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09/10/2008 | FRANCE | N°07VE02005

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 octobre 2008, 07VE02005


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2007 au greffe de la cour, présentée pour la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE MIT CHARTERING, dont le siège est 6 bis rue Georges Chapelier au Chesnay (78150), par Me Henry-Stasse ; la SAS MIT CHARTERING demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603676 et 0603807 du 19 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations minimums de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2004 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions

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3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice des Communautés eu...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2007 au greffe de la cour, présentée pour la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE MIT CHARTERING, dont le siège est 6 bis rue Georges Chapelier au Chesnay (78150), par Me Henry-Stasse ; la SAS MIT CHARTERING demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603676 et 0603807 du 19 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations minimums de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2004 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle afin qu'elle se prononce sur la compatibilité de l'article 1647 E du code général des impôts avec la première directive 67/227/CEE du Conseil du 11 avril 1967 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SAS MIT CHARTERING soutient que le Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en jugeant qu'elle ne saurait se prévaloir de la première directive 67/227/CEE du Conseil du 11 avril 1967 pour soutenir qu'elle n'était pas redevable de la cotisation minimum de taxe professionnelle ; que la taxe professionnelle n'est pas exclue du champ d'application de cette directive, dès lors qu'elle est calculée par référence au chiffre d'affaires ; que cette directive a contraint les Etats membres à éliminer les systèmes de taxes cumulatives à cascade pour les remplacer par le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la cotisation de taxe professionnelle prévue par l'article 1647 E du code général des impôts est assise sur la valeur ajoutée et ne prévoit aucune possibilité de déduction ; qu'en effet, la cotisation payée en amont par les fournisseurs du redevable ne vient pas en déduction de la cotisation de ce dernier ; que cette imposition n'est, par conséquent, jamais pour le consommateur final strictement proportionnelle au prix des biens et services ; qu'ainsi, la cotisation minimum de taxe professionnelle constitue une taxe cumulative à cascade interdite par la directive précitée ; que si l'article 1647 E du code général des impôts prévoit que la cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, il ne donne aucune définition du chiffre d'affaires ; qu'elle exerce l'activité de courtage en affrètement maritime agissant pour le compte d'affréteurs à la recherche d'un navire pour le transport de leurs marchandises et pour le compte d'armateurs qui recherchent du fret ; que lorsque l'armateur facture directement le fret à l'affréteur, elle perçoit une commission qui entre dans son chiffre d'affaires ; que lorsqu'elle facture le fret à l'affréteur, elle le reverse ensuite à l'armateur, sous déduction de sa rémunération ; que, dans ces deux cas de figure, elle agit comme intermédiaire transparent, puisque l'armateur sait, en vertu du contrat tripartite qu'il a signé avec elle et l'affréteur, qu'elle agit pour le compte de l'affréteur ; qu'au cas particulier, elle inscrit dans un compte de produits les sommes reversées aux armateurs qui sont prélevées sur les frets facturés ; que la société collecte lesdits frets en qualité de commettant et les reverse immédiatement ; que, cependant, cette comptabilisation dans un compte de produits ne reflète pas les conditions de son activité, puisqu'elle inclut des sommes qui ne font que transiter dans sa comptabilité, dès lors qu'elles sont collectées pour le compte des armateurs et ne lui appartiennent donc pas ; que ces sommes doivent, par conséquent, être soustraites de son chiffre d'affaires ; que cette analyse est conforme à la doctrine administrative établie pour d'autres impôts et à la jurisprudence ; qu'elle est également conforme au plan comptable général ; que dans sa réponse ministérielle du 13 septembre 1993, adressée à M. Godfrain, le ministre du budget a précisé, à propos de l'imposition forfaitaire annuelle, que les commissionnaires opaques, c'est-à-dire ceux qui agissent pour le compte d'autrui mais en leur nom propre, sont réputés avoir personnellement livré le bien ou fourni le service considéré et doivent, en conséquence, inclure dans leurs produits l'intégralité des sommes dues par les clients et non leur seule rémunération d'intermédiaire ; qu'a contrario, les sommes perçues pour le compte de tiers par les intermédiaires qui agissent pour le compte d'autrui ne doivent pas être incluses dans leur chiffre d'affaires ; que cette analyse doit être transposée à la cotisation minimum de taxe professionnelle, puisqu'elle est également fonction du chiffre d'affaires ; que les comités professionnels du secteur des transports maritimes et routiers ont obtenu un accord favorable du conseil national de la comptabilité ; qu'ainsi, elle n'était pas redevable de la cotisation minimum de taxe professionnelle dès lors que son chiffre d'affaires des trois années litigieuses était inférieur à 7 600 000 euros ;

.................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la première directive 67/227/CEE du Conseil du 11 avril 1967 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de commerce ;

Vu le décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 pris en application de la loi n° 83-353 du 30 avril 1983 et relatif aux obligations comptables des commerçants ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2008 :

