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05/12/2006 | FRANCE | N°04VE03171

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 05 décembre 2006, 04VE03171


Vu l'ordonnance en date du 30 août 2004, enregistrée le 1er septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société MIXAGE ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le

26 août 2004 en télécopie et le 27 août 2004 en original, présentée...

Vu l'ordonnance en date du 30 août 2004, enregistrée le 1er septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société MIXAGE ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 août 2004 en télécopie et le 27 août 2004 en original, présentée pour la société MIXAGE dont le siège est 18 bis, route de Corbeil à Sainte-Geneviève-des-Bois (91700), représentée par son gérant en exercice, par Me Bineteau ;

La société MIXAGE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02663, en date du 28 juin 2004, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et la société Lyonnaise des Eaux France soient condamnées solidairement à lui verser la somme de 35 742,79 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'inondation de ses locaux survenue les 10 mai 2000, 2 juillet 2000 et 3 août 2000 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et la société Lyonnaise des Eaux France à lui verser la somme de 35 742,79 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2002 ;

3°) de condamner solidairement la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et la société Lyonnaise des Eaux France à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société MIXAGE soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en lui reconnaissant, à juste titre, la qualité de tiers par rapport à la canalisation à l'origine des dommages puis en relevant, pour rejeter sa demande d'indemnisation, l'absence de défaut d'entretien de cet ouvrage, alors que les tiers victimes d'un dommage accidentel de travaux publics bénéficient d'un régime de responsabilité sans faute ; qu'il résulte du rapport d'expertise que la responsabilité des dommages incombe à concurrence de 20 % à la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois en raison de l'état et du dimensionnement de la canalisation, de sorte que, en l'absence de force majeure et de faute de la victime, la responsabilité de la commune et de la société Lyonnaise des Eaux France, concessionnaire de la canalisation, est engagée à l'égard de la société requérante ; que les dommages qu'elle a subis présentent un caractère anormal et spécial et sont la conséquence directe de l'existence de l'ouvrage public que constitue la canalisation incriminée ; que les préjudices qu'elle a subis du fait de l'inondation s'élèvent à 35 742,79 euros et comprennent les frais engagés et à engager de remise en état de ses locaux et de ses matériels, le préjudice moral qu'elle a subi du fait de l'atteinte portée à sa réputation, son manque à gagner, ainsi que la perte de chance de conclure plusieurs contrats et les frais de procédure et d'assistance ;

………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2006 :

- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;

- les observations de Me de La Fournière, substituant Me Reibell, avocat de la société Lyonnaise des Eaux France, et de Me Cazelles, substituant Me Bazin, avocat du département de l'Essonne ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les locaux de la société MIXAGE situés en contrebas de la route départementale n° 117, dénommée « route de Corbeil », à Sainte-Geneviève-des-Bois, ont été inondés à trois reprises en raison de fortes pluies survenues les 10 mai 2000, 2 juillet 2000 et 3 août 2000 ; qu'à la suite de la remise de son rapport par l'expert désigné par le Tribunal administratif de Versailles, qui a conclu à la responsabilité conjointe de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et du département de l'Essonne, en leurs qualités respectives de maître d'ouvrage du réseau d'assainissement et de la route départementale n° 117, la société MIXAGE a conclu, le 12 avril 2002, un protocole transactionnel avec le département de l'Essonne et a demandé aux premiers juges la condamnation solidaire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et de la société Lyonnaise des Eaux France qui est chargée de l'exploitation du réseau d'assainissement ; que la société MIXAGE interjette appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et de la société Lyonnaise des Eaux France :

