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26/03/2024 | FRANCE | N°23TL01257

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 26 mars 2024, 23TL01257


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... E... a demandé au tribunal administratif de B... de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et a enjoint à ce préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et famil

iale " dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de B... de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et a enjoint à ce préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard.

Par un jugement n°2205910 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de B... a dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire de M. E..., a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 12 septembre 2022 et a enjoint à ce préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en tant que parent d'enfant français dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 1er juin 2023 sous le numéro 23TL01256, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de B....

Il soutient que :

- son appel est recevable ratione temporis ;

- c'est à tort que le tribunal administratif s'est substitué à ses services en considérant que l'intéressé répondait aux conditions de l'article L.423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers alors qu'il ne démontre pas l'effectivité de sa contribution à l'éducation de l'enfant, notamment pour les mois de mai et juin 2022 ; les pièces nombreuses versées par l'intéressé devant le tribunal administratif n'ont pas été produites devant ses services, même après demande de pièces ; ses allégations relatives à la garde de sa fille un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires ne sont justifiées par la production d'aucun document ; sur les trente photos de type " selfies " produites au dossier, seules onze ont été prises après la séparation du couple ;

- sa décision portant refus d'admission au séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'intéressé, qui a été condamné à huit mois d'emprisonnement, dont quatre avec sursis et deux ans de mise à l'épreuve pour des violences conjugales commises sur son épouse enceinte de leur enfant A..., lui occasionnant une interruption temporaire de travail de dix jours, et en présence de sa fille âgée de quatre ans, constitue une menace à l'ordre public.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2023, et des pièces complémentaires enregistrées le 13 octobre 2023 et le 15 février 2024, M. E..., représenté par Me Brangeon, demande à la cour :

1°) de rejeter la demande de sursis à exécution du préfet de la Haute-Garonne ;

2°) de confirmer le jugement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au profit de son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il fait valoir que :

-le jugement est suffisamment motivé ;

-il a justifié à tout le moins s'occuper de sa fille depuis sa naissance et jusqu'à la séparation d'avec la mère de l'enfant, à l'été 2021 ; depuis, les photos ainsi que les attestations produites justifient du maintien des liens avec sa fille et de son investissement dans son éducation ; il a participé à son entretien ainsi que le démontrent les virements de 100 euros effectués de septembre 2021 à avril 2022 et de juillet à août 2022, puis de deux virements de 120 euros en septembre 2022 ; son épouse atteste qu'il prend l'enfant un week-end sur deux ; il justifie des virements de 100 euros et des achats effectués en mai et juin 2022 ;

-il a toujours travaillé et satisfait ses employeurs ;

-il a effectué un mois et demi d'incarcération, payé les jours-amende et a depuis sa condamnation un comportement exemplaire et ne constitue pas une menace grave et actuelle à l'ordre public.

Par décision du 22 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de B... a constaté le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au bénéfice de M. E....

Par ordonnance du 26 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2024.

II. Par une requête, enregistrée le 1er juin 2023 sous le numéro 23TL01257, le préfet de la Haute-Garonne demande, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement n°2205910 du 17 mai 2023.

Il soutient qu'il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement contesté, tiré de l'erreur de droit commise par le premier juge, et le rejet des conclusions à fin d'annulation, d'injonction et de condamnation accueillies, ainsi qu'il en a justifié dans sa requête au fond.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2023, et des pièces complémentaires enregistrées le 13 octobre 2023, M. E..., représenté par Me Brangeon, demande à la cour :

1°) de rejeter la demande de sursis à exécution du préfet de la Haute-Garonne ;

2°) de confirmer le jugement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au profit de son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il fait valoir les mêmes éléments que dans l'instance n° 23TL01256.

Par ordonnance du 26 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2024.

Par décision du 9 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de B... a constaté le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au bénéfice de M. E....

