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07/03/2006 | FRANCE | N°04VE02421

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 mars 2006, 04VE02421


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SA PEINTURES PARIS SUD, dont le siège social est 6 avenue de la République à

Crosnes (91560), par Me Soyer ;

Vu la requête, enregistrée l...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SA PEINTURES PARIS SUD, dont le siège social est 6 avenue de la République à Crosnes (91560), par Me Soyer ;

Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SA PEINTURES PARIS SUD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0300078 en date du 30 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités qui lui ont été appliquées sur le fondement de l'article 1768 bis du code général des impôts au titre des distributions de dividendes opérés en 1994, 1995 et 1996 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les pénalités appliquées sur le fondement par l'article 1768 bis du code général des impôts, lesquelles constituent des sanctions, ne sont pas suffisamment motivées dans la notification de redressement; qu'en raison du cumul du taux de 80 % correspondant aux pénalités mises à sa charge et de celui de 40 % correspondant aux pénalités de mauvaise foi appliquées aux bénéficiaires des paiements qu'elle a omis de déclarer, le montant de l'amende est hors de proportion avec le préjudice subi par le Trésor pour les seules années non prescrites ; que cette pénalité de 80% qui touche une personne morale pour des impositions dont elle n'est pas redevable ne saurait être maintenue sans méconnaître le principe de proportionnalité et de juste équilibre posé par le droit communautaire et l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le caractère disproportionné de la pénalité ne doit pas s'apprécier en fonction de ses capacités contributives, comme l'a estimé à tort le tribunal, mais au regard de la nécessité pour chaque Etat d'édicter des règles propres à permettre le paiement des impositions dues, c'est-à-dire de réparer le préjudice subi par le Trésor à défaut de paiement des impositions dues ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête;

Il soutient qu'en appel, la société ne demande la décharge que pour les années 1995 et 1996 ; que la notification de redressement 15 décembre 1998 énonce les circonstances de fait et de droit ayant justifié l'application de l'amende au titre des années non prescrites à une société qui, dans le passé, a déjà commis la même infraction ; que le service s'est fondé sur l'existence d'un préjudice tant pour les années prescrites que non prescrites dès lors que le défaut de déclaration de la société ne permettait pas de vérifier que les associés avaient soumis à l'impôt les sommes distribuées à leur profit ; que la lettre que la société qualifie de réponse à la notification de redressement est en réalité une demande de remise gracieuse ; que le préjudice existe du seul fait de l'absence de déclaration spontanée des distributions de la part des bénéficiaires et qu'est sans incidence la circonstance que ceux-ci aient fait ultérieurement l'objet de redressement ; que l'amende prévue par l'article 1768 bis du code général des impôts n'est pas disproportionnée au regard de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le second alinéa de cet article confère aux Etats le droit de légiférer pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes ; que les pénalités de mauvaise foi dont sont redevables les associés sont distinctes de celles infligées à la société ; que la société étant sanctionnée pour ses propres manquements, l'amende de l'article 1768 bis 1 du code général des impôts ne présente pas un caractère confiscatoire ;

Vu l'ordonnance en date du 18 juillet 2005 par laquelle le président de la 3ème chambre a fixé la clôture de l'instruction au 27 septembre 2005 à 16h30 ;

Vu le courrier en date du 9 janvier 2006 par lequel le président de la 3ème chambre a informé les parties que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 18 janvier 2006 et en original le 19 janvier 2006, présenté pour la SA PEINTURES PARIS SUD en réponse à la communication du moyen d'ordre public ; la société maintient ses conclusions à titre principal et, à titre subsidiaire, demande l'application de la loi pénale plus douce ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 27 janvier 2006 et le 6 février 2006 en original, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il demande à la Cour de prononcer le non lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé au titre des années 1996 et 1997 et de rejeter le surplus des conclusions de la requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 février 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il demande à la Cour de prononcer le non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé au titre de l'année 1995 et de rejeter le surplus des conclusions de la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régimes des pénalités ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2006 :

- le rapport de M. Bonhomme, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige

Considérant que, par décisions postérieures à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de l'Essonne a prononcé le dégrèvement à concurrence de 40 978,30 €, de 114 336,76 € et 27 440,82 € de la pénalité prévue à l'article 1768 bis du code général des impôts mise à la charge de la SA PEINTURES PARIS SUD au titre respectivement des années 1995, 1996 et 1997 ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête sont devenues sans objet ;