Considérant, en premier lieu, que la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois a confié l'exploitation de son réseau d'assainissement à la société Lyonnaise des Eaux France selon le mode de l'affermage ; qu'en dehors du cas de son insolvabilité, qui n'est nullement alléguée en l'espèce, la société Lyonnaise des Eaux France est dès lors seule responsable des éventuels dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont elle assure l'exploitation ; qu'ainsi, les conclusions de la société MIXAGE tendant à la condamnation de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise remis aux premiers juges, que les inondations qui ont provoqué les dommages litigieux trouvent leur origine dans la saturation de la canalisation collectant les eaux usées des locaux de la société requérante et des bâtiments voisins ; que la société MIXAGE a la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public ; qu'ainsi, la société Lyonnaise des Eaux France, qui n'invoque pas une faute de la victime ou un cas de force majeure, est responsable, même sans faute de sa part, des dommages subis par la société requérante du fait de ces inondations ; que, par suite, la société Lyonnaise des Eaux France ne saurait s'exonérer de sa responsabilité envers la société MIXAGE en soutenant qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans l'entretien courant de la canalisation ;

Sur l'évaluation des préjudices :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les frais de remise en état des locaux de la société MIXAGE peuvent être évalués, en ce qui concerne les frais engagés, à 50 417,48 francs, et, en ce qui concerne les frais à engager, à 63 101,10 francs ; qu'il y a lieu, toutefois, de majorer cette dernière somme afin de prendre en compte partiellement, à concurrence de 44 187,50 francs HT, le devis, d'un montant total de 45 137,50 francs HT, établi par la société Univers Déco le 20 septembre 2000 pour des travaux de réfection des sols, de l'isolation, des peintures et de la porte d'entrée ; qu'il n'y a lieu d'exclure de ce devis que la réparation des faux-plafonds, lesquels n'ont pas été endommagés par les inondations ; que les frais de remise en état du matériel de la société peuvent être évalués pour leur part à 93 583 francs, après déduction d'une somme de 34 793 francs prise deux fois en compte par l'expert ; que la société MIXAGE, qui est une société commerciale bénéficiant du régime de déduction ou de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, n'apporte pas la preuve qu'à la date de l'évaluation du coût de la réparation des préjudices subis par elle, elle n'était pas en mesure de déduire ou de se faire rembourser le montant de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle demande que le montant de son indemnisation soit majoré ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à demander que les frais de remise en état de ses locaux et de son matériel ci-dessus précisés soient augmentés du montant de cette taxe ; qu'enfin, il y a lieu d'appliquer au coût des travaux de remise en état des locaux et du matériel, un abattement pour vétusté non contesté de 50 % ; qu'il s'ensuit que les frais de remise en état peuvent être évalués globalement à 19 154,3 euros (125 644,54 francs) ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la société MIXAGE en raison de l'atteinte portée à sa réputation commerciale du fait des perturbations qu'a connues son activité à la suite des inondations litigieuses en l'évaluant à 1 524 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que le manque à gagner de la société MIXAGE a été évalué par l'expert désigné par les premiers juges à 175 925,63 francs ; que cette évaluation n'est sérieusement contestée ni par la société requérante, qui se borne à soutenir sans l'établir qu'il aurait dû être calculé en prenant en compte un taux de marge de 68,41% comme l'avait estimé un cabinet d'expertise, et non de 50 %, ni par la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, qui se borne à affirmer que ce dernier taux est excessif ; que le manque à gagner de la société requérante peut donc être évalué à 26 819,6 euros (175 925,63 francs) ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'activité de la société MIXAGE a été perturbée à la suite des dégâts causés à ses installations par les inondations litigieuses ; que, du fait de cette perturbation, la Troupe du Phénix a renoncé à conclure avec elle un contrat de production qu'elle avait de très sérieuses chances de signer ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre par la société MIXAGE en l'évaluant à 45 000 euros ;

Considérant, en cinquième lieu, que la société MIXAGE ne justifie pas, en tout état de cause, avoir versé des honoraires de 3 934,10 euros à une société d'expertise économique ; que les frais de l'expertise décidée par les premiers juges et les honoraires versés par la société à ses avocats ne peuvent être pris en compte au titre des préjudices indemnisables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les préjudices indemnisables subis par la société MIXAGE à la suite des inondations litigieuses s'élèvent au total à 92 498 euros ; que compte tenu de la transaction conclue le 12 avril 2002 avec le département de l'Essonne, la société MIXAGE ne demande la condamnation de la société Lyonnaise des Eaux France qu'à lui verser une somme correspondant à 20 % des préjudices indemnisables ; qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner la société Lyonnaise des Eaux France à verser à la société MIXAGE une somme de 18 499,60 euros ; que la société MIXAGE a droit aux intérêts de cette somme à compter du 18 novembre 2002 ;

