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20/01/2005 | FRANCE | N°02VE03243

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 20 janvier 2005, 02VE03243


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE LA CHAUSSURE, élisant domicile au ..., par Me X... ;
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Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE LA CHAUSSURE, élisant domicile au ..., par Me X... ;

Vu la requête enregistrée le 2 septembre 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE LA CHAUSSURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103979 du 24 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du préfet de l'Essonne autorisant la Compagnie européenne de la chaussure à employer des salariés le dimanche pendant six mois ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Versailles par la Fédération nationale des détaillants en chaussures de France, le Syndicat des détaillants en chaussures de Paris-Ile-de-France et Centre, la Confédération française des travailleurs chrétiens des salariés du groupe André et la Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente ;

3°) de condamner les défendeurs à lui verser 4 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal administratif de Versailles n'a pas répondu aux moyens tirés de l'irrecevabilité de la requête et du défaut d'intérêt à agir des demandeurs ; que le jugement est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2004, présenté pour la Fédération nationale des détaillants en chaussures de France, le Syndicat des détaillants en chaussures de Paris, Ile de France et Centre, la Confédération française des travailleurs chrétiens des salariés du groupe André et la Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente ; ces quatre syndicats demandent : 1° le rejet de la requête, 2° à titre subsidiaire, l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2001 du préfet de l'Essonne et de la décision de la même autorité refusant de retirer ledit arrêté, 3° la condamnation de la Compagnie européenne de la chaussure à verser à chacun d'eux la somme de 4000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu'en sa qualité d'intervenante en première instance, la Compagnie européenne de la chaussure n'a pas intérêt pour agir en appel ; qu'elle ne présente aucun moyen nouveau ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, les quatre syndicats ont intérêt pour agir ; que les présidents des trois premiers syndicats ont qualité pour agir et que, s'agissant de la Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente, M.X a été régulièrement habilité par le conseil syndical ; que les syndicats d'employeurs n'ont pas été consultés ; que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ; qu'il méconnaît l'article L. 221-6 du code du travail car il ne précise pas les modalités du repos compensateur ; que la fermeture du magasin de la Compagnie européenne de la chaussure le dimanche n'est pas préjudiciable au public et ne porte pas atteinte au fonctionnement normal de l'établissement ; que la Compagnie européenne de la chaussure ne peut se prévaloir d'un chiffres d'affaires obtenu à la suite d'une ouverture irrégulière le dimanche ; qu'une réorganisation du travail peut remédier à la perte du chiffre d'affaires ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2005 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;

et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête de la Compagnie européenne de la chaussure :

Considérant que la personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir, est recevable à interjeter appel du jugement rendu sur ce recours contrairement aux conclusions de son intervention, lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition contre le jugement faisant droit au recours ; qu'aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : Toute personne peut faire tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. ;

Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a, sur la requête de quatre syndicats, annulé la décision du préfet de l'Essonne accordant à la Compagnie européenne de la chaussure une dérogation à la règle du repos le dimanche ; que la Compagnie européenne de la chaussure justifie ainsi d'un droit qui lui aurait donné qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition contre ce jugement ; que par voie de conséquence, l'appel dirigé par cette société contre le jugement du tribunal administratif de Versailles est recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que dans son mémoire en défense présenté en première instance devant le Tribunal administratif de Versailles le 25 janvier 2002, soit avant la clôture de l'instruction, la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE a soutenu que les quatre syndicats demandeurs ne justifiaient pas d'un intérêt pour agir ; que le tribunal n'a pas répondu à cette fin de non-recevoir ; que, dès lors, le jugement est irrégulier et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Fédération nationale des détaillants en chaussures de France, la Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente, la Confédération française des travailleurs chrétiens des salariés du groupe André et le Syndicat des détaillants en chaussures de Paris-Ile-de-France et Centre ;

Sur l'intérêt pour agir des quatre syndicats précités :

Considérant que par arrêté du 21 juin 2001, le préfet de l'Essonne a autorisé la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE à employer des salariés le dimanche pendant une période de six mois dans son magasin Chaussland de Villebon-sur-Yvette ; que par une requête enregistrée le 28 septembre 2001, les quatre syndicats précités ont demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation de cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.411-11 du code du travail : (Les syndicats professionnels) ont le droit d'ester en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. et qu'aux termes de l'article L.411-23 du même code : (Les unions syndicales) jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels par la section II du présent chapitre et par le chapitre III du présent titre. ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 des statuts de la Confédération française des travailleurs chrétiens des salariés du groupe André : Ce syndicat a pour objet : la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des salariés... de toutes les sociétés et de tous les établissements du groupe André. ; qu'il est constant que l'établissement concerné, dont l'enseigne est Chaussland , est un établissement de la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE qui était elle-même une société du groupe André ; que dès lors, la Confédération française des travailleurs chrétiens des salariés du groupe André justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté susvisé, sans que la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE puisse utilement faire valoir que sa demande serait contraire au principe de la liberté du travail ou que les salariés de l'établissement seraient favorables à l'ouverture le dimanche de cet établissement ;

Considérant que le Syndicat des détaillants en chaussures de Paris-Ile-de-France et Centre a pour objet la défense des intérêts professionnels de ses membres ; que contrairement à ce que soutient la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE, il ne résulte pas des articles L.221-6 et L.221-7 du code du travail que le législateur ait entendu exclure de l'appréciation que doit porter le préfet sur les demandes de dérogation à la règle du repos le dimanche la prise en compte des atteintes au principe de libre concurrence entre les établissements ; qu'ainsi, le syndicat précité a intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté susvisé ;

