures de visite domiciliaire puis de flagrance fiscale dans le seul but de lui nuire, aucune faute tirée d'un dysfonctionnement du service qui aurait conduit à engager les procédures litigieuses ne peut être imputée à l'Etat. Doit également être écartée, pour les mêmes motifs, la faute tirée de l'engagement de procédures de contrôles sur place à l'encontre de la société et de son dirigeant, une telle décision ne pouvant au demeurant revêtir en elle-même un caractère fautif. A cet égard, l'abandon, en novembre 2018 et en mars 2019, de la vérification de comptabilité de la société et de l'examen de la situation fiscale personnelle de son dirigeant est intervenu à la suite de la réception, en octobre 2018, de nouvelles réponses à des demandes d'assistance administrative adressées aux autorités espagnoles et andorranes, lesquelles ont pu être confrontées aux constatations du service lors de ses opérations de contrôle sur place. Cet abandon ne révèle donc pas que la décision de procéder à ces opérations de contrôle serait fautive ou injustifiée dès lors que l'administration fiscale avait été informée dès 2014 de ce que la société disposait d'un établissement stable en Espagne au titre des années 2009 à 2013.

5. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait livrée à des opérations de vérification de comptabilité avant l'envoi de l'avis prévu à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. La procédure de visite et de saisie instituée par l'article L. 16 B étant indépendante de la vérification de comptabilité et constituant une étape distincte de la procédure d'imposition, son usage, dont la régularité a au demeurant été constatée par le juge judiciaire, ne saurait être assimilé à un détournement de la procédure de vérification de comptabilité. Il en va de même s'agissant de la demande d'assistance aux autorités espagnoles. La société n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle aurait été victime d'une faute résultant d'une vérification de comptabilité sans en avoir été dûment avisée.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Empumat Impex SL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Empumat Impex SL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Empumat Impex SL et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

A. BarthezLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20948
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Services économiques. - Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Camille CHALBOS
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : SANCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;22tl20948 ?
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