Sur les pénalités restant en litige :

En ce qui concerne leur motivation :

Considérant que la notification de redressement en date du 15 décembre 1998 mentionne les années d'imposition, le montant des distributions et des amendes ainsi que les articles du code dont il est fait application et énonce de manière très détaillée les circonstances de droit et de fait justifiant le recours à l'article 1768 bis du code général des impôts ; que, dans ces conditions, les pénalités doivent être regardées comme régulièrement motivées ; que la SA PEINTURES PARIS SUD ne saurait, en tout état de cause, critiquer la motivation de la décision de rejet opposée par le directeur des services fiscaux le 14 janvier 1999 à la demande de remise des pénalités ;

En ce qui concerne leur bien-fondé :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 242 ter code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années1994, 1995, 1996 et 1997 : « Les personnes qui assurent le paiement des revenus de capitaux mobiliers visés aux articles 108 à 125 ainsi que des produits des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature sont tenues de déclarer l'identité et l'adresse des bénéficiaires ainsi que, par nature de revenus, le détail du montant imposable et l'avoir fiscal ou du crédit d'impôt, le revenu brut soumis à un prélèvement libératoire et le montant dudit prélèvement et le montant des revenus exonérés. » ; qu'aux termes de l'article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 12 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régimes des pénalités, applicable à compter du 1er janvier 2006 : « I Entraîne l'application d'une pénalité égale à 50% des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. » ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration qui avait mis à la charge de la société, au titre des années 1995, 1996 et 1997, les pénalités pour défaut de déclaration des dividendes distribués au taux de 80 % prévu par l'article 1768 bis du code général des impôts alors applicable, a, en faisant application de la loi pénale plus douce, décidé d'accorder à la requérante le dégrèvement des pénalités à proportion de la différence entre le montant de celles qui ont été mises en recouvrement et celui qui résulte de l'application du taux prévu par l'article 1736 du code général des impôts applicable à compter du 1er janvier 2006 ; que, par suite, les moyens invoqués au soutien des conclusions en décharge des pénalités au taux de 80 %, expressément maintenues par la requérante, doivent être désormais regardés comme dirigés contre les pénalités résultant de l'application de la loi pénale plus douce ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la Loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte aux droits que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général, ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 1er du premier protocole additionnel que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement de l'impôt ; que la pénalité prévue à l'article 1736 du code général des impôts a pour objet de sanctionner le défaut de souscription des déclarations prévues à l'article 242 ter du code général des impôts par les personnes morales qui assurent le paiement des sommes mentionnées à ce même article, de les dissuader d'avoir un comportement de nature à faire échapper à l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés les sommes distribuées et de réparer le préjudice ainsi causé au Trésor ; que, par suite, le taux de 50 % qui n'est pas appliqué automatiquement, ainsi qu'il résulte de l'article précité, n'apparaît pas disproportionné au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel ; que la circonstance, au demeurant nullement établie dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la permanence de l'infraction pendant plus de dix ans et du montant des sommes non déclarées, que le paiement des impositions dues par les actionnaires bénéficiaires serait intervenu dans des conditions qui auraient rempli le Trésor de ses droits est, compte tenu du triple objet de la pénalité, sans influence sur sa conformité au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel ;

Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que le cumul de la pénalité prévue à l'article 1736 du code général des impôts infligée à la personne morale distributrice avec la majoration pour absence de bonne foi prévue à l'article 1729 du même code, appliquée aux associés qui n'ont pas déclaré les revenus qui leur ont été distribués, ne respecterait pas le principe de proportionnalité ne peut qu'être écarté dès lors qu'il s'agit de pénalités sanctionnant des infractions différentes commises par des personnes distinctes ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré du caractère disproportionné de la pénalité au regard du droit communautaire est inopérant, dès lors que celui-ci ne s'applique pas aux sanctions ;

Considérant que la SA PEINTURES DE PARIS SUD n'est pas fondée à soutenir, s'agissant du montant des pénalités restant en litige, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme demandée par la société requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SA PEINTURES PARIS SUD à concurrence des dégrèvements prononcés par le directeur des services fiscaux de l'Essonne.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA PEINTURES PARIS SUD est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 04VE02421
Date de la décision : 07/03/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Bernard BONHOMME
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : SOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-03-07;04ve02421 ?
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