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03/06/2008 | FRANCE | N°07VE00923

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 03 juin 2008, 07VE00923


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 11 avril 2007 en télécopie et le 13 avril 2007 en original, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 0204347 en date du 25 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions du directeur des services fiscaux des Yvelines refusant de rehausser, par voies de rôles supplémentaires dans la commune de Mantes-la-Ville, la base de la taxe fonci

re sur les propriétés bâties de 22 immeubles au titre de l'année...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 11 avril 2007 en télécopie et le 13 avril 2007 en original, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 0204347 en date du 25 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions du directeur des services fiscaux des Yvelines refusant de rehausser, par voies de rôles supplémentaires dans la commune de Mantes-la-Ville, la base de la taxe foncière sur les propriétés bâties de 22 immeubles au titre de l'année 2000, 16 immeubles au titre de l'année 2001, et 8 immeubles au titre de l'année 2002, et a condamné l'Etat à verser à la commune de Mantes-la-Ville la somme de 46 433 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2002, ainsi qu'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- qu'en considérant qu'il appartenait à l'administration fiscale d'établir les rôles complémentaires demandés par la commune de Mantes-la-Ville dans le délai de reprise prévu à l'article L. 173 du livre des procédures fiscales, soit en évaluant les locaux en cause en application de l'article 1498 du code général des impôts, soit par comparaison avec des immeubles similaires situés hors de la commune dans une localité présentant une situation analogue, soit, en tout état de cause, par voie d'appréciation directe, et sans procéder préalablement à une révision des procès-verbaux de la commune selon la procédure prévue à l'article 1504 du code général des impôts, le tribunal a commis une erreur de droit ; qu'en effet, dans la mesure où, d'une part, les locaux litigieux étaient des locaux commerciaux ordinaires dont la valeur locative avait été précédemment déterminée par comparaison, et où, d'autre part, aucun terme de comparaison approprié ne figurait sur le procès-verbal initial d'évaluation des propriétés bâties, l'administration était tenue de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 1504 du code général des impôts pour modifier la liste des locaux de référence ; qu'en effet, les locaux litigieux ne présentaient pas un caractère particulier ou exceptionnel ayant permis à l'administration de choisir comme terme de comparaison des locaux situés hors de la commune ; qu'il n'était pas davantage possible de recourir à l'évaluation par voie d'appréciation directe prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts, dans la mesure où cette méthode présente un caractère subsidiaire ; que, par ailleurs, dans la mesure où l'administration aurait choisi de mettre en oeuvre cette méthode, elle aurait été tenue de recueillir préalablement les observations des contribuables concernés, par le biais d'une demande d'information afin de connaître la valorisation des immeubles en cause à l'actif de leur bilan ; que, de plus, la méthode de l'évaluation directe, qui implique de rechercher des transactions intervenues à une date la plus proche possible de la date de référence du 1er janvier 1970, est longue et complexe, et qu'en recourant à cette méthode, il n'aurait pas été possible d'effectuer les corrections demandées dans le délai de reprise fixé à l'article L. 173 du livre des procédures fiscales ; que, s'agissant de l'émission de rôles supplémentaires, l'administration n'a pas, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, disposé d'un délai suffisant pour pouvoir émettre des rôles supplémentaires au titre de l'année 2000 ; qu'au titre de l'année 2001, des rôles supplémentaires ont été émis pour 6 des 22 immeubles concernés ; que, pour les autres locaux, aucun rôle supplémentaire ne pouvait être établi pour 2001, dans la mesure où les nouvelles valeurs locatives de ces locaux ont été déterminées à la suite de la création de nouveaux locaux-types figurant sur le procès-verbal complémentaire n° 4 signé le 21 mai 2002 ; que ce procès-verbal ne pouvait être utilisé pour l'évaluation des locaux qu'à compter de l'année suivant la date de signature du procès verbal, sauf à méconnaître le principe de non-rétroactivité des actes administratifs et celui de l'annualité de la taxe foncière prévu à l'article 1415 du code général des impôts ; que le refus était donc également fondé au titre de l'année 2001 ; qu'en tout état de cause, et si la cour devait confirmer la décision des premiers juges sur la mise en oeuvre de la méthode de l'évaluation par voie d'appréciation directe, les quelques mois pendant lesquels l'administration aurait dû exercer son droit de reprise au titre des années 2000 et 2001 ne lui auraient matériellement pas suffi pour diligenter les investigations nécessaires à son application ;

- que l'administration n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, dans la mesure où elle a fait preuve de toutes les diligences nécessaires dans le traitement des demandes de la commune de Mantes-la-Ville ; que, compte tenu de la difficulté des travaux de mise à jour des bases de la taxe foncière, les résultats des recherches de l'administration pour déterminer les termes de comparaison appropriés ont été portés à la connaissance de la commission communale au fur et à mesure de leur achèvement, et ont donné lieu à l'établissement de procès-verbaux complémentaires après la réunion de la commission communale les 11 janvier 2001 et 9 avril 2002 ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'administration avait bien fait valoir les difficultés particulières de cette tâche, qui est notamment corroborée par le fait que les mises à jour de deux locaux réalisées dès 2001 avaient dû être rectifiées après des contestations des contribuables ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2008 :

