La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2007 | FRANCE | N°04VE03381

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 23 janvier 2007, 04VE03381


Vu le recours enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 8 novembre 2004 en télécopie et le 12 novembre 2004 en original, présenté pour le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305972 en date du 3 septembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, condamné l'Etat à payer à la société Chantiers Modernes, agissant pour le compte du groupement d'entreprises comprenant les sociétés Chantiers Modernes et Laine-Delau la somme de 161 806, 64 euros et, d'a

utre part, a déchargé la société Chantiers Modernes de la somme de 2...

Vu le recours enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 8 novembre 2004 en télécopie et le 12 novembre 2004 en original, présenté pour le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305972 en date du 3 septembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, condamné l'Etat à payer à la société Chantiers Modernes, agissant pour le compte du groupement d'entreprises comprenant les sociétés Chantiers Modernes et Laine-Delau la somme de 161 806, 64 euros et, d'autre part, a déchargé la société Chantiers Modernes de la somme de 279 542, 56 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Chantiers Modernes devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que le présent litige résulte des conditions dans lesquelles ont été réalisés les travaux de construction d'une caserne de gendarmerie départementale à Saint-Denis ; que la fin du délai contractuel d'exécution, après prolongation, se situait le 3 mars 1997 ; que lors des opérations de réception, l'administration a constaté que les ouvrages de ferronnerie et ainsi que des éléments de menuiserie relevant du lot n° 3 attribué à la société Bleu Azur n'étaient pas exécutés ; que la réception n'a pas été prononcée ; qu'une mise en demeure a été adressée le 24 mars 1997 à la société Bleu Azur par l'intermédiaire de la société Chantiers Modernes, mandataire du groupement d'entreprises comprenant ladite société et la société Laine-Delau, auquel a été attribué le lot n° 1 ; que bien que l'administration ait demandé à la société Chantiers Modernes de se substituer à la société Bleu Azur en cas de défaillance de celle-ci, les travaux ont bien été exécutés par cette dernière société qui n'a donc pas été déclarée défaillante ; que la réception a été prononcée le 7 mai 1997 avec réserves, lesquelles ont été levées le 11 février 1998 ; qu'à la suite d'un différend apparu pendant le chantier, la société Chantiers Modernes n'a pas transmis à l'administration les projets de décomptes mensuels fournis par la société Bleu Azur ; que des difficultés se sont également produites au moment de la transmission du décompte final de la société Bleu Azur ; que les sociétés Bleu Azur et Chantiers Modernes ont remis au maître d'oeuvre un mémoire de réclamation les 24 et 30 octobre 2000 ; que, par application des articles 50-31 et 50-32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, la demande de la société Chantiers Modernes enregistrée au greffe le 7 novembre 2003 et tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des travaux qu'elle prétend avoir exécutés à la place de la société Bleu Azur ainsi qu'à la décharge des pénalités de retard était tardive et donc irrecevable, une décision implicite de rejet étant intervenue le 24 janvier 2001 ; qu'en estimant qu'il n'était pas contesté que les travaux de substitution avaient été exécutés par la société Chantiers Modernes, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier et a commis une erreur de droit ; que l'administration a indiqué au tribunal que la société Bleu Azur avait effectivement exécuté les travaux et qu'elle reconnaissait devoir payer le montant desdits travaux à cette société ; que la société Chantiers Modernes n'a pas produit de pièces justifiant qu'elle était l'auteur des prestations litigieuses ; que la transmission à la société Chantiers Modernes, par ordre de service du 10 mars 1997, d'un procès-verbal constatant la défaillance de la société Bleu Azur, n'établit pas que l'entreprise mandataire du groupement a exécuté les travaux ; qu'en réalité, la société Bleu Azur est restée présente sur le chantier et a réalisé les travaux de menuiserie, pour lesquels la société Chantiers Modernes et la société Laine-Delau, titulaires du lot gros oeuvre, ne disposaient pas des qualifications et des équipements nécessaires ; que la présence du personnel de la société Bleu Azur a été constatée par le maître d'oeuvre et par la société Chantiers Modernes sur un ordre de service du 18 avril 1997 ; que l'Etat a été condamné à payer à la société Bleu Azur les sommes lui restant dues par une ordonnance du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 18 août 2000 et par une ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 14 mai 2001 ; que l'Etat ne peut être condamné à payer une somme qu'il ne doit pas ; qu'en ce qui concerne les pénalités de retard, la société Chantiers Modernes a informé l'administration qu'elles devaient être imputées à la société Bleu Azur en totalité, par lettre du 22 mai 1997 ; qu'il n'a jamais été établi que l'intégralité du retard était imputable à la société Bleu Azur ; que la mise des pénalités à la charge de la société Bleu Azur reviendrait à exonérer le groupement des sociétés Chantiers Modernes-Laine-Delau en raison de la liquidation judiciaire de la société Bleu Azur ;

