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23/03/2006 | FRANCE | N°04VE02716

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2eme chambre, 23 mars 2006, 04VE02716


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Aires X, M. Fernando X et M. Claudio X, demeurant ..., par Me Bazin ;

Vu

la requête, enregistrée le 26 juillet 2004 au greffe de la Cour ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Aires X, M. Fernando X et M. Claudio X, demeurant ..., par Me Bazin ;

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n°0101213 du 25 mai 2004 par lesquels le Tribunal administratif de Versailles, après avoir annulé, à leur demande, l'arrêté du maire de Trappes en date du 30 mars 1998 décidant d'exercer le droit de préemption sur un terrain pour lequel les requérants bénéficiaient d'une promesse de vente, a enjoint à la commune de saisir dans le délai d'un mois le service des domaines aux fins de déterminer le prix auquel la rétrocession du terrain devra leur être proposée, dans un délai de trois mois ;

2°) d'enjoindre au maire de Trappes de leur rétrocéder ou de leur proposer la rétrocession du bien au prix de la déclaration d'intention d'aliéner et aux conditions de la promesse de vente dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au maire de saisir le juge judiciaire, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, aux fins d'annulation de la vente dans un délai de six mois ou, dans le cas où la rétrocession ne serait pas intervenue dans un délai de six mois ;

4°) de condamner la commune de Trappes à leur verser une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que le tribunal administratif n'a pas statué sur leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de saisir le juge judiciaire sans pour autant en donner les motifs ; que si la jurisprudence estime que dans le cas où, comme en l'espèce, une décision de préemption est annulée, la commune doit seulement proposer la rétrocession du terrain à l'acquéreur évincé, il est des cas où ceci ne suffit pas à rétablir la situation de l'acquéreur évincé ; qu'en effet, une telle injonction ne saurait imposer à la commune de signer l'acte de rétrocession ; que si les conditions de rétrocession ne sont pas équitables ou si la commune refuse de signer l'acte, elle devra alors saisir le juge judiciaire ; qu'enfin, en l'absence d'annulation de la vente conclue à la suite de la préemption, les acquéreurs évincés ne peuvent être regardés comme ayant été replacés dans la situation juridique qui était la leur avant l'intervention de la commune ; qu'en effet, ils ne peuvent bénéficier ni des mêmes conditions de prix, ni des conditions suspensives prévues à la promesse de vente initiale, ni de la qualité leur donnant un titre à déposer une demande de permis de construire, ni d'un permis de construire définitif ; qu'en l'espèce, les requérants étaient titulaires d'un permis de construire sur le terrain en cause, qui est devenu sans objet à la suite de la préemption ; que c'est à tort également que le Tribunal administratif de Versailles a renvoyé à un prix à fixer par le service des domaines ; que si cette position est inspirée par le souci de tenir compte du délai important écoulé entre la préemption et son annulation ainsi que de l'augmentation des prix, elle ne tient pas compte des avantages retirés pendant la même période par la commune au titre de la jouissance du terrain ; que cette solution est d'ailleurs contradictoire avec l'objectif, affirmé dans le jugement, d'éviter tout enrichissement sans cause ; qu'en l'espèce, le terrain n'a bénéficié d'aucun aménagement ayant augmenté sa valeur ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2006 :

- le rapport de Mme Heers, président assesseur ;

- les observations de M. Aires X et de Me Fourneau, substituant Me Ghaye, pour la commune de Trappes ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 1er mars 2006, présentée pour les consorts X, par Me Bazin ;

Sur l'appel incident :

Considérant qu'en demandant l'annulation de l'intégralité du jugement attaqué, et donc, de l'article 1er, qui prononce l'annulation de l'arrêté du maire de Trappes en date du 30 mars 1988, ainsi que le rejet des conclusions d'excès de pouvoir présentées par les requérants en première instance, la commune de Trappes soulève un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal, lequel est seulement relatif aux mesures d'exécution, prononcées aux articles 2 et 3 du jugement, qu'implique cette annulation ; que, par suite, les conclusions incidentes de la commune sont irrecevables ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les requérants, qui ont saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande d'annulation de l'arrêté du maire de Trappes relatif à l'exercice du droit de préemption de la commune sur un terrain pour lequel ils bénéficiaient d'une promesse de vente, ont assorti cette demande de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune, d'une part, de saisir le juge judiciaire en vue de faire annuler la vente intervenue dans le cadre de cette préemption et, d'autre part, de leur proposer la cession du terrain aux conditions de la promesse de vente ; que, par le jugement attaqué, le tribunal, après avoir fait droit, à l'article 1er de son jugement, aux conclusions aux fins d'annulation, a prescrit à la commune, aux articles 2 et 3, de saisir le service des domaines en vue de la détermination du prix du bien en cause et de proposer aux acquéreurs évincés la cession du terrain à ce prix ; que, ce faisant, il a omis de statuer sur l'une des demandes aux fins d'injonction dont il était saisi ; que, par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de la demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de saisir le juge judiciaire en vue de faire annuler la vente intervenue dans le cadre de ladite préemption, de statuer sur lesdites conclusions par la voie de l'évocation et sur les autres conclusions aux fins d'injonction par la voie de l'effet dévolutif de l'appel ;