- le rapport de M. Morri, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la commune de Mantes-la-Ville a sollicité, par un courrier du 28 novembre 2000 adressé aux services fiscaux, la correction de la valeur locative servant de base à l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour 22 locaux commerciaux situés sur le territoire de la commune et l'émission de rôles supplémentaires concernant ces immeubles pour les années 1999 et 2000 ; que, par un courrier du 17 septembre 2002, la commune a réitéré sa demande pour ceux des immeubles dont la valeur n'avait toujours pas été revue à cette date, et, pour ceux dont la valeur avait été revue, a sollicité l'émission, par application du droit de reprise, de rôles supplémentaires concernant 16 immeubles au titre de l'année 2001 et 8 immeubles au titre de l'année 2002 ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait régulièrement appel du jugement en date du 25 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation des refus opposés à ces demandes et condamné l'Etat à verser à la commune de Mantes-la-Ville la somme de 46 433 euros avec intérêts au taux légal en réparation du préjudice causé par ces décisions ;

Sur la légalité des décisions contestées :

Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1°. Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date ; soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3°) A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ; qu'aux termes de l'article 1504 du même code : « Les locaux types à retenir pour l'évaluation des biens visés à l'article 1498 sont choisis par le représentant de l'administration et par la commission communale des impôts directs. Après harmonisation avec les autres communes du département, la liste est arrêtée par le service des impôts » ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'un bien n'était pas donné en location à des conditions de prix normales au 1er janvier 1970, sa valeur locative doit être déterminée, en priorité, par comparaison avec des immeubles choisis dans la commune et figurant dans la liste élaborée selon la procédure de l'article 1504 du code général des impôts ; que si cette comparaison n'est pas possible, il peut être recherché, pour les immeubles particuliers ou exceptionnels, des termes de comparaison hors de la commune ; qu'enfin, la méthode d'évaluation directe ne peut être utilisée que si la méthode d'évaluation par comparaison se révèle inapplicable ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'il n'existait, pour les vingt-deux locaux commerciaux en litige, aucun terme de comparaison approprié dans le procès-verbal arrêtant la liste des locaux types pour la commune de Mantes-la-Ville pour l'année 2000 ; que c'est donc à bon droit que l'administration a recherché s'il existait, dans la commune, de nouveaux immeubles susceptibles de compléter la liste des locaux types et mis en oeuvre la procédure de l'article 1504 du code général des impôts pour fixer ou modifier cette liste ; que la révision de cette liste s'est opérée en plusieurs étapes, par des procès-verbaux complémentaires adoptés les 11 janvier 2001 et 21 mai 2002, et n'a pu être mise en oeuvre, pour l'ensemble des 22 immeubles concernés, qu'à compter de l'année d'imposition 2003 ; qu'il n'est pas démontré que le recours à la procédure prévue au 2° de l'article 1498 pour les locaux particuliers ou exceptionnels aurait permis d'aboutir, dans des délais plus brefs que ceux qui ont été effectivement nécessaires, à la mise à jour des valeurs locatives des immeubles en cause ; qu'enfin, la méthode par appréciation directe ne pouvait être mise en oeuvre tant que la méthode par comparaison ne s'était pas révélée inapplicable ;

Considérant, en second lieu, que l'administration ne pouvait, sauf à méconnaître le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, se fonder sur les modifications de la liste des locaux types opérées en 2001 et 2002 pour exercer son droit de reprise sur les années d'impositions antérieures non prescrites ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, le recours à la méthode prévue au 2° de l'article 1498 pour les locaux particuliers ou exceptionnels n'aurait pas permis de disposer, dans des délais plus brefs que ceux qui sont nécessaires pour réviser la liste des locaux types, de nouvelles valeurs locatives permettant l'exercice du droit de reprise ;

Considérant, dès lors, que l'administration n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en procédant, pour mettre à jour la valeur locative des immeubles en cause, à la révision de la liste des locaux-types de la commune selon la procédure de l'article 1504 et en refusant, dans l'intervalle, de procéder à l'évaluation des immeubles par d'autres méthodes et de mettre en oeuvre le droit de reprise, dont les conditions n'étaient pas réunies ; que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles, a annulé, pour ce motif, les décisions de refus d'émettre des rôles complémentaires à la taxe foncière ;

Sur la responsabilité de l'administration :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration n'a commis aucune faute en refusant d'émettre les rôles complémentaires demandés par la commune ; qu'ainsi, le ministre est également fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu l'existence d'une telle faute et considéré que la responsabilité de l'administration pouvait être engagée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ou tenue aux dépens, verse à la commune de Mantes-la-Ville la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 0204347 du Tribunal administratif de Versailles en date du 25 janvier 2007 sont annulés.
Article 2 : La demande de la commune de Mantes-la-Ville tendant à l'annulation des décisions du directeur des services fiscaux des Yvelines refusant d'émettre des rôles supplémentaires à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables de ces décisions est rejetée.
N° 07VE00923 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE00923
Date de la décision : 03/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: M. Johan MORRI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : QUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-06-03;07ve00923 ?
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