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30/05/2006 | FRANCE | N°05VE01995

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 30 mai 2006, 05VE01995


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 28 octobre 2005 en télécopie et le 2 novembre 2005 en original, présentée pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES, dont le siège est situé ..., représenté par son président en exercice, par Me Y... ; le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 13 octobre 2005 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles, statuant en référé, l'a condamné à verser à la société Labati une provi

sion de 628 700 euros sur le montant des travaux supplémentaires effectués pa...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 28 octobre 2005 en télécopie et le 2 novembre 2005 en original, présentée pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES, dont le siège est situé ..., représenté par son président en exercice, par Me Y... ; le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 13 octobre 2005 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles, statuant en référé, l'a condamné à verser à la société Labati une provision de 628 700 euros sur le montant des travaux supplémentaires effectués par cette société dans le cadre de l'extension et de la restructuration de la maison de retraite de la Fondation Lépine ;

2°) de rejeter la demande de provision présentée par la société Labati au juge des référés du Tribunal administratif de Versailles ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner que le versement de la provision soit subordonné à la constitution d'une garantie ;

4°) de condamner la société Labati à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur matérielle dans la mesure où il n'est pas exact qu'il n'a pas contesté que la créance de la société Labati ne saurait être inférieure au montant de la provision allouée ; que cette affirmation constitue une immixtion du juge dans le déroulement de l'expertise et porte atteinte au droit du requérant à un procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle porte atteinte à l'impartialité de l'expert et à son indépendance vis-à-vis du juge ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit, d'une insuffisance d'instruction et d'une dénaturation des pièces du dossier, dans la mesure où l'obligation invoquée par la société Labati n'est pas dépourvue de caractère sérieusement contestable, compte tenu, en particulier, du caractère provisoire des conclusions de l'expert, de l'absence de caractère indispensable des travaux dont la société réclamait le règlement, de l'absence de bouleversement de l'économie du marché, de la résiliation du marché aux frais de la société Labati et du caractère excessif de la somme retenue par l'expert ; que l'ordonnance attaquée est entachée d'omission à statuer sur les conclusions du requérant relatives à la constitution d'une garantie ;

…………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2006 :

- le rapport de M. Bélaval, président de la Cour ;

- les observations de Me Sagalovitsch, avocat du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES, et de Me Terron, avocat de la société Labati ;

- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que si le juge des référés de première instance a relevé à tort que le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES n'avait pas contredit devant lui que les sommes qu'il pourrait être amené à verser à la société Labati sur le fondement du rapport d'expertise définitif ne pourraient qu'être supérieures à celles résultant du rapport provisoire, cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, n'a dans les circonstances de l'espèce aucune influence sur la régularité de l'ordonnance attaquée, dont la solution est fondée sur le contenu du rapport provisoire de l'expert, et non pas sur une prétendue absence de contestation de ce contenu ;

Sur la provision :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une provision. » ;

En ce qui concerne le principe de l'obligation :

Considérant que le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir estimé que l'obligation invoquée à son encontre par la Société sur la base du rapport provisoire déposé le 11 mai 2005 par l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles était dépourvue de caractère sérieusement contestable alors que les opérations de l'expertise n'étaient pas encore achevées à la date à laquelle elle a été rendue ;

