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08/02/2007 | FRANCE | N°06VE02266

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 08 février 2007, 06VE02266


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 octobre 2006, présentée pour M. Alphonse X, demeurant ..., par Me Boyer ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 067875 du 4 octobre 2006 en tant que par cette ordonnance, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles, statuant en référé, a :

- inclus la détermination des causes de sa contamination par le virus de l'hépatite C dans les missions confiées à l'expert désigné par cette ordonnance ;

- rejeté sa demande tendant à ce que l'Etablissemen

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 octobre 2006, présentée pour M. Alphonse X, demeurant ..., par Me Boyer ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 067875 du 4 octobre 2006 en tant que par cette ordonnance, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles, statuant en référé, a :

- inclus la détermination des causes de sa contamination par le virus de l'hépatite C dans les missions confiées à l'expert désigné par cette ordonnance ;

- rejeté sa demande tendant à ce que l'Etablissement français du Sang soit condamné à lui verser une provision de 50 000 € sur le montant de la réparation du préjudice subi du fait de cette contamination ;

- rejeté sa demande tendant à ce que les frais et honoraires d'expertise soient mis à la charge de l'Etablissement français du Sang ;

- rejeté sa demande tendant à ce que l'Etablissement français du Sang soit condamné à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prescrire que la mission de l'expert désigné sera limitée à la détermination des conséquences de la contamination ;

3°) de condamner l'Etablissement français du Sang à lui verser une provision de 50 000 € ;

4°) de condamner l'Etablissement français du Sang à supporter la charge des frais et honoraires d'expertise ainsi que des dépens ;

5°) de condamner l'Etablissement français du Sang à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que la recherche par l'expert des causes de la contamination ne revêt aucun caractère d'utilité dès lors qu'il peut être regardé comme établi que cette contamination est d'origine transfusionnelle, à la suite des très nombreuses transfusions reçues par le requérant entre 1976 et 1993 ; qu'en estimant que l'obligation de l'Etablissement français du Sang de réparer les conséquences dommageables de la contamination est sérieusement contestable, l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; que l'établissement ne combat pas la présomption de l'origine transfusionnelle de la contamination en ne rapportant pas la preuve de l'innocuité des produits transfusés ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les frais et honoraires d'expertise, ainsi que les frais irrépétibles ;

………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2007 :

- le rapport de M. Bélaval, président de la cour, rapporteur ;

- les observations de Me Boyer, avocat de M. X, et de Me Guillet, substituant Me Cresseaux, avocat de la Société Azur Assurances IARD ;

- les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions relatives à la mission confiée à l'expert désigné par l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la recherche de la cause de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C est utile à la détermination ultérieure par le juge du fond des responsabilités définitivement encourues, eu égard à la période et aux origines exactes de cette contamination, et ce alors même que l'imputabilité de cette dernière aux transfusions de produits sanguins reçues par le requérant dans le cadre du traitement de l'hémophilie dont il est atteint ne parait d'ores et déjà pas dépourvue de vraisemblance ; que c'est dès lors à bon droit et sans commettre d'erreur de droit dans l'application des dispositions précitées que le juge des référés de première instance a confié à l'expert qu'il a désigné par l'ordonnance attaquée la mission de rechercher les causes de la contamination de M. X ; que le requérant n'est par suite pas fondé à demander l'annulation de cette ordonnance sur ce point ;

Sur la demande de provision :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. » ;

Considérant que la circonstance que le juge des référés, saisi simultanément d'une demande d'expertise et de provision à raison des mêmes faits, confie à un expert la mission de rechercher les causes précises et de mesurer l'étendue d'un dommage n'est pas par elle-même de nature à entraîner le rejet de la demande de provision si, en l'état de l'instruction devant le juge saisi de cette demande et avant même le dépôt du rapport de l'expert, l'obligation invoquée peut d'ores et déjà, compte tenu de l'existence d'un régime particulier de responsabilité fondé sur la présomption, être regardée comme dépourvue de caractère sérieusement contestable ; que dès lors, la circonstance que l'ordonnance attaquée confiait à un expert la mission de rechercher tous éléments permettant d'établir les causes de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C ne dispensait pas le juge des référés de première instance de rechercher si, en l'état de l'instruction devant lui, l'obligation de l'Etablissement français du Sang de réparer les conséquences dommageables de cette contamination était ou non sérieusement contestable sur le fondement du régime spécial de responsabilité institué par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ;

Considérant à cet égard qu'aux termes des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injonction de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à décision irrévocable. » ;

Considérant que, pour l'application de ces dispositions, il appartient à la victime d'une contamination, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle cette contamination provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas en l'état de celle-ci sérieusement contesté par l'Etablissement français du Sang que M. X, atteint d'hémophilie depuis l'enfance, a reçu de très nombreuses transfusions de produits sanguins effectuées dans le cadre du traitement de cette affection entre 1977 et 1992 ; que la contamination a été détectée par une sérologie effectuée au mois de février 1993 ; que dans ces conditions, alors même que l'instruction ne permet pas de déterminer, en l'état où elle se trouve, à quel moment exact cette contamination est intervenue entre 1977 et 1992 et quel acte transfusionnel précis l'a provoquée, ce que le rapport de l'expert permettra de déterminer, l'origine transfusionnelle de la contamination de M. X peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme revêtue d'un degré d'ores et déjà suffisamment élevé de vraisemblance, eu égard au nombre de transfusions reçues et, au surplus, à la double circonstance que, pendant la même période, le requérant a été également contaminé par le virus de l'immuno-déficience humaine et que l'origine transfusionnelle de cette contamination a été reconnue ;

