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05/12/2006 | FRANCE | N°05VE00497

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 05 décembre 2006, 05VE00497


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Arie ; ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 0305042 en date du 18 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 et 2000 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge

de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du ...

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Arie ; ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 0305042 en date du 18 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 et 2000 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la notification de redressements en date du 13 juin 2002 est insuffisamment motivée en ce qui concerne les redressements relatifs aux frais de réception qui font suite à la vérification de comptabilité de la société Sotra dont le requérant était le directeur général ; que l'activité de ce dernier s'est déployée dans des registres extrêmement divers qui ont nécessité la mise en place de relations importantes dont les invitations au restaurant ne sont qu'un élément indispensable ; que les frais de réception ont toujours été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ; qu'ils sont fondés à se prévaloir de la réponse ministérielle Lyautey (AN, 8 juillet 1954) ; que le remboursement des frais de déplacement de M. X sur la base d'une évaluation forfaitaire n'est pas une décision qu'il a prise personnellement mais n'est que le résultat du calcul forfaitaire qui lui a été communiqué par le service comptable de la société Sotra ; que le vérificateur ne précise pas la nature et l'origine des renseignements dont il fait état sur les déplacements qui s'effectuaient du domicile de M. X à son lieu de travail ; que les intérêts de retard ont le caractère d'une sanction au sens de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, qui implique que le juge puisse exercer un pouvoir de modération ; que ces intérêts présentent un caractère excessif s'il n'ont que la fonction de réparer le préjudice financier subi par l'Etat ; que le nouveau quatrième alinéa de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales reconnaît implicitement le niveau excessif et le caractère de sanction du taux de l'intérêt de retard ; que ce taux est excessif par rapport au taux moyen pratiqué par les prêteurs pour un découvert non négocié ; que, par suite, est contestée la partie des intérêts de retard mis en recouvrement qui excède le montant des intérêts calculés au taux légal ; que l'administration ne démontre pas le bien-fondé de l'application des pénalités de mauvaise foi, laquelle est insuffisamment démontrée dans la notification de redressement ;

………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, portant loi de finances pour 2006 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2006 :

- le rapport de Mme Vettraino, président ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SA Sotra Industrie, dont M. X était salarié et directeur général, le service, estimant que des frais de réception et de mission n'avaient pas été exposés dans l'intérêt de l'entreprise, a réintégré ces dépenses dans les résultats de la société et a ensuite notifié le 13 juin 2002 à M. et Mme X des rehaussements d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts, soit, en bases, 439 972 F au titre de l'année 1999 et 313 233 F au titre de l'année 2000 ;

Sur la motivation de la notification de redressement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation… » ;

Considérant, d'une part, que les requérants soutiennent que s'agissant de l'année 1999 les redressements correspondant au remboursement de frais accordés à M. X par la société Sotra Industries ne sont pas motivés ; que, toutefois, la seule circonstance qu'il ait été omis, en haut de la page 4 de la notification de redressements, de faire précéder les mots « au cours de l'année 2000 » de ceux « au cours de l'année 1999 et » ne suffit pas à faire regarder comme fondé le moyen soulevé dès lors que l'ensemble des énonciations de cette notification ne laisse aucun doute sur ce que, non seulement l'année 2000 mais aussi l'année 1999 était comprise dans la période concernée par les redressements fondés sur l'article 111 c) du code général des impôts ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de son examen que la même notification précise, en ce qui concerne les frais de réception, les motifs de droit et de fait de ce chef de redressement, donne les raisons pour lesquelles les frais, dont la liste est annexée, ont été regardés comme insuffisamment justifiés et en conséquence non engagés dans l'intérêt de l'entreprise et insusceptibles d'être admis en déduction des résultats de la société ; que, dans ces conditions, la notification de redressements répond aux exigences des dispositions de l'article L. 57 précité et a permis aux contribuables de présenter utilement leurs observations ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : « Les contribuables visés à l'article 53 A… doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel » ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués… c) Les rémunérations et avantages occultes » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société qui comptabilise indistinctement, dans son compte de frais généraux, des avantages en nature accordés à des membres de son personnel et qui, revêtant de ce fait un caractère occulte, sont constitutifs pour ceux-ci de revenus distribués, ne peut les soustraire de son bénéfice imposable ;

Considérant que les redressements litigieux n'ayant pas été acceptés par M. X, il appartient à l'administration d'établir que les sommes correspondantes ont été imposées à bon droit dans les bénéfices de la société Sotra Industries et que l'intéressé en a disposé ;