Considérant toutefois que les dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative subordonnent l'octroi d'une provision à la seule constatation par le juge des référés de l'existence d'une obligation dépourvue de caractère sérieusement contestable ; que pour apprécier si cette condition est remplie, le juge peut s'appuyer sur l'ensemble des éléments figurant au dossier qui lui est soumis, et notamment ceux provenant d'une expertise en cours, même si la conclusion des opérations de l'expertise n'a pas encore conféré à ces éléments un caractère définitif, pourvu qu'ils présentent un caractère de précision suffisante et qu'ils aient été soumis à la contradiction des parties ; qu'en prenant de tels éléments en compte, le juge des référés ne saurait, eu égard aux limites de son office et à la nature même des décisions qu'il rend, lesquelles sont dépourvues de l'autorité de chose jugée et n'ont qu'un caractère provisoire, être regardé ni comme s'immisçant irrégulièrement dans le déroulement de l'expertise, ni comme portant atteinte à l'indépendance et à l'impartialité de l'expert, à qui il incombe de poursuivre normalement sa mission si elle n'est pas achevée à la date à laquelle le juge des référés statue sur la demande de provision ; qu'une contestation de la régularité des opérations de l'expertise ne relève pas de l'office du juge des référés ; qu'une éventuelle méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut en tout état de cause être utilement invoquée dans le cadre d'une instance de référé provision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le document déposé le 11 mai 2005 par M. X..., expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles dans le litige relatif aux opérations de rénovation de la maison de retraite « Fondation Lépine » à Versailles, bien qu'il fût intitulé « rapport d'étape » et que ses conclusions fussent qualifiées par l'expert lui-même de « provisoires et partielles », contenait les résultats d'une analyse approfondie et contradictoire entre les parties de 85 % environ des devis et mémoires modificatifs soumis par la société Labati au CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES ; qu'aux termes de cette analyse, l'expert affirmait qu'elle faisait apparaître en faveur de la société Labati un solde de 628 700 € et précisait : « Le solde final qui figurera dans mon rapport définitif ne pourra qu'être supérieur à ce montant. » ; que dans ces conditions, le juge des référés du tribunal administratif a pu s'appuyer sur ces éléments, suffisamment précis et soumis à la discussion des parties, pour estimer que la créance invoquée par la société Labati n'était pas sérieusement contestable ;

En ce qui concerne le montant de la provision :

Considérant que si le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES soutient que le montant de la provision allouée par l'ordonnance attaquée à la société Labati est excessif, les arguments qu'il invoque ne sont pas, en l'état de l'instruction et eu égard notamment aux constatations de l'expert, même si ces dernières ne lient pas le juge, de nature à faire regarder la somme de 628 700 € comme supérieure au montant de l'obligation qui lui incombe ; qu'en particulier ses allégations relatives aux conditions dans lesquelles l'opération de rénovation de la maison de retraite s'est déroulée et aux agissements imputables aux divers participants à l'opération sont, en l'état de l'instruction, dépourvues de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ou la portée dans les limites de l'office du juge des référés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE COMMUNAL D' ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée qui est suffisamment motivée et n'est entachée d'aucune autre erreur matérielle que celle évoquée ci-dessus, ni d'aucune dénaturation des pièces du dossier, le juge des référés de première instance l'a condamné à verser à la société Labati une provision de 628 700 € ;

Sur la garantie :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que, dans le mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2005, le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES demandait, pour le cas où une provision serait octroyée à la société Labati, que le versement de cette provision soit subordonné à la constitution d'une garantie, ainsi que les dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative le permettent ; que l'ordonnance attaquée a omis de statuer sur cette demande, qui constituait un chef de conclusions distinct, sur lequel elle ne saurait être regardée comme s'étant implicitement mais nécessairement prononcée ; qu'elle doit par suite être annulée dans la mesure de cette omission ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande de constitution de garantie présentée par le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES au juge des référés du Tribunal administratif de Versailles ;

Considérant que le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES n'invoque aucun élément de nature à justifier que le versement de la provision qu'il a été condamné à verser à la société Labati soit subordonné à la constitution d'une garantie ; qu'il y a lieu dès lors de rejeter la demande de garantie qu'il présente ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions présentées par le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient être accueillies ; qu'il y a lieu en revanche de condamner sur le même fondement le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES à verser à la société Labati la somme de 1 500 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1 : L'ordonnance du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles en date du 13 octobre 2005 est annulée en tant qu'elle a omis de statuer sur la demande de constitution de garantie présentée par le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES.

Article 2 : La demande de constitution de garantie présentée par le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES au juge des référés du Tribunal administratif, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES est condamné à verser à la société Labati la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Labati est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 05VE01995
Date de la décision : 30/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BELAVAL
Rapporteur ?: M. Philippe BELAVAL
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : SAGALOVITSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-05-30;05ve01995 ?
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