………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2007 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;

- les observations de Me Leborgne, avocat, pour la société Chantiers Modernes ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans le cadre des travaux de construction d'une caserne de gendarmerie départementale à Saint-Denis, le MINISTRE DE LA DEFENSE a, par un acte d'engagement unique notifié le 20 octobre 1995, confié les travaux du lot n° 1 « gros oeuvre - terrassement » à deux entreprises groupées solidaires, la société Chantiers Modernes et la société Delau, dénommée ultérieurement société Laine-Delau ; que la société Bleu Azur a été chargée des travaux du lot n° 3 comprenant les menuiseries bois et PVC - occultations métalliques - clôtures ; que la société Chantiers Modernes était à la fois mandataire du groupement qu'elle a constitué avec la société Delau pour le lot n° 1 et des entreprises groupées conjointes auxquelles ont été attribués les autres lots ; que, par jugement du 3 septembre 2004, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à payer à la société Chantiers Modernes, agissant pour le compte du groupement d'entreprises solidaires susmentionné, la somme de 161 806, 64 euros au titre de travaux exécutés et non payés et l'a déchargée de la somme de 279 542, 56 euros qui lui avaient été assignées au titre de pénalités de retard ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE interjette appel de ce jugement et, par la voie du recours incident, les sociétés Chantiers Modernes et Laine-Delau en demandent la réformation, estimant insuffisante la somme à laquelle l'Etat a été condamné ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à « l'intervention » de la société Bleu Azur par la société Chantiers Modernes :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Bleu Azur a présenté des observations, en réponse à la communication de la requête qui lui a été transmise par la Cour ; que de telles observations ne présentent pas le caractère d'une intervention ; que la fin de non-recevoir opposée par la société Chantiers Modernes est, par suite, dépourvue d'objet ;

Sur la recevabilité du recours du MINISTRE DE LA DEFENSE :

Considérant que les sociétés Chantiers Modernes et Laine-Delau, qui invoquent le caractère « inopérant » du recours du MINISTRE DE LA DEFENSE en faisant valoir qu'il ne contient aucune critique sérieuse du jugement, doivent être regardées comme ayant entendu opposer une fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation de ce recours ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours » ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Chantiers Modernes et Laine-Delau, le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE comporte l'exposé des circonstances de fait et présente de façon précise divers moyens à l'encontre du jugement attaqué du 3 septembre 2004 ; que la motivation de ce recours répond ainsi aux conditions posées par les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Sur l'appel principal du MINISTRE DE LA DEFENSE :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de la société Chantiers Modernes devant le Tribunal administratif de Versailles :