- le rapport de M. Dhers, premier conseiller,

- les observations de Me Henry-Stasse,

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SAS MIT CHARTERING interjette appel du jugement du 19 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations minimums de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2004 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la première directive 67/227/CEE du Conseil du 11 avril 1967 : « Les États membres remplacent leur système actuel de taxes sur le chiffre d'affaires par le système commun de taxe sur la valeur ajoutée défini à l'article 2 (...) » ; qu'aux termes de l'article 2 de la directive précitée : « Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d'appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition. A chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée est appliqué jusqu'au stade du commerce de détail inclus. » ; qu'aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la cotisation de taxe professionnelle émise au titre de l'année 2002 : « I. - La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies (...) » ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction applicable aux cotisations de taxe professionnelle émises au titre des années 2003 et 2004 : « I. - La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies (...) » ; qu'enfin, aux termes de l'article 1647 B sexies, dans sa version applicable aux trois années litigieuses : « II. 1. La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion. Lorsqu'en application du deuxième alinéa sont exclus des consommations de biens et services en provenance de tiers les loyers ou redevances que verse le preneur, les amortissements visés au 2° du 1 de l'article 39, autres que ceux comptabilisés en amortissements dérogatoires et se rapportant aux biens loués, sont déduits de la valeur ajoutée du bailleur. » ;

Considérant que la SAS MIT CHARTERING soutient que la cotisation minimum de taxe professionnelle constitue une taxe cumulative à cascade, catégorie d'imposition qui serait interdite par les dispositions précitées de la première directive du 11 avril 1967 ; que, toutefois, cet impôt ne frappe pas les transactions ayant pour objet les biens et services, n'est pas perçu à chaque stade du circuit de production ou de commercialisation et n'est pas exactement proportionnel au prix de ces biens ou services, puisqu'il est assis annuellement sur la valeur ajoutée de l'entreprise, qui est un solde intermédiaire de gestion, et n'est pas conçu pour être répercuté sur le consommateur final ; qu'il n'entre donc pas dans le champ d'application de ladite directive, dont l'objet est de parvenir à l'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cotisation de taxe professionnelle instituée par l'article 1647 E précité ne serait pas compatible avec les dispositions de la première directive ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : « Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. » ; qu'aux termes de l'article 1984 du code civil : « Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 132-1 du code de commerce : « Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant (...) » ; qu'aux termes de l'article 222-2 du plan comptable général : « Le chiffre d'affaires correspond au montant des affaires réalisées par l'entité avec les tiers dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante. » ; qu'enfin, aux termes de l'article 394-1 du plan comptable général : « Les opérations traitées par l'entité pour le compte de tiers en qualité de mandataire sont comptabilisées dans un compte de tiers. Seule la rémunération de l'entité est comptabilisée dans le résultat. Les opérations traitées, pour le compte de tiers, au nom de l'entité, sont inscrites selon leur nature dans les charges et les produits de l'entité. » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que seule la rémunération des intermédiaires agissant en qualité de mandataires doit être comprise dans leur chiffre d'affaires ; qu'en revanche, lorsque ces intermédiaires agissent en qualité de commissionnaires au sens de l'article L. 132-1 du code de commerce, le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend des commissions qu'ils perçoivent et des ventes et prestations de services qu'ils réalisent pour leurs commettants ;

Considérant que l'administration fiscale a redressé la SAS MIT CHARTERING, qui exerce l'activité de courtage en affrètement maritime, au titre de la cotisation minimum de taxe professionnelle au motif que les chiffres d'affaires qu'elle a déclarés pour les exercices clos en 2002, 2003 et 2004 s'élevaient respectivement à 12 913 435 euros, 11 414 090 euros et 10 542 451 euros et dépassaient ainsi le seuil d'imposition prévu par l'article 1647 E du code général des impôts ; que, pour solliciter la décharge intégrale des trois impositions litigieuses, la société requérante soutient qu'elle a agi en qualité d' « intermédiaire transparent » entre les affréteurs et les armateurs et que, par conséquent, les sommes qu'elle a encaissées pour le compte de ces derniers, et qu'elle leur a reversées, ne devaient pas être prises en compte dans le calcul de son chiffre d'affaires, qui se limitait aux seules commissions qu'elle a perçues, soit 2 096 512 euros en 2002, 984 752 euros en 2003 et 1 125 930 euros en 2004 ; que, toutefois, la SAS MIT CHARTERING ne rapporte pas la preuve par la production des factures et des pièces soumises à la cour, au demeurant rédigées en langue anglaise, ni par celle d'un document interne intitulé « formulaire de calcul de marge » destiné à son service de comptabilité, qu'elle agissait en qualité de mandataire et non de commissionnaire ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que son chiffre d'affaires n'aurait pas atteint, au cours des trois années considérées, le seuil fixé par l'article 1647 E précité ne peut qu'être écarté ;

Considérant, enfin, que la SAS MIT CHARTERING ne peut utilement se prévaloir de l'« accord » que les comités professionnels du secteur des transports maritimes et routiers auraient obtenu du conseil national de la comptabilité leur permettant d'imputer les transports sous-traités dans un compte 61 « transports sous-traités » et d'établir un compte de résultat spécifique à la profession, dans lequel ces frais de sous-traitance apparaissent en diminution des produits ; qu'en outre, les recommandations du conseil national de la comptabilité sont dépourvues de portée contraignante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'aucune question préjudicielle, que la SAS MIT CHARTERING n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la SAS MIT CHARTERING tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la SAS MIT CHARTERING la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE MIT CHARTERING est rejetée.

N° 07VE02005 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07VE02005
Date de la décision : 09/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRUAND
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : HENRY-STASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-10-09;07ve02005 ?
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