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04/10/2007 | FRANCE | N°06VE00193

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 04 octobre 2007, 06VE00193


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 25 janvier 2006 au greffe de la Cour et régularisée en original le 30 janvier 2006, présentée pour LA MAISON DU CIL, dont le siège social est 12 boulevard Roosevelt à Saint Quentin (02100), par Me Lamorlette ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0206121 en date du 24 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bobigny à lui verser une indemnité de 371 145,16 € abondée des intérêts au taux légal à compter du 9

août 2002 ;

2°) de condamner la commune de Bobigny à lui verser une indemnité...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 25 janvier 2006 au greffe de la Cour et régularisée en original le 30 janvier 2006, présentée pour LA MAISON DU CIL, dont le siège social est 12 boulevard Roosevelt à Saint Quentin (02100), par Me Lamorlette ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0206121 en date du 24 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bobigny à lui verser une indemnité de 371 145,16 € abondée des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2002 ;

2°) de condamner la commune de Bobigny à lui verser une indemnité de 371 145,16 € abondée des intérêts au taux légal de la somme de 279 675,75 € à compter du 9 août 2002 ;

3°) de condamner la commune de Bobigny à lui verser une somme de 3 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a écarté son moyen tiré de la faute commise par la commune en refusant illégalement de lui délivrer un permis de construire, sans l'examiner, en se bornant à se référer au jugement non définitif qu'il avait rendu le 23 décembre 2004 ; que le refus de délivrance du permis de construire sollicité est fondé sur deux motifs erronés dès lors, d'une part, que les places de stationnement afférentes à une surface commerciale n'étaient pas exigibles, la mention d'une telle surface dans la demande relevant d'une simple erreur matérielle, le dossier ne précisant pas quelle surface devait être affectée à un usage commercial et aucune demande d'autorisation d'exploitation d'une activité commerciale n'ayant été déposée, d'autre part, que le plan d'aménagement de zone (PAZ) de la zone d'aménagement concerté (ZAC) Jean Jaurès, entaché de contradiction et d'incohérence interne, ne pouvait lui être opposé pour justifier le refus précité ; que, par ses atermoiements et ses changements d'attitude, sources d'insécurité juridique pour le pétitionnaire, la commune a eu un comportement fautif à son égard dès lors que la délibération du conseil municipal du 8 février 2001 démontrait la volonté de la commune d'accueillir une résidence pour étudiants, que cette volonté a été explicitement manifestée pendant la réunion du 27 septembre 2000, que la commune a ensuite réclamé à la requérante en février 2001 l'implantation en rez-de-chaussée d'un local commercial, puis qu'elle a accepté le 24 avril 2001 sa transformation en chambres d'étudiants le nombre de places de stationnement correspondant à la surface commerciale ne pouvant être obtenu et, enfin, qu'elle a refusé de tenir compte de la réalisation de la condition suspensive relative à cette surface ; que la commune a également commis une faute à l'encontre de la requérante en poursuivant l'instruction de sa demande de permis de construire pendant neuf mois, sans la mettre en garde contre le risque de voir sa demande rejetée, alors qu'étant l'auteur du plan d'aménagement, elle ne pouvait ignorer l'incompatibilité du projet avec la destination prévue de son terrain d'assiette ; que la responsabilité de la commune est également engagée à l'encontre de la requérante sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques dès lors que, même pour un professionnel de l'immobilier, la règle d'urbanisme à appliquer était d'interprétation difficile et que l'attitude de la commune, qui lui a elle-même attribué le terrain d'assiette du projet, n'a pas permis à la requérante d'agir en légitime confiance avec elle et avec l'aménageur de la ZAC ; que le préjudice subi s'élève à la somme de 279 675,75 € ; que cette somme doit porter intérêt au taux légal à compter du 9 août 2002, date de réception par l'administration de sa demande préalable ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2007 :

- le rapport de M. Dacre-Wright, président ;

- les observations de Me Lamorlette pour LA MAISON DU CIL et de Me Sentenac pour la commune de Bobigny ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que, pour écarter le moyen soulevé par LA MAISON DU CIL et tiré de l'illégalité de l'arrêté du maire de la commune de Bobigny du 15 février 2002 refusant de lui délivrer le permis de construire qu'elle sollicitait, illégalité constituant selon elle une faute de nature à engager la responsabilité de la commune envers elle, le tribunal, après avoir constaté que LA MAISON DU CIL reprenait sans rien y ajouter l'argumentation qu'elle avait développée dans une instance antérieure pour demander l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté, s'est référé « aux mêmes motifs que ceux retenus par le jugement en date du 23 décembre 2004 » ; qu'il n'a pas ainsi attribué l'autorité de la chose jugée à un jugement qui n'était pas devenu définitif, mais s'est borné à indiquer au demandeur que le moyen déjà examiné et non modifié ne pouvait entraîner qu'une réponse identique ; que le tribunal n'a pas, de ce fait, entaché d'irrégularité sa décision ;

