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20/05/2008 | FRANCE | N°06VE02402

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 20 mai 2008, 06VE02402


Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle la société CISCO SYSTEMS INTERNATIONAL BV, dont le siège est Haarlerbergpark, Haarlerbergweg 13-19, 1101 CH à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes Bernier et de Sousa, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503736 en date du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité de 5 % dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charg

e au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 30 avril 2001 ;
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Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle la société CISCO SYSTEMS INTERNATIONAL BV, dont le siège est Haarlerbergpark, Haarlerbergweg 13-19, 1101 CH à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes Bernier et de Sousa, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503736 en date du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité de 5 % dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 30 avril 2001 ;

2°) de prononcer la décharge de cette pénalité d'un montant de 162 608 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- si, effectivement, elle a omis de déclarer, de novembre 2000 à avril 2001, les opérations intracommunautaires effectuées entre ses établissements situés aux Pays-Bas et ceux situés en France alors qu'elle était tenue de le faire en application des dispositions du I bis I° et du II 2° de l'article 256 du code général des impôts, cette omission n'a pas pour autant lésé le Trésor public dans la mesure où les opérations en cause sont neutres fiscalement du fait de la compensation opérée entre la taxe sur la valeur ajoutée à collecter et la taxe sur la valeur ajoutée à déduire ;

- elle est de bonne foi dans la mesure où elle a corrigé son erreur dès qu'elle s'est rendue compte de l'omission commise involontairement ;

- les erreurs constatées sur la période incriminée sont liées aux opérations de mise en place de la société et ont été corrigées dès que la société a disposé des outils informatiques et comptables nécessaires ; par ailleurs, les vérificateurs ne lui ont reproché aucun manquement s'agissant de ses obligations comptables ;

- contrairement à ce qu'ont estimé l'administration et le tribunal, elle était en droit de faire valoir sa bonne foi pour demander que lui soit gracieusement remise la pénalité dont elle a fait l'objet d'autant que le montant de l'amende est disproportionné par rapport aux faits reprochés ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté sans justifications les arguments légaux qu'elle a invoqués concernant le caractère disproportionné de l'amende au regard de l'absence de préjudice du Trésor public ; en effet, cette amende prévue par l'article 1788 septies du code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition dans la mesure où c'est son comportement présumé fautif qui a été sanctionné ;

- l'amende ainsi infligée méconnaît les dispositions de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où elle n'est pas proportionnée à la gravité des agissements du contribuable et ne prévoit pas de taux différents selon la gravité de ces agissements ;

- l'amende est également contraire à l'esprit de la loi de 1994 l'instituant dans la mesure où il ressort de la discussion parlementaire que le législateur avait prévu que le taux de 5% était un maximum que l'administration était en mesure de moduler en fonction du comportement du contribuable ;

- la sanction en cause méconnaît enfin le principe communautaire de proportionnalité tel qu'il ressort notamment de la 6ème directive du Conseil du 17 mai 1977 et auquel est assujetti le mécanisme des sanctions pour défaut de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire ; au cas d'espèce, compte tenu du caractère disproportionné de la sanction, ce principe a été méconnu ; le législateur a d'ailleurs pris en compte ce principe en adoptant l'article 29 de la loi de finances pour 2006 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, dite « sixième directive », concernant l'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires et au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2008 :