Considérant qu'aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales, approuvé par le décret susmentionné du 21 janvier 1976 et applicable au marché dont s'agit : « 50-2 Intervention du maître de l'ouvrage - 50-22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. 50-23. La décision à prendre (...) appartient au maître de l'ouvrage. 50-3 Procédure contentieuse - 50-31. Si dans le délai de trois mois à partir de la date de réception... du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent.(…). 50-32. Si dans le délai de 6 mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. (…) ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations, d'une part, que l'entrepreneur peut saisir la juridiction compétente passé le délai de trois mois imparti au maître de l'ouvrage pour statuer sur sa réclamation et, d'autre part, que le délai de forclusion de six mois fixé par le l'article 50-32 précité ne court qu'à compter de la notification de la décision du maître de l'ouvrage ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'aucune décision du MINISTRE DE LA DEFENSE rejetant la réclamation contre le décompte général du marché dont il a été saisi le 24 octobre 2000 par la société Chantiers Modernes n'a été notifiée à cette dernière ; que le délai de six mois prévu par les stipulations précitées de l'article 50-32 n'ayant pas commencé à courir, le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à opposer à la demande introduite par la société Chantiers Modernes devant le Tribunal administratif de Versailles la forclusion instituée par ce texte ;

En ce qui concerne la condamnation de l'Etat à payer à la société Chantiers Modernes la somme de 161 806, 64 euros ;

Considérant que le MINISTRE DE LA DEFENSE soutient qu'à la suite de procédures engagées contre lui par la société Bleu Azur, il a payé à cette entreprise les sommes qui lui étaient dues au titre des travaux afférents au lot n° 3 ; qu'il conteste la condamnation d'un montant de 161 806, 64 euros prononcée à l'encontre de l'Etat par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise au profit de la société Chantiers Modernes en faisant valoir que cette somme correspond à la rémunération de travaux inclus dans le lot n° 3 et que la collectivité publique ne saurait être condamnée à payer une seconde fois les sommes qu'elle a payées à l'entreprise titulaire du marché portant sur le lot susmentionné ;

Considérant toutefois que la somme litigieuse de 161 806, 64 euros représente le montant de quatre états de décomptes remis par la société Chantiers Modernes au maître d'oeuvre et acceptés par la personne responsable du marché ; qu'il résulte de l'instruction que ces états de décomptes correspondent à des travaux afférents au lot n° 1, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été effectivement exécutés par les sociétés Chantiers Modernes et Delau, titulaires de ce marché ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE LA DEFENSE, le jugement du 3 septembre 2004 n'a pas pour effet de mettre à la charge de l'Etat, une nouvelle fois, le paiement de travaux dont il s'est déjà acquitté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à payer à la société Chantiers Modernes, en sa qualité de mandataire du groupement d'entreprises solidaires constitué par elle-même et par la société Delau, la somme litigieuse de 161 806, 64 euros ;

En ce qui concerne les pénalités de retard :

Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, le MINISTRE DE LA DEFENSE déclare expressément qu'il renonce à ses conclusions d'appel en tant qu'elles sont dirigées contre l'article 2 du jugement attaqué par lequel le tribunal a déchargé la société Chantiers Modernes de la somme de 279 542, 56 euros au titre des pénalités de retard ;

Sur les conclusions d'appel incident :

Considérant que la société Chantiers Modernes a soutenu devant le Tribunal et persiste à soutenir en appel qu'elle s'est substituée à la société Bleu Azur qui s'est révélée défaillante et a terminé les travaux afférents au lot n° 3 ; qu'elle conteste donc le jugement du 3 septembre 2004 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant au paiement de la somme de 164 579, 73 euros ;

Considérant que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, la société Chantiers Modernes n'invoquait pas, à l'appui de sa demande tendant au paiement des travaux susmentionnés, les stipulations de la convention de groupement conclue avec la société Bleu Azur ; qu'elle faisait seulement valoir que, dans le cadre de la responsabilité contractuelle, il appartenait au MINISTRE DE LA DEFENSE de procéder au règlement de travaux compris dans le lot n° 3 qu'elle avait exécutés à sa demande ; que la société Chantiers Modernes est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter sa demande, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que les stipulations de cette convention n'étaient pas opposables à la collectivité publique ; qu'il y a lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société Chantiers Modernes tant en première instance qu'en appel ;

Considérant que, pour s'opposer aux demandes de la société Chantiers Modernes, le MINISTRE DE LA DEFENSE fait valoir que la société Bleu Azur avait repris l'exécution des travaux du lot n° 3 et que la société Chantiers Modernes ne les a donc pas achevés ;