Sur les moyens tirés de la responsabilité pour faute de la commune de Bobigny :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité fautive de l'arrêté du 15 février 2002 :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du règlement de zone (RAZ) de la zone d'aménagement concerté (ZAC) Jean Jaurès : « Objet et portée. Le présent règlement a pour objet de déterminer les règles d'aménagement applicables au titre du PAZ (plan d'aménagement de zone) en complément du document graphique dont il est indissociable. … » ; que l'article 3 du même règlement précise : « Affectation et division de la zone . Le territoire inclus dans le périmètre de la ZAC Jean Jaurès est affecté à un programme principal de logements et de commerces ; … Un programme complémentaire de bureaux est également prévu. … » ; que le document graphique auquel renvoie explicitement l'article 2 indique, îlots par îlots, leur affectation soit à des logements, soit à des bureaux, soit à des commerces ; qu'en particulier, l'îlot constituant le terrain d'assiette de l'immeuble projeté comporte la mention « Bureaux - Commerces » ; qu'en précisant, par les mentions portées sur le document graphique, la répartition entre les îlots de la ZAC du programme principal de logements et de commerces et du programme complémentaire de bureaux, les auteurs du PAZ n'ont pas entaché ce plan de contradiction ou d'incohérence interne ; qu'il s'ensuit que LA MAISON DU CIL n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du PAZ, notamment celle concernant le terrain d'assiette de son projet, ne pouvaient légalement lui être opposées par le premier motif de l'arrêté litigieux ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 12.2 du RAZ modifié : « Les normes de stationnement sont ainsi définies : 1. Habitations : 1 place de parking par logement. Pour …les résidences pour étudiants … : 1 place pour 10 chambres sera prévue. … 2. Commerces : outre l'emplacement pour les véhicules de livraison ou de service, il devra être prévu 1 place de parking pour 50 m2 SHON … » ; que la demande de permis de construire présentée le 31 mai 2005 par LA MAISON DU CIL concernait un immeuble R+6 comprenant 155 chambres d'étudiants, deux logements et une surface commerciale de 350 m2 ; que la requérante ne peut sérieusement soutenir que la mention de cette surface commerciale sur le formulaire de sa demande résultait d'une erreur matérielle dès lors que la notice de présentation du projet la cite explicitement et que le plan de masse du rez-de-chaussée la prévoit clairement ; qu'elle ne peut pas plus soutenir que cette surface commerciale n'a jamais été envisagée alors qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante a tenté de la donner à bail commercial ou de la vendre au cours de l'année 2001 ; que l'absence de demande d'autorisation d'exploitation d'une activité commerciale est sans influence sur le fait que la surface commerciale était prévue par le projet ; qu'enfin, si LA MAISON DU CIL a obtenu de l'aménageur de la ZAC, le 5 octobre 2001, l'autorisation de transformer la surface litigieuse en chambres d'étudiants, il lui appartenait de modifier son projet en conséquence ou de présenter un nouveau projet ; qu'en l'état de la demande, 25 places de stationnement étaient nécessaires en application des prescriptions de l'article 12.2 du PAZ alors que le projet n'en prévoyait que 20 ; que, par suite, l'arrêté litigieux a pu légalement lui opposer un deuxième motif tiré de l'insuffisance du nombre de places de stationnement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 15 février 2002 n'est pas entaché d'illégalité ; que, dès lors, le moyen tiré de la faute commise par la commune de Bobigny en refusant par un arrêté illégal de lui délivrer le permis de construire qu'elle sollicitait, doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré du comportement fautif de la commune de Bobigny :

Considérant, d'une part, que par une délibération en date du 8 février 2001, le conseil municipal de Bobigny a approuvé une modification de l'article Z 12 du RAZ de la ZAC Jean Jaurès relatif au nombre de places de stationnement exigible par type de construction ; que si, en particulier, le texte modifié de cet article prévoit le nombre de places de stationnement nécessaires pour toute résidence pour étudiants située dans la ZAC, cette circonstance n'établit pas, par elle-même, l'attachement de la commune au projet spécifique de LA MAISON DU CIL ;