Considérant, en premier lieu, que des frais de réception et de restaurant d'un montant de 202 205 F en 1999 et de 135 742 F en 2000 ont été remboursés par la société Sotra Industries à M. X ; que, lors de la vérification de comptabilité de la société, le service, après avoir constaté l'imprécision des notes de restaurant quant à l'objet de la dépense, au nom, au nombre ou à la qualité des invités et avoir relevé la nature et la localisation des établissements fréquentés ainsi que les dates auxquelles correspondaient les invitations, a estimé que le caractère professionnel de ces dépenses n'était pas justifié ; que M. X, en se bornant à des considérations générales sur l'importance des contacts et relations qu'il devait nouer dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de dirigeant, n'apporte pas d'élément de nature à démontrer que de telles dépenses ont été exposées dans l'intérêt de l'entreprise ; que si le requérant, par ailleurs, se prévaut de la mesure de tolérance qui serait contenue dans la réponse Lyautey du 8 juillet 1954 publiée au journal des débats de l'Assemblée nationale n° 12029, p 3295, les recommandations contenues dans cette réponse ne constituent pas une interprétation formelle de la loi fiscale opposable à l'administration en vertu des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en deuxième lieu, que des frais de mission, constitués principalement d'indemnités kilométriques d'un montant de 237 767 F en 1999 et 177 491 F en 2000, ont été remboursés à M. X par la société Sotra Industries ; qu'il est constant que le requérant disposait d'un véhicule de fonction mis à sa disposition par l'entreprise qui en supportait les charges ; que chaque mois l'intéressé obtenait le remboursement de frais de déplacement comprenant des indemnités kilométriques calculées forfaitairement et des frais divers d'entretien ou de réparation ; que dans ces conditions, lesdites sommes, y compris celles relatives aux déplacements entre Pontchartrain et Sainte-Austreberthe dont fait état la notification de redressements en précisant que les renseignements obtenus provenaient du contrôle effectué au sein de la société Sotra Industrie, n'ont pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise mais présentent un caractère personnel ; que M. X ne saurait sérieusement faire état d'un rapport d'audit dont l'extrait qu'il produit ne précise pas sur quel point il a porté et n'indique pas davantage que le calcul forfaitaire des indemnités kilométriques lui aurait été communiqué par le service comptable de la société ;

Considérant qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les bénéfices de la société les sommes correspondant aux frais de réception et de mission remboursés à M. X et dont il est constant qu'il a disposé à titre personnel ;

Considérant, en troisième lieu, que les remboursements des frais susdécrits constituent des avantages en nature accordés à M. X ; qu'il est constant que la société Sotra Industries, ayant comptabilisé indistinctement ces avantages comme frais généraux, n'a pas respecté les conditions posées par l'article 54 bis précité du code général des impôts ; que, par suite, du fait de leur absence de déclaration explicite, ces avantages présentent un caractère occulte au sens du c) de l'article 111 précité du même code sans qu'il y ait lieu, contrairement à ce que soutient M. X, de rechercher si les avantages dont il a bénéficié ont eu pour effet de porter sa rémunération globale à un niveau excessif ;

Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de son examen que, contrairement à ce qui est soutenu, la notification de redressements du 13 juin 2002 comporte les motifs pour lesquels la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts alors applicable a été appliquée ;

Considérant qu'en faisant valoir d'une part que, M. X établissant lui-même les états de frais de réception et de mission grâce auxquels il a obtenu de la société Sotra Industrie les remboursements correspondants, l'imprécision de ces états ne permettait pas de justifier le caractère professionnel de ces frais, et d'autre part que les remboursements perçus par l'intéressé atteignaient respectivement 47 % et 38 % de sa rémunération nette imposable en 1999 et en 2000, l'administration établit le caractère intentionnel et répété des insuffisances de déclaration pratiquées par le contribuable ; que par suite, la majoration de 40 % prévue en cas de mauvaise foi a été appliquée à bon droit ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts alors applicable : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé » ;

Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que, si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, y compris au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par des prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'est à cet égard sans influence la jurisprudence civile selon laquelle à défaut d'écrit préalable dans un contrat liant la banque à son client et fixant clairement le taux d'intérêt conventionnel applicable en cas de découvert non négocié, la sanction n'est pas la nullité de la stipulation d'intérêt mais l'application du taux d'intérêt légal ; que cette référence au taux des découverts non négociés, contrairement à ce que soutiennent les requérants, est pertinente, alors même qu'elle concerne les rapports entre personnes privées, dès lors que ni les agents de la direction générale des impôts, ni les banques, dans le cas de découverts non négociés, ne sont maîtres des délais qui leur sont imposés par les contribuables retardataires et qu'ils ne disposent pas nécessairement d'une garantie de solvabilité de ces derniers ; que la référence au taux de l'intérêt légal, qui ne reflète qu'imparfaitement le taux du marché monétaire, ne constitue pas une référence plus pertinente pour établir le caractère manifestement excessif du taux de l'intérêt appliqué aux contribuables ; que par suite, contrairement à ce que soutient M. X, l'intérêt de retard constitue la réparation pécuniaire d'un préjudice et non une sanction ; que la possibilité offerte à l'administration par l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à compter de l'année 2004, de procéder à des remises à titre gracieux des intérêts de retard est sans influence sur le taux de l'intérêt légalement applicable ; que si le taux de l'intérêt de retard a été ramené à 0,40 % par mois, l'article 29 de la loi n° 2005-1719 du 30 septembre 2005 prévoit que ce nouveau taux s'applique aux seuls intérêts courant à compter du 1er janvier 2006 ; qu'en conséquence, doivent être rejetées les conclusions de la requête tendant à que soit déchargée la partie des intérêts de retard appliqués qu'excède le taux dorénavant fixé à 4,8 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. X ; que doivent être rejetées, en conséquence, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

05VE00497 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00497
Date de la décision : 05/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marion VETTRAINO
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : ARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-12-05;05ve00497 ?
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