Considérant qu'aux termes de l'article 49-7 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché : « Dans le cas d'un marché passé avec des entrepreneurs groupés conjoints, les dispositions particulières ci-après sont applicables : 1° Si l'un des entrepreneurs ne se conforme pas aux obligations qui lui incombent pour l'exécution du lot de travaux dont il est chargé, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, suivant les modalités définies au 1 du présent article, la décision étant adressée au mandataire. La mise en demeure produit effet, sans qu'il soit besoin d'une mention expresse, à l'égard du mandataire lui-même, solidaire de l'entrepreneur en cause. Le mandataire est tenu de se substituer à l'entrepreneur défaillant pour l'exécution des travaux dans le mois qui suit l'expiration du délai imparti à cet entrepreneur, si ce dernier n'a pas déféré à la mise en demeure. (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors d'une visite de chantier le 19 février 1997, il a été constaté par le représentant de l'établissement du génie de Paris, maître d'oeuvre, un retard dans l'avancement des travaux du lot n° 3 qui, après prolongation du délai contractuel, devaient être terminés le 3 mars 1997 ; qu'à la suite des opérations préalables à la réception organisées le 21 mars 1997, le maître d'oeuvre a proposé de ne pas prononcer la réception et, par ordre de service du 24 mars 1997, a notifié à la société Chantiers Modernes la décision de la personne responsable du marché de mettre en demeure la société Bleu Azur de terminer ses prestations sous quinze jours ; que la société Chantiers Modernes a communiqué cette mise en demeure à la société Bleu Azur qui l'a reçue le 28 mars 1997 ; qu'en l'absence de toute progression dans les travaux restant à exécuter, un constat de l'état des lieux a été établi par le maître d'oeuvre le 10 avril 1997 ; que, par ordre de service n° 298 notifié le 11 avril 1997, la société Chantiers Modernes était invitée par le maître d'oeuvre, en application des stipulations précitées de l'article 49-7 du cahier des clauses administratives générales, à se substituer à l'entreprise chargée du lot n° 3 et à achever les travaux de ce lot dans un délai expirant le 9 mai suivant ; qu'il est ainsi établi par ces divers ordres de service que la société Bleu Azur n'était pas en mesure de poursuivre l'exécution des travaux du lot n° 3 qui lui avaient été confiés et que la société Chantiers Modernes a reçu l'ordre de les terminer ;

Considérant qu'à la demande de la société Bleu Azur, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a, par ordonnance du 18 avril 1997, désigné un expert à l'effet de procéder à un constat d'urgence de l'état réel des travaux relevant du lot n° 3 ; que, par un ordre de service du 22 avril 1997, l'établissement du génie de Paris a ordonné à la société Chantiers Modernes d'arrêter immédiatement toute intervention sur les prestations du lot susmentionné afin de maintenir en l'état le chantier jusqu'à la fin des opérations d'expertise ; qu'il résulte des termes mêmes de cet ordre de service que la société Chantiers Modernes avait commencé à exécuter les travaux qui lui avaient été prescrits par l'ordre de service susmentionné n° 298 notifié le 11 avril 1997, dès lors que le maître d'oeuvre lui ordonnait de les interrompre pour les besoins du constat d'urgence, en précisant qu'elle pourrait les reprendre à l'issue des opérations d'expertise ; qu'enfin, par un ordre de service du 18 avril 1997, le maître d'oeuvre constatait lui-même que, depuis le 16 avril 1997, le personnel de la société Bleu Azur avait quitté les lieux ; que si le MINISTRE DE LA DEFENSE relève que cet ordre de service est revêtu d'une indication selon laquelle le personnel de cette entreprise a « repris le travail le 22 avril », cette mention manuscrite, dont l'auteur n'est pas identifié, n'établit pas que les travaux du lot n° 3 ont été exécutés par la société titulaire de ce lot, alors que la société Chantiers Modernes avait reçu l'ordre de se substituer à cette entreprise dès le 11 avril 1997 ; qu'enfin, par un nouvel ordre de service n° 303 du 9 mai 1997, le représentant de l'établissement du génie de Paris a constaté que les ouvrages mis en place par la société Chantiers Modernes avaient été déposés par la société Bleu Azur le 8 mai ; que cet ordre de service révèle, comme celui du 22 avril 1997, que la société Chantiers Modernes avait effectivement repris l'exécution des travaux faisant partie du lot n° 3 et laissés inachevés par la société Bleu Azur ;