Considérant, d'autre part, que s'il peut être admis, au vu du compte rendu d'une réunion du 27 septembre 2000 établi par la SIDEC aménageur de la ZAC, que le représentant de la commune a manifesté alors l'intérêt de la collectivité locale pour l'implantation d'une résidence pour étudiants « avenue Jean Jaurès » et a souhaité qu'une telle résidence comporte une surface commerciale au rez-de-chaussée, et s'il ressort des pièces du dossier que la commune a accepté le 24 avril 2001 que la surface commerciale prévue puisse être transformée en chambres d'étudiants au cas où le constructeur ne trouverait pas à la louer ou à la vendre avant le 1er septembre 2001, ces circonstances ne peuvent être regardées comme constituant des engagements ou des promesses envers LA MAISON DU CIL que la commune n'aurait pas tenus en refusant de lui délivrer, par un premier arrêté en date du 21 novembre 2001, le permis de construire au motif justifié de l'insuffisance du nombre de places de stationnement prévu par le projet qui lui était soumis ; que si, à la suite du recours gracieux formé contre cet arrêté par le préfet de Seine-Saint-Denis, le maire de la commune l'a retiré le 14 février 2002 pour le remplacer, le 15 février 2002, par un arrêté comportant en plus un autre motif tiré de l'impossibilité d'implanter une résidence d'étudiants sur un îlot destiné par le RAZ aux bureaux et aux commerces, cette circonstance ne constitue pas plus un changement d'attitude fautif de la commune dès lors que, de toutes façons, le permis de construire ne pouvait être délivré pour le premier motif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen susvisé doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la durée excessive de l'instruction de la demande de permis de construire :

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la demande de permis de construire déposée le 31 mai 2001 par LA MAISON DU CIL, puis complétée par elle le 2 août 2001, a été rejetée une première fois par un arrêté du 21 novembre 2001 ; que la requérante n'établit pas ni même n'allègue avoir cherché à modifier son projet en remplaçant la surface commerciale prévue à l'origine par des chambres d'étudiants alors qu'une telle modification était de nature à le régulariser au regard des dispositions de l'article Z 12 du RAZ ; qu'elle ne démontre pas plus avoir voulu déposer un nouveau projet après cette date ; que, dans ces conditions, même si l'arrêté du 21 novembre 2001 a été retiré le 14 février 2002 et remplacé le 15 février 2002 par un nouvel arrêté ajoutant un deuxième motif de rejet à celui retenu par l'arrêté précédent, la requérante a su dès le 21 novembre 2001, au terme d'une instruction dont la durée ne peut être regardée comme excessive, que le projet, tel qu'elle l'avait présenté, ne pouvait aboutir ; que, dès lors, le moyen susvisé doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de la responsabilité sans faute de la commune de Bobigny :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : « N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code … et concernant, notamment, l'utilisation du sol, le hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou à une modification de l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain … » ; que ces dispositions, qui édictent le principe de la non indemnisation des servitudes d'urbanisme, l'assortissent expressément de deux exceptions touchant aux droits acquis par les intéressés et à la modification de l'état antérieur des lieux, et ne font pas obstacle à leur indemnisation dans le cas où ils supportent une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le permis de construire sollicité par LA MAISON DU CIL ne pouvait qu'être refusé dès lors, notamment, que le projet ne respectait pas le nombre de places de stationnement exigé par l'article Z 12 du RAZ de la ZAC ; que les prescriptions de cet article ne modifiaient pas l'état antérieur des lieux ; que le pétitionnaire n'avait aucun droit acquis à la délivrance du permis de construire sollicité ; que les exigences en matière de places de stationnement pour les résidences d'étudiants, édictées pour l'ensemble de la ZAC, concernaient ainsi tout projet de résidence pour étudiants où qu'il puisse se trouver dans le périmètre de cette zone et ne peuvent, en conséquence, avoir constitué une charge spéciale pour LA MAISON DU CIL ; que cette charge n'était pas exorbitante ni hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par les auteurs du RAZ en matière de stationnement des véhicules ; que, par suite, le moyen tiré par LA MAISON DU CIL de ce que la responsabilité de la commune de Bobigny est engagée à son égard sur le fondement de la rupture du principe d'égalité devant les charges publiques doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que LA MAISON DU CIL n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bobigny à lui verser une indemnité en réparation du préjudice résultant du rejet de sa demande de permis de construire ;

Considérant que, par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions de LA MAISON DU CIL tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de LA MAISON DU CIL le paiement à la commune de Bobigny d'une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de LA MAISON DU CIL est rejetée.

Article 2 : LA MAISON DU CIL versera à la commune de Bobigny une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Bobigny tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

06VE00193 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE00193
Date de la décision : 04/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Gildas DACRE-WRIGHT
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : LAMORLETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-10-04;06ve00193 ?
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