Sur les appels en garanties :

En ce qui concerne les appels en garantie présentés par la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois :

Considérant qu'il résulte ce qui précède que les conclusions de la société requérante tendant à la condamnation de la commune à l'indemniser des préjudices subis doivent être rejetées ; que, par suite, les conclusions de la commune tendant à être garantie par la société Lyonnaise des Eaux France et le département de l'Essonne des condamnations prononcées à son encontre ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne l'appel en garantie présenté par la société Lyonnaise des Eaux France :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les dommages dont a été victime la société MIXAGE ont été causés, à titre principal, par le raccordement irrégulier d'un avaloir de la route départementale n° 117 sur une canalisation de collecte des eaux usées qui a entraîné un colmatage de cette dernière par des détritus provenant de la chaussée ; que l'état et le dimensionnement de cette canalisation, qui recueille également des eaux pluviales, ont néanmoins contribué à sa saturation ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues respectivement par le département de l'Essonne et par la société Lyonnaise des Eaux France en les condamnant à supporter 80 % et 20 % des préjudices indemnisables évalués à 92 498 euros ; que compte tenu de ce que le département de l'Essonne a déjà supporté une somme de 69 121,56 euros en exécution du protocole transactionnel du 12 avril 2002, il n'y a lieu de condamner ce dernier à garantir la société Lyonnaise des Eaux France de la condamnation prononcée à son encontre qu'à concurrence de 4 876,84 euros ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la société MIXAGE de communiquer l'accord transactionnel conclu entre elle et le département de l'Essonne :

Considérant que si la société Lyonnaise des Eaux France demande qu'il soit enjoint à la société MIXAGE, à titre de mesure d'instruction, de produire la transaction intervenue entre elle et le département de l'Essonne, ces conclusions sont, en tout état de cause, sans objet dès lors que ce document a été produit par le département de l'Essonne en cours d'instance ;

Sur les dépens :

Considérant que les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 46 905,92 F TTC (7 150,76 euros) par ordonnance du président du Tribunal administratif de Versailles en date du 3 septembre 2001, doivent être mis à la charge de la société Lyonnaise des Eaux France et du département de l'Essonne à concurrence respectivement de 20 % et de 80 % de leur montant ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société Lyonnaise des Eaux France à verser à la société MIXAGE la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société MIXAGE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et à la société Lyonnaise des Eaux France les sommes qu'elles demandent au même titre ;

Considérant, enfin, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société MIXAGE dirigées contre la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois ni à celles du département de l'Essonne dirigées contre la société Lyonnaise des Eaux France et la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 02663 en date du 28 juin 2004 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La société Lyonnaise des Eaux France est condamnée à verser à la société MIXAGE une somme de 18 499,60 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 18 novembre 2002.

Article 3 : Le département de l'Essonne est condamné à garantir la société Lyonnaise des Eaux France des condamnations prononcées à son encontre à concurrence de 4 876,84 euros.

Article 4 : La société Lyonnaise des Eaux France versera à la société MIXAGE une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les frais de l'expertise sont mis à la charge de la société Lyonnaise des Eaux France et du département de l'Essonne à concurrence respectivement de 20 % et de 80 % de leur montant.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la société MIXAGE est rejeté.

Article 7 : Les conclusions présentées par la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, la société Lyonnaise des Eaux France et le département de l'Essonne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions de la société Lyonnaise des Eaux France à fin d'injonction sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 04VE03171
Date de la décision : 05/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : LIOCHON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-12-05;04ve03171 ?
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