Considérant cependant que le MINISTRE DE LA DEFENSE fait valoir que l'Etat a été condamné, par ordonnances du président du Tribunal administratif de Paris en date du 18 août 2000 et du président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 14 mai 2001, à payer à la société Bleu Azur diverses sommes en règlement des travaux du lot n° 3 ; que le ministre soutient que, dans ces conditions, l'Etat ne saurait être condamné à supporter deux fois le paiement des mêmes ouvrages et des mêmes prestations ;

Considérant toutefois que la circonstance que l'Etat ait été condamné à deux reprises à payer une provision à la société Bleu Azur, en règlement des travaux regardés comme exécutés par cette dernière, demeure sans conséquence, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, sur l'existence de son obligation à l'égard de la société Chantiers Modernes pour le règlement des travaux qu'elle a effectivement réalisés ; que la société Chantiers Modernes est par suite fondée à demander, par la voie du recours incident, la condamnation de l'Etat à lui payer la partie des travaux du lot n° 3 qu'elle a exécutés et qui ne lui ont pas été payés ;

Considérant que l'expert désigné par l'ordonnance susmentionnée du 18 avril 1997 avait pour mission de constater l'état des travaux non exécutés et de fournir des éléments d'évaluation ; qu'à la suite de ses visites sur place les 24 et 28 avril 1997, il a établi cet état pour le bâtiment administratif, pour le bâtiment à destination de logements et pour les extérieurs et les sous-sols ; que l'évaluation à laquelle il a procédé repose sur la décomposition du prix global et forfaitaire et sur les sous-détails de prix ; que la somme de 388 383 F qu'il indique dans son rapport n'a pas été contestée par la société Chantiers Modernes ; que cette dernière n'a produit, ni en première instance ni en appel, des éléments chiffrés justifiant que ses prestations se seraient élevées à une somme supérieure à celle que l'expert a mentionnée dans son rapport et qui est issue des documents contractuels ; que dès lors, les prétentions de la société Chantiers Modernes, qui s'élèvent à 164 579, 73 euros, ne peuvent être accueillies ; que le règlement qui lui est dû et qui doit être mis à la charge de l'Etat doit être fixé à la somme de 59 208, 61 euros (388 383 F) ;

Considérant qu'en vertu de l'article 13-43 du cahier des clauses administratives générales, repris à l'article 3-3-6 du cahier des clauses administratives particulières, le délai de mandatement du solde est fixé à deux mois à compter de la notification du décompte général ; que, selon l'article 178 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au marché litigieux, le défaut de mandatement dans le délai prévu par le marché fait courir de plein droit des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ; qu'il résulte de l'instruction que le décompte général a été notifié à la société Chantiers Modernes le 12 septembre 2000 ; que, par suite, les intérêts moratoires sur le montant du solde impayé du marché sont dus à compter du 13 novembre 2000 ;

Considérant que la société Chantiers Modernes a droit dans ces conditions, comme elle le demande, au paiement, à compter de cette date et jusqu'au règlement du principal, aux intérêts moratoires contractuels correspondant à l'intérêt au taux légal majoré de 2 points ; qu'elle a droit en outre à la capitalisation des intérêts échus le 16 mars 2005, date de la demande, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions de la société Chantiers Modernes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société Chantiers Modernes et à la société Laine-Delau la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la société Chantiers Modernes la somme de 59 208, 61 euros assortie des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 13 novembre 2000. Les intérêts échus le 16 mars 2005 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 3 septembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Chantiers Modernes et à la société Laine-Delau la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de la société Chantiers Modernes est rejeté.

N° 04VE03381 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 04VE03381
Date de la décision : 23/01/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIPOULON
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : LEVY CHEVALIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-01-23;04ve03381 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award