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05/12/2006 | FRANCE | N°03VE03677

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 05 décembre 2006, 03VE03677


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour Mme Monique X demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats Verc

ken-Kermadec ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour Mme Monique X demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats Vercken-Kermadec ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 9 septembre 2003 en télécopie et le 10 septembre 2003 en original, ainsi que le mémoire complémentaire enregistré le 22 septembre 2003, par lesquels Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°9806528, en date du 10 juin 2003, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Versailles soit condamné à lui verser la somme de 784 356 francs (119 574,30 euros) en réparation de préjudices subis à la suite d'une intervention chirurgicale ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui verser la somme de 119 574,30 euros ;

3° ) de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre les dépens à la charge du centre hospitalier de Versailles ;

Mme X soutient que l'absence d'information préalable sur le risque de paralysie de la corde vocale que présentait l'opération à la thyroïde qu'elle a subie le 5 octobre 1995, qui l'a empêchée de donner un consentement éclairé à l'intervention chirurgicale, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Versailles ; qu'il existe un lien de causalité entre cette faute et les dommages subis par la requérante dès lors que, s'il elle avait été informée des risques de l'opération, Mme X aurait pu choisir un traitement alternatif et que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'opération ne présentait pas un caractère impératif ; que Mme X, qui était gérante salariée d'une société de vente par téléphone, a subi des pertes de salaires, sur une durée de douze mois, de 23 183,18 euros, un préjudice économique en qualité d'associé à 25 % de la société Setraco, d'un montant de 4 954,59 euros, un préjudice résultant de la nécessité de travailler à mi-temps du mois de janvier 1998 jusqu'à sa retraite, qui peut être évalué à 87 810,63 euros, un pretium doloris évalué à 1 524,49 euros, ainsi que des frais médicaux restés à sa charge pour un montant de 2 104,41 euros ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2006 :

- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;

- les observations de Me Nage-Teulié, avocat de Mme X et de Me Amathieu-Ruckert, subtituant Me Pignot, avocat du centre hospitalier de Versailles ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Versailles :

Considérant, en premier lieu, que, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant qu'après avoir subi, le 5 octobre 1995, une thyroïdectomie au centre hospitalier de Versailles, Mme X a constaté, le lendemain, une dysphonie en rapport avec une paralysie récurrentielle droite, qui a entraîné un changement de tonalité et une diminution très nette de l'intensité de sa voix ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par les premiers juges, qu'une intervention chirurgicale de cette nature, même effectuée dans les règles de l'art, présente un risque connu, qui se réalise dans 1 à 2 % des cas opérés, de paralysie récurrentielle ; que ce risque devait être porté à la connaissance de la patiente ; que le centre hospitalier de Versailles n'établit ni même n'allègue que Mme X avait été informée de ce risque ; qu'ainsi, le centre hospitalier de Versailles, qui ne saurait utilement soutenir que, selon les règles jurisprudentielles et déontologiques applicables à la date de l'opération, le caractère exceptionnel du risque le dispensait d'en informer la patiente, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de Mme X en manquant à son devoir d'information ;

Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à soutenir que les soins post-opératoires n'auraient pas été attentifs et consciencieux, dès lors qu'après le constat de troubles vocaux, le chirurgien se serait borné à la renvoyer devant un médecin spécialiste, Mme X n'établit pas que le centre hospitalier de Versailles aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur les préjudices :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais médicaux, pharmaceutiques, de transport et d'appareillage ainsi que les indemnités journalières servies par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines se sont élevés à la somme de 37 249,11 euros ; que la perte de revenus subie sur une période de douze mois par Mme X, en sa qualité de salariée de la SARL Sotraco, peut être évaluée, à 23 180 euros ; que le taux d'incapacité permanente de Mme X, qui était âgée de 49 ans à la date de l'intervention chirurgicale, peut être évalué à 3% et le préjudice subi à ce titre à 2 500 euros, dont la moitié répare l'atteinte à son intégrité physique ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques endurées par Mme X, classées au niveau 2,5 sur une échelle de 1 à 7, en accordant à l'intéressée une somme de 1 524 euros ;

Considérant, en revanche, que la réalité du préjudice économique subi par Mme X, à raison des pertes d'exploitation qu'aurait connues la SARL Sotraco, dont elle est associée à 25 %, en raison de son incapacité de travailler, n'est pas établie par la requérante ; que Mme X ne justifie pas davantage de la réalité des frais médicaux, d'un montant de 2 104,41 euros, qui seraient restés à sa charge et dont elle se borne à produire une liste manuscrite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice indemnisable s'élève, au total, à 64 453,11 euros dont 2 774 euros au titre du préjudice personnel et 61 679,11 euros au titre de l'atteinte à son intégrité physique ;

Considérant que la réparation du préjudice résultant pour Mme X, qui était gérante-salariée d'une société de vente par téléphone, de la perte de chance de se soustraire au risque dont elle n'a pas été informée et qui s'est réalisé doit être fixé à une fraction des différents chefs de préjudices subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques qui étaient encourus en cas de renoncement à cette intervention qui ne présentait pas de caractère impératif pour la santé de l'intéressée, cette fraction doit être fixée à 40 % ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice indemnisable subi par Mme X en le fixant à 1109,60 euros au titre du préjudice personnel et 24 671,6 euros au titre de l'atteinte à son intégrité physique ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, qui avait été appelée dans la cause par le Tribunal administratif de Versailles et mise ainsi à même de faire valoir ses droits, n'a pas sollicité devant les premiers juges le remboursement des prestations qu'elle a versées ; qu'ainsi les conclusions par lesquelles ladite caisse demande à la Cour de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui rembourser ses débours sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant qu'en dépit de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines tendant au remboursement des sommes exposées par elle, il y a lieu, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour fixer le montant de l'indemnité due à Mme X, de défalquer de la part de la condamnation mise à la charge du centre hospitalier de Versailles représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime, qui s'élève à 24 671,6 euros, le montant des sommes exposées par la caisse s'élevant à 37 249,11 euros ; que, par suite, Mme X ne peut prétendre qu'à une indemnité de 1109,60 euros correspondant à son préjudice personnel, seul indemnisable en l'espèce ainsi qu'il a été exposé précédemment ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles les frais de l'expertise ordonnée en première instance ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Versailles à verser à Mme X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser au centre hospitalier de Versailles la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°9806528 du 10 juin 2003 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Versailles est condamné à verser à Mme X la somme de 1109,60 euros.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif de Versailles sont mis à la charge du centre hospitalier de Versailles.

Article 4 : Le centre hospitalier de Versailles est condamné à verser à Mme X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines tendant à la condamnation du centre hospitalier de Versailles sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X ainsi que les conclusions du centre hospitalier de Versailles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 03VE03677
Date de la décision : 05/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : PIGNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-12-05;03ve03677 ?
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