Considérant qu'il appartient dès lors, en vertu des dispositions précitées, à l'Etablissement français du Sang d'apporter la preuve contraire de l'origine transfusionnelle de la contamination de M. X ; que pour ce faire, l'Etablissement français du Sang n'établit en l'état de l'instruction ni l'innocuité des produits transfusés à M. X, ni l'existence d'une autre cause de contamination ; que dans ces conditions et en admettant même que de nouveaux éléments pourront être apportés sur chacun de ces deux points à l'issue de l'expertise, il existe à tout le moins, sur l'origine transfusionnelle de la contamination de M. X, un doute dont il y a lieu, en application des dispositions précitées, de faire profiter ce dernier ; que M. X est fondé à invoquer sur le fondement de ce doute une obligation dépourvue de caractère sérieusement contestable de réparer les conséquences dommageables de ladite contamination ;

Considérant que, pour se dégager de l'obligation susceptible de peser ainsi sur lui, l'Etablissement français du Sang, dont la responsabilité propre ne saurait en l'espèce être recherchée dès lors que la contamination est en tout état de cause antérieure à sa création, fait valoir qu'il n'est pas établi que les produits dont la transfusion a pu effectivement contaminer M. X ont été fournis par un établissement aux droits et obligations duquel il est aujourd'hui substitué ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'au cours de la période présumée de contamination, le requérant a reçu la transfusion de produits sanguins fournis par un organisme dépendant de la Fondation nationale de la transfusion sanguine, aux droits et obligations de laquelle l'Etablissement français du Sang ne conteste pas être substitué ; que si l'Etablissement français du Sang soutient que ces produits avaient spécifiquement fait l'objet d'un traitement contre les risques de contamination, il ne l'établit pas en l'état de l'instruction ; que s'il soutient également que les établissements hospitaliers dans lesquels M. X a été traité pendant la période durant laquelle il a été contaminé ont pu se procurer des produits sanguins auprès d'autres fournisseurs, il ne fournit, à ce stade de l'instruction, aucun élément suffisamment précis pour établir que ces établissements se sont effectivement, au moment où M. X a reçu des transfusions, procuré des produits auprès de fournisseurs auxquels il ne se trouve pas substitué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de regarder l'obligation invoquée par M. X à l'encontre de l'Etablissement français du Sang comme dépourvue de caractère sérieusement contestable sur le fondement des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; qu'il y a lieu par suite de condamner l'Etablissement français du Sang à verser à M. X une provision au titre de cette obligation ; que compte tenu du caractère provisoire d'une telle mesure, la circonstance que l'incertitude demeurant sur le fournisseur du produit contaminant priverait l'Etablissement français du Sang de la possibilité d'appeler en garantie l'assureur de ce fournisseur ne fait pas obstacle à cette condamnation, un tel appel en garantie pouvant en tout état de cause être exercé au moment de la détermination définitive des responsabilités encourues après le dépôt du rapport de l'expert ;

Considérant que dans l'attente de la remise du rapport de l'expert et de la description par celui-ci des chefs de préjudice spécifiquement supportés par M. X du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, il sera fait, en l'état de l'instruction et au égard aux éléments fournis par les parties, une juste évaluation de la provision en en fixant le montant à 10 000 € ;

Sur les frais d'expertise et les dépens :

Considérant que la taxation des frais et honoraires d'une expertise et la détermination de la partie qui doit en supporter la charge ne relevant pas de l'office du juge des référés, mais, comme l'a jugé à bon droit le juge des référés de première instance en se fondant sur les dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, du président de la juridiction à laquelle appartient le juge ayant ordonné l'expertise, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que ses conclusions tendant à ce que les frais et honoraires de l'expertise soient mis à la charge de l'Etablissement français du Sang ont été rejetées ;

Considérant que la présente instance de référé n'ayant pas donné lieu à d'autres dépens, les conclusions de M. X relatives à la charge de ces dépens doivent en tout état de cause être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'ordonnance attaquée ayant partiellement fait droit aux conclusions de la demande présentée par M. X au juge des référés du Tribunal administratif de Versailles, le requérant ne pouvait être regardé comme la partie perdante de l'instance engagée devant ce juge ; que c'est par suite à tort que le juge des référés de première instance a réservé la demande présentée par lui sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler sur ce point l'ordonnance attaquée et de condamner, dans les circonstances de l'espèce, l'Etablissement français du Sang à verser à M. X la somme de 1 000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens de première instance ;

Considérant qu'il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etablissement français du Sang à verser à M. X la somme de 1 000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens d'appel ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 067875 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles en date du 4 octobre 2006 est annulée en tant qu'elle a rejeté les conclusions de M. X tendant à l'octroi d'une provision et qu'elle a réservé celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : L'Etablissement français du Sang est condamné à verser à M. X une provision de 10 000 €.

Article 3 : L'Etablissement français du Sang est condamné à verser à M. X la somme de 1 000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens de première instance et la somme de 1 000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens d'appel.

Article 4 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel de M. X est rejeté.

06VE02266 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE02266
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BELAVAL
Rapporteur ?: M. Philippe BELAVAL
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : UGGC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-02-08;06ve02266 ?
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