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente rapporteure,

- et les observations de Me Brangeon, représentant M.E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant camerounais né le 26 mai 1991 à Yaoundé (Cameroun) déclare être entré en France au mois de décembre 2017. Le 12 octobre 2019, il a épousé à Cransac (Aveyron), une ressortissante française, Mme F..., et l'enfant G... est née de cette union le 18 août 2020 à Quint-Fonsegrives (Haute-Garonne). Le 15 octobre 2020, il a sollicité son admission au séjour en qualité de parent d'enfant français, et a bénéficié à ce titre d'une carte de séjour temporaire d'un an valable jusqu'au 1er février 2022. Le couple s'est séparé le 17 juillet 2021. Saisi le 14 décembre 2021 d'une demande de renouvellement de son droit au séjour en qualité de parent d'un enfant français, le préfet de la Haute-Garonne, par arrêté du 12 septembre 2022, a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pouvait être renvoyé. Par sa requête n°23TL01256, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement en date du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de B... a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en tant que parent d'enfant français dans le délai d'un mois suivant sa notification. Par la requête n° 23TL01257, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution.

2. Les requêtes n° 23TL01256 et n° 23TL01257 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 23TL01256 :

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., qui soutient résider sur le territoire français depuis le mois de décembre 2017, s'est marié le 12 octobre 2019 avec une ressortissante française. De cette union est née le 18 août 2020 à Quint-Fonsegrives (Haute-Garonne) l'enfant légitime de nationalité française D... dont il a reconnu la paternité le 20 août 2020. Le couple s'est séparé le 17 juillet 2021, et le versement à l'amiable d'une somme de cent euros a été convenu au bénéfice de la mère de l'enfant qui en assure la garde, pour contribuer à son entretien et à son éducation. Pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité en qualité de parent d'enfant français, le préfet s'est fondé sur la circonstance selon laquelle M. E... a été condamné par un jugement en date du 16 mars 2020 du tribunal correctionnel de Rodez à une peine de huit mois d'emprisonnement dont quatre avec sursis et deux ans de mise à l'épreuve pour des faits de violence sans incapacité commis sur la personne de son épouse enceinte. Il ressort des éléments du dossier que l'intéressé a effectué, en exécution de cette condamnation, un mois et demi d'incarcération et payé les jours-amende, qu'il s'est conformé strictement aux termes de son suivi socio-judiciaire, qu'il n'a commis aucune infraction depuis sa condamnation et qu'il se prévaut de son insertion socio professionnelle en produisant des justificatifs d'emploi sur différentes missions en intérim et en qualité d'employé polyvalent d'hôtellerie de nuit ainsi qu'un contrat de bail d'un logement avec sous location souscrit auprès d'une association. M. E... soutient accueillir l'enfant à son domicile les week-ends et durant les vacances scolaires et produit le jugement de non-lieu et de clôture en assistance éducative rendu le 19 octobre 2022 par le tribunal pour enfants de B... attestant qu'il assure ses droits de visite et d'hébergement, outre les justificatifs relatifs à sa contribution régulière à l'entretien de l'enfant par le versement d'une pension mensuelle de cent euros entre septembre 2021 et septembre 2022, et sa contribution par l'achat d'articles de puériculture et d'un tricycle entre décembre 2021 et mars 2022. Par suite, eu égard aux preuves produites tant en première instance qu'en appel, de sa contribution effective à l'entretien et l'éducation de son enfant française et au regard des éléments témoignant de l'intensité des liens tissés avec elle, c'est à bon droit que le tribunal administratif de B..., qui pouvait tenir compte des pièces produites devant lui et dont les services préfectoraux n'auraient pas eu connaissance, a jugé que M. E... apportait des éléments démontrant ses efforts d'intégration manifeste et un comportement responsable dans sa relation avec son enfant et qu'il remplissait les conditions posées par l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B... a annulé l'arrêté préfectoral du 12 septembre 2022, lui a enjoint à délivrer à l'intéressé une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en tant que parent d'enfant français dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le paiement au conseil de M. E... d'une somme globale de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 23TL01257 :

6. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2205910 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de B..., les conclusions de la requête n° 23TL01357 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

7. M. E... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Brangeon, avocate de M. E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Brangeon de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 23TL01257.

Article 2 : La requête n° 23TL01256 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Brangeon, avocate de M. E... la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... E... et à Me Brangeon.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La présidente rapporteure,

A. Geslan-Demaret La présidente assesseure,

A. Blin

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 23TL01256-23TL01257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01257
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Armelle GESLAN-DEMARET
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CABINET BRANGEON DESCHAMPS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23tl01257 ?
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