En ce qui concerne les conclusions de la demande aux fins d'injonction :

Considérant que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter ; qu'ainsi, cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l'intérêt général appréciée au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée ; qu'il lui appartient à cet égard, et avant toute autre mesure, de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté ; qu'il doit, en outre, proposer à l'acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial d'acquérir le bien, et ce, à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ; que ce prix doit notamment prendre en compte les éventuelles modifications apportées au bien consécutivement à l'exercice de la préemption litigieuse ; que, dans le cas où les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer ce prix, il n'appartient pas au juge administratif , comme le soulèvent les requérants, de prévoir que ce prix doit nécessairement être fixé par le service des domaines ; que, par suite, MM. X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, qui sont indivisibles, le Tribunal administratif de Versailles a enjoint à la commune de Trappes de saisir, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, le service des domaines à fin de déterminer le prix auquel elle proposerait la rétrocession du terrain ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le terrain en cause, situé à proximité du carrefour Thorez, qui est constitué des seules parcelles cadastrées H645 et H637, n'a fait l'objet d'aucun aménagement ni d'aucune modification matérielle depuis son acquisition par la commune en 1988 ; qu'en particulier, il n'a pas été affecté à l'usage du public, à la différence de la parcelle de 43 m², acquise sans recours à la procédure de préemption, qui a permis l'élargissement d'un passage pour piétons ; que, par conséquent, et en tout état de cause, la commune ne saurait se prévaloir, pour s'opposer à sa rétrocession, de l'appartenance de ce bien au domaine public ; que si la commune invoque également l'intérêt général, concrétisé par l'existence d'importants projets d'aménagement du secteur, au demeurant lancés seulement en 2002, et soutient que le terrain préempté s'insère dans un vaste chantier de réhabilitation de la commune, lequel s'opère dans le cadre du programme national de renouvellement urbain au titre des grands projets de ville, il ne résulte pas de l'instruction que ces projets aient fait l'objet d'un début d'exécution, voire de financement, à la date du présent arrêt, ni, en tout état de cause, qu'ils affectent réellement les parcelles en cause ; que, par ailleurs, si la modification du classement dudit terrain au plan d'occupation des sols de la commune est susceptible d'avoir des incidences sur l'évaluation du prix auquel pourra être proposée la rétrocession par la commune, il ne s'ensuit pas de ce fait que la vente devrait nécessairement être proposée au prix envisagé dans la déclaration d'intention d'aliéner de 1988 comme le demandent les requérants ; qu'enfin, et en tout état de cause, l'exécution de l'annulation de l'acte sur le fondement duquel est intervenue la préemption du terrain n'implique pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, qu'il soit enjoint à la commune de saisir le juge judiciaire en vue de la résiliation de la vente intervenue entre le propriétaire initial et la commune ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander qu'il soit enjoint à la commune de s'abstenir de vendre le terrain préempté, de leur en proposer la rétrocession à un prix tirant les conséquences des modifications apportées à ce bien en ce qui concerne son classement au plan d'occupation des sols de la commune depuis l'exercice de la préemption, en particulier au regard de la variation éventuelle de la valeur vénale du bien ; qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'affaire, de prononcer à l'encontre de la commune de Trappes, à défaut pour elle d'avoir procédé à cette proposition dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 75 euros par jour de retard ; que doivent, par suite, être rejetées les conclusions de la demande de MM. X tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune, d'une part, de saisir le juge judiciaire en vue de faire annuler la vente intervenue dans le cadre de cette préemption et, d'autre part, de leur proposer la cession du terrain aux conditions de la promesse de vente ; que, par voie de conséquence, doivent également être rejetées leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Trappes présentées sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°0101213 du Tribunal administratif de Versailles du 25 mai 2004 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de la demande de MM. X tendant à ce que le tribunal enjoigne à la commune de Trappes de saisir le juge judiciaire en vue de faire annuler la vente intervenue dans le cadre de la préemption des parcelles cadastrées H645 et H637.

Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement susvisé sont annulés.

Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Trappes si elle ne justifie pas s'être abstenue de vendre le bien préempté et avoir, dans les deux mois suivant la notification du présent arrêt, proposé à MM. X de leur céder le terrain acquis à la suite de la décision de préemption du 30 mars 1988 à un prix tirant les conséquences des modifications apportées à ce bien en ce qui concerne son classement au plan d'occupation des sols de la commune depuis l'exercice de la préemption, en particulier au regard de la variation éventuelle de la valeur vénale du bien. Le taux de cette astreinte est fixé à 75 euros par jour, à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Trappes tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement et au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de MM. X présentée devant le tribunal administratif de Versailles et les conclusions de leur requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N°04VE02716

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE02716
Date de la décision : 23/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : GHAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-03-23;04ve02716 ?
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