Considérant que la Fédération nationale des détaillants en chaussures de France a pour objet la défense des intérêts professionnels de ses membres ; que la circonstance qu'elle est un syndicat d'employeurs ne peut faire obstacle à ce lui soit reconnu un intérêt pour agir ; que, par ailleurs, la Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente a notamment pour objet d'appuyer l'action de ses syndicats ; que ces deux fédérations syndicales soutiennent sans être contredites que la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE possède 650 établissements répartis sur le territoire français, que cette société a fait l'objet de condamnations pénales pour avoir contrevenu de manière systématique à la législation sur le repos hebdomadaire du dimanche et que chaque demande de dérogation s'inscrit dans une politique de niveau national nécessitant l'action des organisations syndicales nationales ; que dans ces conditions, alors même qu'existeraient des syndicats de niveau départemental adhérant à ces fédérations, celles-ci justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté susvisé ;

Sur la qualité pour agir du président de la CFTC du groupe André :

Considérant qu'en vertu de l'article de l'article 26 des statuts de la Confédération française des travailleurs chrétiens des salariés du groupe André, le président de cette confédération peut agir en justice ; que si aux termes de l'article 21 des mêmes statuts le conseil syndical gère et organise l'activité du syndicat , ces dispositions ne peuvent être regardées comme réservant expressément à ce conseil le droit de décider d'agir en justice ; que, par suite, le président de ladite confédération avait qualité pour former, au nom de celle-ci, un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté susvisé ;

Sur la légalité de l'arrêté du 21 juin 2001 du préfet de l'Essonne :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-5 du code du travail : Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche ; qu'aux termes de l'article L. 221-6 du même code : Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être donné, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités ci-après : a) Un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l'établissement ; b) Du dimanche midi au lundi midi ; c) Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ; d) Par roulement à tout ou partie du personnel. Les autorisations nécessaires ne peuvent être accordées que pour une durée limitée. Elles sont données après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d'industrie et des syndicats d'employeurs et de travailleurs intéressés de la commune ;

Considérant que le magasin Chaussland a pour activité la vente de chaussures dans le centre commercial de Villebon 2, situé à la périphérie de Villebon-sur-Yvette ; que le préfet de l'Essonne soutient sans être contredit que plus de deux mille personnes ont signé une pétition en faveur de l'ouverture le dimanche de ce centre commercial et que l'achat de chaussures s'effectue principalement en famille ; que, toutefois, la dérogation prévue à l'article L.221-6 précité du code du travail ne peut légalement être accordée en raison d'une simple gêne ou pour des raisons de commodité ; que l'achat de chaussures peut, pour la plupart des familles, être réalisé en semaine et notamment le samedi ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fermeture de Chaussland le dimanche serait préjudiciable au public au sens de l'article L.221-6 précité du code du travail ;

Considérant, par ailleurs, que le préfet soutient que le magasin Chaussland réalise 20% de son chiffre d'affaires le dimanche ; que, toutefois, la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE, qui a fait l'objet de lourdes condamnations pénales pour avoir ouvert illégalement ses magasins le dimanche, ne peut se prévaloir d'un chiffre d'affaires dominical obtenu par son maintien dans une situation irrégulière ; qu'elle n'établit pas que d'autres magasins exerçant la même activité dans la commune de Villebon-sur-Yvette bénéficieraient d'une autorisation d'ouverture le dimanche ; qu'elle ne démontre pas davantage qu'une grande partie de son chiffre d'affaires dominical ne pourrait pas être compensé par des ventes effectuées en semaine ; qu'enfin, à l'appui de ses allégations, elle ne produit aucun document comptable, ni aucune comparaison financière entre les périodes où elle a ouvert le dimanche et les autres périodes ; que, dès lors, et sans qu'elle puisse utilement se prévaloir, au regard des dispositions précitées, de ce que la fermeture de son établissement le dimanche la conduirait à supprimer l'emploi d'étudiants le dimanche ou que l'ouverture le dimanche serait favorable aux salariés, elle n'établit pas que cette fermeture le dimanche compromettrait le fonctionnement normal de son établissement au sens de l'article L.221-1 du code du travail précité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les quatre syndicats précités sont fondés à soutenir qu'en estimant que les deux conditions posées par l'article L.221-6 du code du travail étaient réunies, le préfet de l'Essonne a fait une inexacte appréciation des dispositions de cet article, et à en demander l'annulation ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative applicable devant les cours administratives d'appel : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les quatre syndicats précités qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à payer à la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que le département de l'Essonne n'étant pas partie à l'instance, les quatre syndicats précités ne sont pas recevables à demander que cette collectivité soit condamnée à leur verser la somme qu'ils demandent sur le fondement des mêmes dispositions ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à verser aux quatre syndicats précités la somme qu'ils demandent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant en revanche, que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de condamner la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE à verser à chacun des quatre syndicats précités la somme de 500 € au titre des frais exposés par eux en première instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 juin 2002 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 21 juin 2001 du préfet de l'Essonne est annulé.

Article 3 : La SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE versera une somme de 500 euros à la Confédération française des travailleurs chrétiens des salariés du groupe André, une somme de 500 euros à la Fédération des syndicats CFTC commerces, services et force de vente, une somme de 500 euros au Syndicat des détaillants en chaussures de Paris, Ile de France et Centre et une somme de 500 euros à la Fédération nationale des détaillants en chaussures de France au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative .

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

02VE03243 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02VE03243
Date de la décision : 20/01/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : DOUËB

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-01-20;02ve03243 ?
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