- le rapport de M. Lenoir, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001, le service a relevé que la société CISCO SYSTEMS INTERNATIONAL BV, spécialisée dans les réseaux informatisés et domiciliée aux Pays-Bas, avait omis de déclarer les acquisitions effectuées au cours de la période du 1er janvier 2000 au 30 avril 2001 auprès de ses établissements situés en France ; que l'administration a alors estimé que la requérante était redevable, en application de l'article 1788 septies du code général des impôts, d'une amende d'un montant de 162 608 euros ; que la société CISCO SYSTEMS INTERNATIONAL BV relève appel du jugement en date du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de ladite amende ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 22-4, alinéa 2, de la directive susvisée du 17 mai 1977 : « Dans la déclaration (de taxe sur la valeur ajoutée) doivent figurer toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, le cas échéant, et dans la mesure où cela apparaît nécessaire pour la constatation de l'assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées » ; qu'aux termes de l'article 22-8 de la même directive : « Sans préjudice des dispositions à arrêter en vertu de l'article 17 § 4, les Etats membres ont la faculté de prévoir d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude » ; qu'enfin, aux termes de l'article 1788 septies du code général des impôts, alors en vigueur : « Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne un rappel de droits correspondants assorti d'une amende égale à 5 % du rappel pour lequel le redevable bénéficie d'un droit à déduction » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des travaux parlementaires ayant abouti à l'adoption de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour l'année 1994 instituant l'article 1788 septies précité que l'intention du législateur était de mettre en place un régime obligeant les opérateurs à accomplir les formalités déclaratives nécessaires au bon fonctionnement du régime de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire y compris lorsque la liquidation de la taxe n'aboutit à aucun versement en faveur du Trésor public ; que le législateur a estimé qu'un tel but ne pouvait être atteint qu'avec l'utilisation d'un taux de pénalité suffisamment incitatif fixé à 5 % ; que la société CISCO SYSTEMS INTERNATIONAL BV ne saurait en conséquence soutenir que le législateur aurait implicitement mais nécessairement donné au juge le pouvoir de moduler le taux ainsi fixé afin de tenir compte des circonstances de l'espèce ; qu'elle ne peut donc se prévaloir ni du fait qu'elle a agi de bonne foi, ni du fait que l'erreur commise était involontaire et a été rectifiée dès qu'elle en a eu connaissance pour demander à la cour de prononcer la modération de la pénalité qui lui a été infligée ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'intervention, d'ailleurs postérieure au prononcé des sanctions critiquées, des lois de finances pour les années 2005 et 2006 modifiant le taux des pénalités et des intérêts de retard, qui ne concernent pas le montant de l'amende prévue par l'article 1788 septies du code général des impôts devenu l'article 1788 A du même code ;

Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à l'intérêt général qui s'attache au respect des obligations imposées aux opérateurs économiques par les dispositions précitées des articles 22-4, alinéa 2, et 22-8 de la sixième directive, lesquelles visent à favoriser une bonne application de la législation en matière de taxe sur la valeur ajoutée relative aux opérations intracommunautaires, dont le contrôle repose sur une connaissance exacte et complète des opérations réalisées, le taux de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1788 septies, égal à 5 % du montant de la taxe sur la valeur ajoutée non déclarée, n'est pas, par lui-même, disproportionné au but recherché ; que, par ailleurs, l'amende en cause, en ce qu'elle vise seulement à sanctionner l'omission, par l'assujetti, de ses obligations déclaratives, n'implique pas, dès lors qu'aucune appréciation n'est portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, une modulation de son taux ; qu'ainsi, la société requérante ne saurait se prévaloir, pour demander que soient écartées à son égard les dispositions de l'article 1788 septies précité du code général des impôts, d'une méconnaissance du principe communautaire de proportionnalité ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « § 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) » ; qu'ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, l'objectif de l'amende prévue à l'article 1788 septies du code général des impôts est essentiellement, dans un cas où la taxe non déclarée est elle-même immédiatement déductible, d'inciter les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée à s'acquitter avec exactitude de leurs obligations déclaratives, afin de permettre le bon fonctionnement des procédures d'échanges d'informations entre administrations fiscales des Etats membres de la Communauté européenne prévues par le système communautaire de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en conséquence, cette amende présente le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise ; que, par suite, le litige relatif à son application procède d'une accusation en matière pénale au sens des stipulations précitées ; que, cependant, d'une part, le législateur, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a prévu aux articles 1728, 1729 et 1788 septies du code général des impôts plusieurs sanctions selon que le redevable a éludé des droits en omettant de souscrire une déclaration, a éludé des droits en omettant de mentionner des opérations sur une déclaration ou a omis de déclarer des opérations sans toutefois éluder de droits en raison du caractère immédiatement déductible de la taxe afférente aux opérations omises ; que le taux de la pénalité fiscale prévue à l'article 1788 septies est de 5 % alors que les taux prévus aux articles 1728 et 1729 sont, selon les cas, de 10 %, 40 % ou 80 % ; que la loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge, le respect des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention n'impliquant cependant pas que le juge de l'impôt en module le montant ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 1788 septies du code général des impôts devraient être écartées au motif qu'elles seraient incompatibles avec les stipulations précitées de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société CISCO SYSTEMS INTERNATIONAL BV n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à la société CISCO SYSTEMS INTERNATIONAL BV la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société CISCO SYSTEMS INTERNATIONAL BV est rejetée.
N°06VE02402 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE02402
Date de la décision : 20/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : BERNIER ET DE SOUSA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-05-20;06ve02402 ?
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